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fa part; nous devons fuppofer que le fouverain medecin voit en nous des maladies qui ne peuvent être guéries que par cette conduite; nous devons obéir à Dieu qui nous veut en cet état; & croire qu'étant neceffaire à notre falut, nous ne devrions pas en fortir quand nous le pourrions, mais que nous devons au contraire nous y foumettre de tout notre cœur.

V I.

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Nous avons feulement à prendre garde, de ne nous pas tromper en jugeant trop facilement, qu'on eft prévenu contre nous: car c'eft le langage ordinaire de l'amour propre. Ceux qui font les plus perfuadez de cette penfée, s'abufent pour l'ordinaire grof. fierement: & la caufe de leur illufion c'eft qu'étant aveugles, ils ne connoiffent point leurs fautes, & ils font euxmêmes trop prévenus contre ceux qui les en accufent, contre leurs freres contre leurs fuperieurs & contre la verité même. Or comme nous pouvons être du nombre de ces aveugles, fans le favoir, & qu'il eft très-dangereux de fe fier à fon jugement en fa propre

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caufe nous ne pouvons être trop refervez à juger en notre faveur contre le fentiment de nos freres & de nos fuperieurs. C'eft la coûtume des criminels de s'élever contre les témoins, qui ne dépofent que ce qu'ils ont vû, & contre les juges qui les condamnent très-justement, auffi-bien que de fe plaindre de l'injuftice qu'ils fouffrent lorfqu'on ne châtie que leurs crimes. C'eft donc à nous à veiller fur nous-mêmes, pour ne pas tomber dans cette tentation fi commune : &

pour l'éviter, il faut avoir pour maxime de ne refifter jamais à ceux qui nous accufent, mais de confentir à tous ceux qui nous condamnent; que fi nous ne voyons pas allez les défauts qu'on nous impute, il faut prendre garde que ce ne foit notre orgueil qui nous les cache, & avoir recours à l'humilité, qui feule nous peut donner des yeux & de la lumiere pour les reconnoître ; cette divine vertu nous empêchera de nous flater nous-mêmes; elle nous fera voir quelle charité nous devons avoir pour ceux qui nous reprenment; elle nous fera entrer dans leurs raifons, & elle nous conduira à l'école de Jefus-Christ, afin que nous appre

nions de ce divin maître, la patience & la douceur; c'eft par lui que nous faurons faire un bon ufage de tout ce qu'on peut rapporter de nous, vrai ou faux; & alors au lieu de nous en plaindre, nous nous en fervirons pour notre falut.

VII.

J'avoue qu'il peut fouvent arriver, même dans les communautez les plus réglées,qu'on ait de nous de faux foupçons; qu'on nous accufe fans raifon, & qu'on faffe des rapports touchant notre conduite peu conformes à la verité; mais il fe peut faire auffi que ce qu'on rapporte de nous étant trèsvrai, nous ne le connoiffons pas: car il n'y a rien qui foit fi commun à tous les hommes, que de ne voir pas les fautes qu'ils font à la vûe de tout le monde, & de fe défendre contre ceux qui les en accufent: Peut-être qu'en

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telles & telles rencontres nos freres ont eu tort: peut-être aufli que nous nous trompons, de croire qu'ils ont eu tort: ils ne font pas infaillibles, & nous ne le fommes pas plus qu'eux; mais il eft certain que fi nous fommes humbles, nous aimerons mieux

dans le doute fouffrir que nos freres nous condamnent, que de les condamner; & quand nous ferions affurez qu'ils n'ont pas raifon, nous ne devrions jamais ous porter pour juges de notre propre cause, c'est à notre fuperieur à qui nous nous en devrions rapporter. Il peut lui-même être furpris; mais quand il le feroit, nous n'avons point d'autre parti à prendre,que d'acquiefcer à fon jugement; car tout ce qui nous en peut arriver, s'il décide contre nous, c'eft d'être humiliez & mortifiez, & c'eft ce que nous devons defirer. Celui qui vit de la vie de Jefus Chrift, & en qui Jesus-Christ vit, trouve toûjours un grand gain dans les humiliations & les mortifications, en quelque maniere qu'elles lui puiffent arriver.

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VIII.

Il faut même avoir foin de nous condamner interieurement,& de juftifier nos freres, autant que nous pouvons, felon les regles de la verité ; en confiderant qu'encore que nous ne commettions pas toutes les fautes dont on nous accuse, il se peut faire que nous donnions toûjours lieu de nous

en accufer. Nous n'avons pas toûjours dit tout ce qu'on rapporte de nous : mais fi nous nous examinons avec foin, il fe trouvera qu'en parlant avec indifcretion, nous avons donné lieu à nos freres d'avoir des foupçons defavantageux de nous. Ils expliquent, peut-être nos paroles dans un fens que nous n'avons pas eu dans l'efprit; mais nous ne laiffons pas d'être coupables de l'impreffion que nous leur avons donnée,en parlant plus que nous ne devions, & lors qu'il falloit garder le filence. Nous ne devons pas prendre la facilité qu'on a de nous condamner, comme un effet de la malignité de nos freres, mais comme une fuite naturelle des grandes imperfections qu'on voit en nous nous n'avons pas fait ce qu'on nous accuse d'avoir fait, mais nous avons paru l'avoir fait, en faifant quelque chofe d'approchant. On a une très-grande pente à juger que nous avons commis des fautes, quand on fait que nous y fommes fort fujets : & quand on fuit cette penfée, au lieu de nous défendre & de nous en irriter, nous devons nous condamner nous-mêmes, & tâcher d'agir avec tant d'attention à

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