Imágenes de páginas
PDF
EPUB

de, que de demander à Dieu, la même grace qu'il accorda autrefois aux Apôtres, en faifant que nous entendions comme eux, le langage de toute forte de perfonnes, & que toute forte de perfonnes entendent auffi le nôtre.

[ocr errors][ocr errors]

tit ***

DES DIVERS MAUX

qui fe gliffent dans les entretiens
des hommes.

I.

E n'eft pas feulement à la cour, & parmi les perfonnes toutes feculieres,que l'on trouve le monde; on le trouve encore dans les folitudes, dans les cloîtres & parmi les plus faints religieux. Le monde eft partout, & il a par-tout des pieges & des précipices, où tombent ceux qui ne veillent pas affez fur eux-mêmes: c'est une maxime très-commune parmi les perfonnes de pieté, qu'on perd toujours quelque chofe dans les converfations qu'on a avec les hommes mêmes vertueux, & qu'on a toujours fujet de fe repentir d'y avoir été. Il eft bien difficile qu'on n'y apprenne quelque chofe qu'il vaudroit mieux ignorer; qu'on ne fe laiffe aller à dire, ce

qui devroit être enfeveli dans le filence, & à juger des chofes dont on ne devroit pas juger; que les paffions de nos freres ne faffent impreffion dans notre cœur ; ou que notre amour pro

pre ne nous courbe & ne nous plie trop par un excès de complaifance; enfin qu'il ne s'excite en nous, ou dans les autres, quelque orage qui trouble la paix de notre ame, ou qui nous détourne de l'attention que nous fommes obligez d'avoir à Dieu.

I I.

L'experience de ces veritez a fait dire à un faint, que la premiere chose que doit faire celui qui veut fe fauver, eft de fuir les hommes;ils font tous malades, & leur mal eft fi contagieux, qu'ils ne peuvent converfer les uns avec les autres, fans fe le communiquer mutuellement, ni fans augmenter celui des autres avec le leur. Il y a fans doute un grand nombre de ferviteurs de Dieu qui vivent très-faintement, & qui ont beaucoup de vertu, mais il n'y en a point qui ne porte un corps de peché; & ce corps de peché produit par-tout où il fe rencontre de

mauvais effets. Les meilleures perfonnes ont quelque chofe qui n'eft pas bon : & il leur refte toujours un poids de corruption qui les porte à fe caufer mutuellement le mal qu'ils ne veulent pas. Quoiqu'ils n'ayent pas intention de fe nuire les uns aux autres quand ils font enfemble, ils ne laiffent pas de fe nuire, & de nuire aux autres contre leur deffein: les paffions font un feu dont on ne fauroit s'approcher fans en reffentir la chaleur; & lorfque nous converfons avec les hommes, nous entrons prefque toujours dans leurs paffions, ou les nôtres s'échauffent & s'enflâment en leur résistant.

III.

Il fe rencontre même quelquefois que la converfation des gens-de-bien nous nuit davantage que celle des perfonnes déreglées. Si je fçai que quelqu'un eft un médifant, je me tiendrai fur mes gardes avec lui; & quand il me débitera des calomnies, je prendrai fes difcours pour des menfonges, & je n'en aurai que plus d'averfion de fa malignité.

Comme on ne fe défie

pas des gens.

de-bien, s'il arrive que quelque honnête homme fe trompe fur le fujet d'un autre, & que fuivant fon erreur il m'en parle defavantageufement, je ferai fcrupule de ne le pas croire ; & fon difcours ne manquera pas de produire un mauvais effet dans mon efprit. Or cela n'arrive que trop fouvent, parce que les gens-de-bien mêmes parlent toujours de ce qui les touche davantage, & c'eft un de leurs plus ordinaires & de leurs plus grands défauts.

Un malade fe porte naturellement à parler de fon mal, parce qu'il en eft occupé, & que la douleur l'empêche de penfer à autre chofe. Notre ame a toujours quelque maladie, & chacun de nous étant fujet à fe tromper en quelque chofe, il eft difficile que notre amour propre ne nous previenne injustement contre perfonne. Or nous parlons ordinairement de ceux dont nous fommes blessez, ou au moins il nous échappe quelquefois d'en parler: nous tâchons d'infinuer dans l'ef prit des autres, les opinions defavantageufes que nous en avons ; & nous n'y réuffiffons que trop, fi nous avons de l'adreffe, & fi on a quelque créan

ce en nous.

« AnteriorContinuar »