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Comme ils fçavent qu'on ne peut fe fauver fans entrer dans toutes les fouffrances, les humiliations & les croix, où Dieu nous appelle; ils reconnoiffent qu'il ne nous y appelle jamais plus manifeftement que quand nous ne pouvons nous acquitter de nos devoirs fans y entrer. Ils confiderent que Dieu les obligeant de quitter la charge, l'emploi, le métier qui Jeur eft une occafion de peché, il les oblige auffi de fouffrir tous les maux temporels qui leur arriveront enfuite, & qu'ils doivent regarder ces maux comme néceffaires à leur falut, auffibien que fe réjouir de la grace que Dicu leur fait d'éprouver leur fidelité en cette forte.

X VI I.

Les feculiers fçavent fort bien que 'des religieux qui font profeffion de vivre dans la retraite, la folitude, la mortification, la pauvreté & la continence, ne doive nt point frequenter le monde, & que les compagnies du monde font dangereufes à ces folitaires; puifqu'on ne s'y entretient que de nouvelles, de divertiffemens, de modes, de feftins, & qu'on n'y fait au

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cun fcrupule d'inventer des fauffetez, de médire & de railler du prochain, ni de mille autres chofes mauvaises, à quoi l'on ne peut prendre part fans offenfer Dieu; mais ils ne font pas réflexion que pour être feculiers, il ne leur eft pas plus permis qu'aux religieux de fe mêler dans le monde hors la néceffité de leurs affaires; & que quand ils s'y mêlent, ils ne manquent point d'y trouver des pieges dont il leur eft impoffible de fe ga

rantir entierement.

Il faut à la verité qu'une mere de famille ait l'œil fur fes enfans, fur fes ferviteurs, fur tout ce qui regarde fon ménage. Il faut même qu'elle parle aux gens du monde, pour s'acquitter de fes devoirs : & ce commerce lui eft auffi permis que néceffaire; mais il lui eft défendu de prendre aucune autre part dans le monde, & de fe laiffer aller à fes coûtumes & à fes pratiques, telles que font les divertiffemens non néceffaires, principalement ceux qui frappent vivement l'imagination, qui engagent à des dépenfes confiderables, à voir beaucoup de gens & à perdre une grande partie du tems, qui doit être employé à de meilleures chofes,

Cette régle oblige d'autant plus toute forte de perfonnes, qu'on ne fe mêleroit jamais dans le monde fans néceffité, f on n'en avoit déja reçû quelque mauvaife impreffion ; & qu'en s'y mêlant de la forte, on ne fçauroit éviter d'augmenter beaucoup la mauvaise impreffion qu'on en a reçûe.

XVIII.

Cependant on ne fait aucun fcrupule d'y prendre telle part que l'on veut, fans avoir égard, ni aux régles de l'Evangile, ni à fa propre foibleffe. Les riches furtout, les grands & ceux qui font à la cour fe perfuadent que toutes les commoditez, toutes les grandeurs, toutes les pompes du fiécle leur appartiennent: que leur condition leur permet de mener une vie molle, oifive & voluptueufe; de fatisfaire leur ambition & tous leurs defirs; de s'élever, de s'enrichir & de fe mettre à leur aife, autant qu'ils peuvent ; enfin ils prétendent que tout le monde eft leur propre heritage, & qu'ils ont droit d'en ufer comme il leur plaît, fans qu'aucunes loix ou divines ou humarnes leur puiffent prefcrire de bornes.

-De-là vient, qu'ils fe difpenfent des jeûnes, des veilles, de la priere & de tous les exercices qui les incommodent. Ils mettent ordre qu'on ne leur parle de rien qui puiffe troubler leur repos. Ils cherchent des gens qui ne penfent qu'à les flatter & à contenter leurs paffions; & qui tâchent de leur faire goûter les douceurs de la vie en toutes les manieres poffibles: on a foin de leur ôter toute crainte & tout remors de confcience, de peur qu'ils n'alterent ou diminuent leur joie: quel que chofe qu'ils faffent, on leur annonce la paix, & on ne leur propofe qu'une fauffe devotion, qui eft fi complaidante, qu'elle s'accorde toujours avec leurs defirs. On diffimule & on couvre leurs défauts, jufqu'à leur artribuer même les qualitez contraires, avec toutes celles qui peuvent fournir la matiere des plus grandes & des plus magnifiques louanges.

Quelque criminelle que foit leur vie, on les affure d'une bonne mort, fans leur parler de la converfion, ni du changement, ou de la correction de leurs mœurs. Ainfi la flatterie travaille autant qu'elle peut à leur faire oublier qu'ils font hommes, qu'ils font pe

cheurs, & qu'ils ne fe peuvent fauver que par la penitence, c'est-à-dire, pair une conduité toute oppofée à celle qu'ils tiennent.

XIX.

S'ils veulent fe détromper, il faut qu'ils fe défaffent de tous ces flateurs, & de tous ces menteurs qui les environnent ; qu'ils rentrent dans eux-mêmes, & qu'éloignant de leur efprit ce qui l'éblouit, ils reconnoiffent que leur grandeur ne les difpenfe pas des ré→ gles de l'Evangile, ni ne leur permet la plupart des chofes qui font défendues. Ils peuvent à la verité avoir legitimement de plus grandes & de plus belles maifons, des habits plus riches & des meubles plus précieux: comme il eft d'ailleurs jufte qu'on leur rende plus d'honneur, qu'on les ferve avec plus de refpect, & qu'on leur conferve une entiere fidelité; mais il leur eft auffi peu permis qu'aux particuliers de fuivre les mouvemens de leur convoitise & de leur orgueil. Ils ne font pas moins obligez à la fobrieté, à la chasteté, à la justice, à la modestie, à l'humilité, à la penitence & à

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