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n'y a que nous qui en foyons coupables. Nous voudrions changer tous ceux qui nous déplaifent, ou qui nous incommodent, & nous n'aurions qu'à changer nous-mêmes, pour n'en être pas bleffez.

Comme l'Ecriture Sainte nous affure avec grande raifon, que ni l'œil ni l'oreille ne font jamais rassasiez de voir ou d'entendre, on peut affurer fans crainte, que les autres cupiditez ne font pas moins infatiables. Les ambitieux, les avares, ceux qui aiment leurs plaifirs ne trouvent jamais qu'ils en ayent affez, & ne font jamais contens; plus ils ont en abondance ce qu'ils defirent, & plus leurs defirs s'enflâmant & s'augmentant, ils font moins fatisfaits qu'ils n'étoient auparavant.

C'est ce qui a fait dire aux Philofophes Payens mêmes, que ce ne font pas ceux qui poffedent de grands trefors qui font riches, mais ceux qui n'en defirent point; & que pour être heureux, il ne faut pas contenter fes convoitifes, mais les retrancher. Suivons donc l'avis ou plûtôt l'ordre que faint Jean nous donne de n'aimer ni le monde, ni rien de ce quiz. 10 eft dans le monde. Nous fouffrirons

,

1. Joan

15.

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volontiers que toutes les chofes dur monde nous manquent. Cette privation ne nous caufera aucune peine parce qu'au lieu des biens de la terre nous poffederons les biens du ciel, & que le royaume de Dieu appartient à ceux qui aiment la pauvreté.

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Enfin, déplorons & évitons d'autant plus l'aveuglement des hommes,qu'ils ne laiffent pas de fouhaiter toujours avec beaucoup d'ardeur les avantages du monde, quoique leur defir ne les leur procure pas, ni leur ferve qu'à les rendre plus malheureux quand ils les poffedent, & qu'ils n'ont que du mépris & de la froideur pour les richeffes de Dieu même, quoiqu'ils n'euffent qu'à les defirer de tout leur cœur pour les acquerir & pour y trouver une parfaite facilité, & que leur indifference à ce regard les rendant indignes de ces grands biens, les réduit à la derniere mifere.

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DE LA CON DUITE que doivent tenir dans les rapports ceux à qui on les fait, & de qui on les fait.

I.

UELLE penfée peut-on

avoir des perfonnes reli

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gieufes, qui ne fçauroient fouffrir qu'on découvre leurs fautes, & qu'on les rapporte à leurs fuperieurs, finon qu'elles font fort délicates & immortifiées ; qu'elles n'ont guéres profité des inftructions qu'on leur a données ; qu'elles ont une opinion peu avantageufe de la charité de leurs freres, & de la prudence de ceux qui les conduifent; qu'elles n'aprehendent pas affez leurs propres tenebres, & fe défient trop de la charité des autres; qu'elles manquent d'amour pour la verité, puifqu'elles ne l'aiment pas, lorfqu'elle les reprend; qu'elles affectionnent les fautes dont elles prenment la protection; & enfin qu'elles

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ont fujet de craindre, qu'aimant à marcher dans les tenebres, elles ne deviennent des enfans de tenebres.

Quiconque n'a point d'autre but que d'obferver fa regle, que d'obeïr, que de s'humilier, que de guérir les plaies de fon ame, que de fuivre Jefus-Christ par tout où il va, que de marcher dans la voie étroite, & d'y porter fa croix ; non feulement ne fe cache point, & n'apprehende point qu'on le fasse connoître ; mais il n'omet même rien pour faire voir le fond de fon cœur : il eft perfuadé qu'une des importantes parties de fon devoir confifte à rendre un compte exact de toutes fes actions; il a un très grand defir qu'on falle pour lui, ce qu'il craint de ne pas faire affez exactement lui-même il fouhaite que tout le monde éclaire fes tenebres, & bien loin de fe plaindre des humiliations, des réprehenfions & des mortifications qui lui peuvent arriver, des rapports que l'on fait de lui, il s'en réjouit, il en rend graces à Dicu, & en tire de grands avantages.

II.

Si les fautes qu'on rapporte de nous

font évidentes, & telles que nous nous en devions nous-mêmes accufer, nous fommes obligez d'aimer cette lumiere, quoiqu'elle nous condamne, puifque nous n'avons qu'à l'aimer, qu'à y confentir & à lui obéir, pour faire qu'elle ne nous condamne plus, fi ce font des fautes que nous ne connoiffions point, & que néanmoins nous ayons commises, ce nous eft un grand avantage qu'elles ne demeurent pas plus long-tems dans les tenebres : & puifqu'encore que nous ne les ayons point fenties, elles n'ont pas laiffé de bleffer ceux qui les ont remarquées, il faut que par notre patience & notre foumiffion nous guériffions la plaie que nous avons faite, quoique peutêtre fans y penfer. Mais fi les rapports que nos freres font de nous ne font pas tout à fait juftes, & s'ils nous impofent des fautes dont nous ne fommes pas coupables, il eft de notre devoir de recevoir avec douceur tout ce qui vient de leur part, & nous fommes obligez de changer en bien le mal qu'ils voudroient nous faire; & fi nous avons un peu de charité, nous devons les traiter en freres. Il eft digne de la profeffion que nous faifons,

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