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tere. Ils demeuroient dans le monde pour en combattre l'impieté, pour en éclairer les tenebres, & pour y faire regner Jesus-Chrift; mais ils n'y goûtoient d'autres plaifirs, ni d'autre joie que celle d'être estimez dignes de fouffrir pour fon nom; ils y étoient comme étrangers & comme dans un roiaume ennemi, fans y prétendre pour toutes faveurs que des peines, des ou trages & des croix.

On a fouvent vû dans les premiers fiecles de l'Eglife, des femmes mariées & attachées au monde par des liens indiffolubles, fouffrir toute forte de tourmens,plutôt que d'obéïr aux commandemens que leurs maris leur faifoient, d'offrir de l'encens aux idoles. C'est ce que l'hiftoire nous apprend auffi d'un grand nombre d'efclaves, à qui la grace de Jefus-Chrift avoit rendu la vraie liberté ; & d'un grand nombre de foldats particuliers, auffibien que de plufieurs grandes troupes qui fe font portées avec plus d'ardeur & de courage à répandre leur fang pour Jefus Chrift, qu'ils ne s'y portoient auparavant pour leur prince, & pour l'état.

Saint Paul a declaré il y a long

,

tems qu'il eft impoffible de fervir Dieu felon les regles de la véritable pieté, & de vivre parmi les hommes fans fouffrir des perfecutions dans la plus grande paix de l'Eglife; il faut les recevoir avec la même difpofition qu'on a vû dans les anciens martyrs, réfiftant jufqu'à la mort à ceux qui fe ferviroient de leur puiffance pour nous porter au peché: & c'est le feul moien qu'on ait de fe conferver pur & exemt de la corruption du fiecle.

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XI.

Outre qu'il est très-néceffaire de ne. demeurer dans le monde que par contrainte & malgré foi, fans y attacher fon cœur; il eft encore à remarquer que ceux mêmes qui s'y tiennent de la forte ne laiffent pas d'être en danger, s'ils ne veillent beaucoup fur eux & s'ils ne demandent inftamment le fecours de Dieu dans tous leurs befoins. Nous nous trompons fouvent lorfque nous croions ne demeurer dans le monde qu'à cause que Dieu nous y engage. Quand néanmoins nous n'aurions aucun fujet de douter de fa vocation, nous ne de

vrions pas nous y croire dans une entiere fureté, puifque les lâches, les tiedes, les pareffeux, ceux qui ne se font point violence; qui négligent la priere & la penitence, ne fe fauvent nulle part, & que s'ils ne peuvent fe

fauver dans la folitude & dans la retraite fans changer de vie,ils le peuvent encore moins dans la corruption, périls & les embarras du fiecle.

les

Saül, Salomon & Judas s'étant perdus dans la condition où Dieu les avoit apellez; David, Aaron & faint Pierre y aiant commis des crimes capables de les perdre ; cela nous aprend qu'en quelque état que nous foions, quoique nous n'y foions que par l'ordre de Dieu, nous n'y pouvons faire notre falut qu'avec crainte.

Il y a toujours dans ceux qui haïffent fincerement le monde, quelque chofe qui les y attache, fans qu'ils s'en apperçoivent. Le peuple d'Ifraël n'étoit que malgré lui dans l'Egypte qui eft la figure du monde.Il étoit dans un état très-penible, & accablé fous la tirannie de Pharaon. Cependant il ne laiffoit pas d'y avoir de l'attache & il n'en fût jamais forti, fi Dieu ne l'en eût tiré comme par force.

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Loth étoit fort éloigné des défordres de Sodome; il gémiffoit de fe trouver au milieu d'une nation fi abominable; & fon cœur étoit bleffé d'autant de plaies qu'il voioit de crimes. Cependant il ne pouvoit fe réfoudre d'en fortir, & il fallut que les anges lui fiffent violence , pour le garantir des flâmes qui alloient réduire cette miferable ville en cendres, tant il eft vrai que les plus faints, & ceux mêmes qui ont le plus d'averfion du monde, y peuvent tenir par quelque endroit qu'ils ne connoiffent pas. Ainfi on doit reconnoître qu'il y a dans notre ame affez de quoi nous lier au monde, & dans le monde affez de quoi nous arrêter, fi Dieu ne nous en dégage, ou ne nous en preferve par fa grace, & s'il ne nous enleve d'entre les pecheurs, comme il enleva autrefois Enoch, de peur que Sap.4 la malice ne change notre efprit,& que 11. le menfonge ne nous feduife & ne nous corrompe.

XII.

Afin d'éviter ces engagemens imperceptibles & inconnus, il faut que ceux qui font contraints par leur condition

II.

,

de converfer avec les gens du monde, prennent garde de ne le faire qu'autant qu'il eft néceffaire, d'une certaine maniere & jufqu'à un certain. point. Ils doivent fuppofer qu'il y a des bornes qu'ils ne peuvent paffer fans offenfer Dieu, & ils font obligez. de veiller beaucoup fur eux-mêmes, pour difcerner ces bornes. Un marchand, par exemple, eft contraint de traiter avec des gens fans lefquels il ne fauroit exercer fon commerce. Un avocat,de recevoir & d'entretenir ceux qui ont des affaires : un medecin, de voir fes malades: un curé, d'affifter & de fervir fes paroiffiens dans leurs befoins; & ainfi des autres. Que fi ces perfonnes s'écartant de leurs emplois, fe mêloient dans le monde fans neceffité, & s'ils paffoient leur tems à des entretiens qui n'euffent aucun raport à leur profeffion, ils tenteroient autant Dieu que ceux qui fe précipitent du haut d'un rocher, & ils mériteroient que Dieu les laiffat tomber juf

qu'au fond de l'abîme.

XIIL

Il efhencore certain que notre pre

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