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s'attribuent un certain rang par l'illufion de leur orgueil; & lorfqu'on le leur difpute, ils fe fâchent & s'irritent.

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Le feul remede à ce mal eft de fe mettre pour toûjours au dernier rang, & de confiderer qu'un pecheur ne peut defirer des honneurs,ni chercher à s'élever fans fe rendre plus coupable. Quelque connoiffance néanmoins que nous ayons du danger où l'orgueil nous jette, nous ferons toûjours fuperbes, fi Dieu ne nous fait violence pour nous humilier, s'il ne frappe no tre orgueil pour l'abattre, & s'il ne nous ouvre l'efprit par des experiences fenfibles pour nous faire connoître notre néant. Alors les humiliations qui font dûes à nos pechez, nous tiennent lieu de merite,& nous fervant à obtenir la grace de Dieu, elles nous relevent infiniment plus que nous n'avons été rabbaiffez.

X.

La foy eft encore un remede pour toutes les maladies de l'ame; & Jefus

Chrift nous l'a appris en ne gueriffant que les malades qui en avoient une veritable & fincere. Il n'y a donc qu'à l'appliquer aux fujets de nos plaintes, & elle nous en découvrira l'injuftice auffi-bien que la fource, & le moyen de les guérir.

X I.

Tous les hommes favent, dit S. Auguftin, que Dieu les a créez avec un grand amour pour la vie, pour la verité & pour le repos, mais tous ne favent pas que les plaintes dont nous venons de faire un tableau general, vien-. nent de ces trois fortes d'amour, comme de leur fource naturelle, & la foy Ceule le leur apprend.

XII.

On éprouve continuellement combien la pensée de la mort trouble & agite ceux qui aiment la vie, & combien ils ont d'inquietude & d'impatience quand les affoibliffemens & les accidens des maladies les menacent d'une fin prochaine. Quels moyens alors de guerir une infinité de plaintes que le defir de vivre caufe, & excite à

tout moment ? Il n'y a que la foy, dit S. Augustin, qui puiffe y remedier, en nous perfuadant que ce n'eft pas pour cette vie paffagere & pleine de miferes,que Dieu nous a donné l'amour de la vie; mais que c'eft pour celle de l'arme, qui eft Dieu même, & pour celle dont nous devons jouir éternellement dans le ciel. La foy feule, dit te faint docteur, confole & fortifie la nature dans ces occafions par l'efperance des biens éternels; & elle efface feule par fes lumieres les impreffions d'abbatement & de crainte que l'infirmité fait en nous.

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DE LA MANIERE dont on doit fouffrir les refus fur les chofes que l'on donne, & de la fidelité qu'on doit aux perfonnes avec qui on a quelque liaison.

L eft aifé de donner aux autres des regles de morale; puifque pour cela il fuffit de confulter les livres, d'en copier quel

ques endroits, de réflechir fur les devoirs des hommes, de fe former quelques idées des vertus chrétiennes, & de trouver des termes pour les exprimer; mais la pratique n'en eft pas fi facile, & on ne fauroit fans fe faire violence entrer dans les veritez qui s'opposent à nos inclinations, ou aux habitudes que nous avons contractées. Quelque exhortation que la verité nous faffe interieurement, on ne fouffre les refus qu'avec peine, lorf qu'ils femblent déraifonnables & injuftes; on le fait un point d'honneur

d'en témoigner du reffentiment, & on fe perfuade qu'il eft même très-jufte de condamner hautement ce qu'on ne doute point que Dieu ne condamne. Alors notre ame fse met dans un mouvement qu'il n'eft pas aifé d'arrêter, & elle eft fourde à ceux qui lui tiennent des difcours contraires à fa paffion : l'amour propre lui fourniffant mille fauffes raifons pour les combattre, elle fe juftifie ellemême, & elle fuit fans fcrupule le mouvement violent qui l'emporte ; mais elle éviteroit ce malheur, & au lieu des agitations qui la troublent,' elle conferveroit une parfaite paix, fi elle confideroit qu'une perfonne fage n'entreprend jamais aucune affaire; de celles qui dépendent du jugement des hommes, fans prévoir que peutêtre elle ne réuffira pas. En effet, il arrive très fouvent, que nous tom bons en beaucoup d'inquietudes & de peines, pour nous être attendus à des évenemens incertains qui nous ont manqué. L'experience que nous en avons nous oblige de ne jamais rien defirer, même de nos meilleurs amis, que nous ne nous tenions prêts de fouffrir leur refus fans chagrin, fans

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