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de ne rendre pas injure pour injure ~ & une partie de la fcience que nous devons avoir apprise dans notre monaftere, confifte à fçavoir nous fervir de telle forte de la charité, que nous changions en bien tout le mal qu'on voudroit nous faire, afin que toutes chofes cooperent à notre falut.

,

Puifqu'on n'accomplit la loi de Dieu qu'en portant mutuellement les fardeaux les uns des autres, nous ne devons pas refufer de porter quelques accufations que l'on fait de nous ; & quoiqu'elles ne foient pas exactes ou qu'elles foient fauffes, il ne nous eft I pas moins utile de les fouffrir, & nous n'y fommes pas moins obligez. Comme ce font des croix que Jefus Christ nous envoye par fa providence, bien loin de les rejetter, il faut, à l'exemple de faint Paul, nous en fervir pour y crucifier notre amour propre, & pour y faire mourir ce qui reste encore en nous du corps du peché.

IIL

Si nous n'avions point oublié pourquoi nous fommes religieux, nous ne murmurerions jamais des accufations qu'on

qu'on peut faire contre nous, & encore moins de la rigueur & de l'injuftice de nos fuperieurs; nous n'aurions jamais la penfée que leurs paroles font rudes, & que nous ne les pouvons fupporter; mais nous les goûterons avec plaifir, comme des paroles, où les vrais obéiffans trouvent la vie éternelle.

que

Si nous n'avons point d'autre deffein de nous humilier, de nous mortifier, de mourir à nous-mêmes, nous n'aurons garde de nous plaindre, quand la bonté de Dieu nous fera ren contrer les moyens naturels, de pratiquer les actions aufquelles notre profellion nous engage.

Les avares qui aiment l'argent avec paffion, n'ont point plus de joie que quand on leur en donne beaucoup; ils le reçoivent de toutes leurs mains, fans. fe mettre en peine fi on a dû le leur donner, ou fi on leur en donne trop.. Un ambitieux n'a garde de fe plaindre quand on lui fait un honneur qu'il ne merite pas, ou qu'on l'éleve dans quelque dignité, dont il eft indigne. Îl en eft ainfi des autres paffions: l'œil & l'oreille ne fe contentent jamais, ni de voir, ni d'entendre; & l'extrême avir Tome 11.

X

dité de ceux qui cherchent à contenter leurs fens, fait qu'ils ne difent jamais, c'eft affez. Toute la joie, l'ambition, la gloire d'un religieux doir être de fouffrir, toute fa fcience confifte à favoir Jefus Chrift crucifié; il ne doit avoir de pensée, ni d'inclination que pour la penitence, & il ne faut pas qu'il y mette d'autres bornes que celles que Jefus-Chrift y a mises, en obéïffant à fon Pere jufqu'à la mort de la croix. Voilà les fentimens que nous devons avoir, quand il nous arrive quelque chofe d'humiliant & de pénible,enfuite des rapports que Dieu permet que l'on faffe de nous.

IV.

Les perfonnes du monde qui aiment leur honneur, tâchent de s'acquitter exactement de tous les devoirs où leur profeffion les engage, quelque pénibles & dangereux qu'ils puiffent être. Un foldat qui a quelque generofité, ne fe plaint point de ce que fon capitaine le mene à l'affaut, & de ce qu'il l'expofe à tous les dangers de la guerre: un matelot s'eftime heureux quand il trouve un vaiffeau où il peut s'em

barquer, fans fe mettre en peine des tempêtes qui arrivent fi fouvent fur la mer; & un laboureur defire ardemment le temps de la moiffon, qui eft le temps de fon plus grand travail.

Comment donc des perfonnes qui font profeffion de la vie religieufe, c'est-à-dire, d'une vie humble & mortifiée; comment ceux qui prétendent être les difciples de Jefus-Christ, c'està-dire, d'un Dieu qui s'eft chargé volontairement de tous nos crimes,& qui en a voulu porter la peine dans un corps fait à la reffemblance du peché, ofent-ils fe plaindre comme d'un grand mal de ce qu'on les accufe de quelques fautes? N'ont-ils point de confufion de vouloir paffer pour des perfonnes innocentes, quand ils voyent le faint des faints ne paroître fur la terre que comme un miferable criminel?

Ils craignent où il n'y a nul fujet de crainte, quand ils apprehendent fi fort que leurs fuperieurs ne fe préviennent contr'eux, & ne les jugent plus coupables qu'ils ne font. Ils ne confiderent pas combien cet état leur feroit avantageux; puifque c'eft celui de Jefus-Chrift. Il a trouvé tous les hommes prévenus contre lui; & fur cette

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prévention ils lui ont fait fouffrir les peines qui nous étoient dûes. Quel avantage, de pouvoir à l'exemple du Fils de Dieu, fouffrir l'humiliation que nous n'avons pas merité! Quelle joie devons-nous avoir, quand il fe prefente des occafions où nous pou

vons nous laiffer traiter comme des criminels, & mourir fur la croix pour des pechez que Dieu permet qu'on nous impute.

V,

Si nous avions foin de vivre de la foy, nous verrions que nous ne pouvons nous fauver que dans la voie où Dieu lui-même nous a conduits; que c'est par fa providence que nous fommes engagez à vivre avec des perfonnes qui jugent à propos de nous accufer; & que quoiqu'ils le faffent peutêtre trop legerement ou avec quelque malignité, il n'eft pas moins vrai qu'il eft de notre devoir de les fupporter avec patience.

Si nous avons un fuperieur qui fe prévienne facilement contre nous, qui Hous condamne fur les moindres apparences, qui nous traite avec plus de rigueur que nous n'en attendions de

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