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miere & plus indifpenfable obligation étant de fervir Dieu, il ne nous eft jamais permis de prendre aucune profeffion qui nous engage tellement dans le monde, qu'il foit pour nous une occafion prochaine de peché. Si quelqu'un ne peut être avocat fans déguifer la verité, fans fe charger de mauvaise caufe, fans fe laiffer aller à l'avarice ou à l'orgueil, fans y donner tant de tems qu'il ne lui en refte pas affez pour s'acquitter des devoirs du chriftianifme; cet emploi eft pour lui un monde qu'il doit fuir: il ne faut pas qu'il y entre, & s'il y eft entré, il faut qu'il en forte.

On peut conclure de cette regle, que Dieu ne nous engage jamais à des profeffions ni à des métiers défendus par les loix, ou qui nous expofent à des tentations au-deffus de nos forces; non plus qu'à paffer notre vie dans l'oifiveté, dans les pompes, dans les délices & dans des exercices qui font mauvais de leur nature, ou qui le font à notre égard, à caufe que notre foibleffe y trouve des occafions de peché; ou à caufe qu'ils ne nous laiffent pas le tems néceffaire pour prier Dieu, & pour penfer ferieufement à nos

principaux devoirs.

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Il eft permis aux pauvres qui ne fau roient fubfifter autrement, de fervir des maîtres peu chrétiens dans leurs mœurs; mais fi ces maîtres les veulent engager dans leurs défordres, à jurer, à tromper, à travailler les dimanches: & les fêtes, & à commettre d'autres crimes; s'ils les empêchent de s'acquitter de ce que nous devons tous à Dieu; & fi leur mauvais exemple leur nuit, qui doute que ces ferviteurs ne foient obligez de les quitter, & de fouffrir plutôt les plus grandes miferes, que de continuer à les fervir aux dépens de leur falut.

XIV.

Ce qui fait que la plupart des chrétiens ne vivent point felon la fainteté de leur profeffion; c'est que non-feulement ils ne fuient pas le monde, mais ils ont même un grand emprefsement de s'y engager plus avant que Dieu ne leur permet. C'eft dans ce deffein qu'ils y achetent des charges, qu'ils y briguent des emplois, & qu'ils y recherchent des bénéfices fans examiner fi Dieu les y appelle, ni s'ils ont les qualitez néceffaires pour s'en

acquitter

acquitter dignement, auffi-bien que fans prendre confeil finon de perfonnes intereffées & favorables à leurs deffeins. Comme ils négligent de confulter & d'écouter Dieu en entrant dans les charges, & qu'ils ne lui demandent ni fa lumiere, ni fa grace, ou qu'ils ne la demandent pas fincerement, il les traite avec juftice, lorfqu'il n'a nul égard à leurs befoins, & qu'il les abandonne à leurs tenebres & aux defirs de leur cœur ; & il faut néceffairement que le monde triomphe de tous ceux qui fe jettent volontairement entre fes mains.

X V.

l'é

Il n'y a point d'autre remede à ce mal, que de quitter, fi on peut, tat où l'on eft entré contre l'ordre de Dieu , principalement quand on y trouve des occafions de chute. Car fi c'est un defordre de s'y être engagé en cette maniere, c'en eft encore un plus grand d'y perfifter volontairement; & le feul moyen de reparer

la

faute qu'on a faite en s'y engageant, eft de s'en retirer & d'en fortir.

Cette régle neanmoins ne fe doit

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pas entendre de certains emplois qui font très-permis par eux-mêmes; & qui étant laborieux, s'accordent fort bien avec l'obligation que tous les chrétiens ont de faire penitence.

Si, par exemple, un laboureur, un ouvrier ou quelque artifan, n'a point confulté Dieu avant de choifir fon métier, il doit faire dans la fuite ce qu'il a omis au commencement, & fuppléer ainfi au défaut de fon entreprife; mais lorfqu'une profeffion eft de fa nature dangereufe, ou qu'elle demande des qualitez que nous n'avons pas, il eft plus facile d'en fortir que de rectifier notre entrée.

Quant à ceux qui font tellement liez à une condition qu'ils ne s'en peuvent dégager, ils doivent beaucoup gemir de la faute qu'ils ont faite de s'y ene gager contre les regles de Dieu; & le prier d'autant plus de les délivrer des tentations qui des environnent, que ne pouvant les éviter par la fuité, ils fe trouvent réduits à la néceffité. ou de les vaincre, ou d'en être malheureusement vaincus. Ils ont auffi

fujet d'efperer que Dieu leur fera mifericorde, s'ils employent tous les moyens néceffaires pour l'obtenir, &

s'il voit que demeurant dans le monde malgré eux par une entiere contrainte, & avec une extrême répugnanc e, ils font veritablement difpofez à en fortir quand ils pourront se dégager de leurs liens.

X V. I.

fe

Quoiqu'on ne puiffe donner un confeil plus important à ceux qui ne fauroient fe fauver dans leurs emplois, que de les quitter entierement; il y a très-peu de perfonnes qui le fuivent principalement lorfque ces emplois font fort avantageux, & qu'ils y trou vent des commoditez, des richeffes & de l'honneur; ou quand ils leur pros curent ce qui leur eft néceffaire: car ne croyant pas alors pouvoir vivre fans ces fecours, ils prétendent être dans l'impuiffance de s'en priver.

Mais ceux qui ne fe laiffent point aller à leurs vûës & à leurs penfées particulieres; qui au lieu de fe con→ duire par leur propre efprit, fuivent uniquement les lumieres de la foy raifonnent tout autrement fur ce fujet, & en jugent d'une maniere fort differente.

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