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foin que nous avons que Dieu nou? en délivre.

C'est la foy qui tient nos yeux ou verts fur notre ame, quand nous voyons les maux fecrets de notre cœur, & que nous en avons compaffion; & c'est ce fentiment qui nous porte en même tems à demander du fecours à celui feul qui nous le peut donner.

Il n'y a que ceux qui veillent, qui ayent de juftes craintes des jugemens de Dieu, qui difcernent combien ils font terribles, & qui s'efforcent de les prévenir. Il n'y a que ceux qui veillent, qui puiffent fçavoir ce qu'ils doivent quitter & abandonner pour être en état de faire de dignes fruits de penitence, & qui ayent affez de lumiere pour employer à fatisfaire à la justicé de Dieu, toutes les peines, les afflic tions & les croix qu'ils fouffrent en cette vie. On trouve affez de gens qui font perfécutez, méprifez & crucificz; mais il n'y a que ceux qui veillent par la foy qui fçachent fe fervir pour leur falut de tout ce qui leur arrive, & qui foient affez heureux pour changer des maux d'un moment en des biens éternels.

Ceux qui font endormis & infenfi

bles au regard des mifericordes de
Dieu, pendant qu'elles éclatent & fe
répandent par toute la terre, s'en ren-
dent indignes par leur ingratitude;
mais ceux qui ont les yeux ouverts &
éclairez ne peuvent ceffer de louer les
bontez de Jefus-Chrift; & ils en font
fi touchez, qu'il n'y a rien qu'ils ne
foient prêts de faire & de fouffrir
fe les conferver.

pour

Les pauvres qui veillent & qui fouffrent chrétiennement toutes les incommoditez attachées à leur état s'eftiment d'autant plus heureux, que non-feulement ils ont droit au royaume du ciel, mais qu'ils le poffedent déja en eux-mêmes, & en goûtent les joies: Regnum Dei intra vos eft.

fur fon

cœur.

Le cœur des pecheurs eft toujours Veiller dans l'instabilité. Ils ne peuvent trouver de bien folide qui les arrête, quand ils le cherchent dans les créatures, parce qu'elles font auffi mobiles que le temps auquel elles font affujetties. Comme ils fuivent des paffions qui font toujours dans de violens mouvemens, ils n'ont garde de trouver du repos ; & pour comble de mifere, tout ce qu'ils fouffrent non-feulement n'eft point capable de les reveiller, mais ne

fert même qu'à rendre leur affoupiffement plus profond. Il eft donc entierement néceffaire de veiller pour connoître les moyens d'arrêter notre propre inftabilité, en confiderant que nous ne devons avoir de defirs, ni de deffeins qui ne foient parfaitement foumis aux ordres de Dieu: cela nous oblige de ne rien entreprendre qu'avec lumiere, qu'avec prudence, que par un mouvement de charité; & fi ce que nous avons entrepris ne réuffit pas, il ne faut pas nous en inquiéter, mais nous foumettre à la volonté de Dieu qui s'accomplit toujours, & nous assurer que cette obéissance est infiniment plus, felon le cœur Jesus-Chrift, & plus utile à notre falut, que tous les facrifices où notre volonté se ren

contre.

Pour comprendre le defordre que peut caufer en nous la legereté, l'inconfideration & la négligence de veiller fur de petites chofes, il en faut voir l'image dans une communauté de reliligieufes imparfaites. Je fuppofe des perfonnes qui ne voudroient pas rompre leurs vœux, ni commettre de grandes fautes, mais qui n'auroient pas de fcrupule d'en faire fréquemment de

petites, fi par délicateffe & par amour de leur fante, elles fe difpenfoient fouvent de l'office; fi fous ce même prétexte elles refufoient toutes les obéiffances où il y a des travaux un peu pénibles; fi pour soulager leur mélancolie, elles s'imaginoient qu'elles ont fouvent befoin de vifiter, de fréquenter & de faire enfemble de longs entretiens ; fi de peur de tomber malades elles ne fe contentoient prefque jamais de ce qu'on leur fert au refectoir, mais qu'il fallut leur chercher des viandes felon leur goût; fi chacune vouloit quelque petit ornement dans fa cellule, fous prétexte que c'eft peu de chofe, ce couvent de perfonnes imparfaites qui s'abandonneroit à toutes ces fautes, & à mille autres femblables, deviendroit une babylone & un lieu d'une extréme confufion.

,

Tels font les gens du monde, qui ne veillent point fur les petites chofes, & qui croyant qu'il leur fuffit de rem. plir les devoirs effentiels de leur condition, ne penfant dans tout le reste qu'à faire leur volonté ; car cette volonté étant volage & changeante, ils ne vivent pas deux jours de la même maniere, & leur instabilité met toutes

leurs affaires dans la confufion.

S'ils ont quelque deffein dans l'ef prit quelque inutile qu'il foit, ils s'y appliquent comme au feul néceffaire; ils n'y épargnent ni leur tems, ni leur peine, ni leur argent, ni leurs domeftiques; ils oublient leur foibleffe & leur fanté, & fouvent même l'état de leur fortune; ils paffionnent fi fort leur ouvrage, qu'ils ne peuvent fouffrir qu'on les contredife; & parce qu'ils le veulent abfolument, ils prennent leurs defirs pour des raifons con

vaincantes.

Il y en a qui fe jettent dans la bagatelle, & qui après s'être donné quantité de chofes, s'en dégoûtent & s'en ennuyent auffi-tôt, & fe mettent à chercher d'autres amusemens.

Il fe trouve même des perfonnes af fez retirées, qui nonobftant la profeffion qu'elles font d'une pieté particuliere, ne laiffent pas de chercher quelquefois des compagnies par humeur, par complaifance, par legereté & par peu de foin qu'elles ont de menager leur loifir, quoique ces compagnies les incommodent, quoiqu'elles leur faffent perdre beaucoup de tems, & qu'elles leur donnent occafion de fe

le

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