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LA SOLITUDE

Dans les temps de fouffrance & d fiction

L

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A felitude nous étant très-neceffaire pour nous défendre de toute forte de perils, il eft certain que plus il y a de perils plus elle nous eft neceffaire; c'eft pourquoi nous voyons que dans les perfecutions de l'Eglife, ceux-mêmes qui n'étoient point appellez à la folitude, & qui demeuroient dans les villes fe retiroient dans les deserts,non feulement pour éviter le danger de renoncer Jefus-Chrift; mais principalement pour fe préparer au combat par les exercices de la penitence, & par des prieres continuelles, & pour fe mettre ainfi en état de confeffer Jefus-Chrift devant fes ennemis quand il leur en feroit naître l'occasion.

L'hiftoire ecclefiaftique qui eft plei

ne de ces fortes d'exemples, nous en fournit entre les autres un très-remarquable dans la perfonne du pere & de la mere de S. Bafile, que la perfécution des payens obligea de paffer une partie de leur vie dans la folitude du Pont: & cela étoit alors fi commun que les deferts devinrent comme des villes, qui étoient en effet, autant de Jerufalem celeftes, parce qu'on n'y avoit plus aucun foin des chofes de la terre; qu'on n'y poffedoit aucune maifon, & qu'on n'y vivoit que pour fe préparer à mourir. C'eft ainfi que S.Jerôme nous apprend, que la même perfécution contraignit S. Paul premier hermite, de s'enfuir dans les deferts, où il devint un fi grand faint, & où l'amour de Jefus-Chrift lui fit fouffrir un fi long & fi glorieux martyre. On regardoit auffi tellement la perfécution comme un temps de folitude, que les évêques mêmes & les bons pafteurs qui font obligez de renoncer aux délices de la retraite, pour travailler au falut des peuples, ont été fouvent contraints de fe retirer pour le fervice de ces mêmes peuples, à qui ils ne pouvoient plus être utiles qu'en fe cachant. C'eft ainfi que S.Cyprien fut réduit à la neceffité

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neceffité de quitter Carthage, de fe réfugier dans un licu inconnu, d'où il donnoit les ordres neceffaires pour le gouvernement de fon Eglife, & d'où il l'affiftoit de fes prieres, de fes foins, de fes travaux & de fes avertiffemens, felon qu'il le témoigne lui-même. C'est encore ainfi que faint Caprais pour ne point parler de tant d'autres fe renferma dans une caverne, dans la crainte qu'il eut de fuccomber à la violence des tourmens; & que Dicu le fortifia tellement dans cette retraite également prudente & humble, qu'il le rendit capable de fouffrir le martyre nonobftant fon extrême vieilleffe.

Le vieux teftament même nous apprend, que la folitude étoit comme un azile & un port aux ferviteurs de Dieu dans des temps fi dangereux & fi mauvais: & qu'un Seigneur de la cour d'Achab nourriffoit cent prophetes, de pain & d'eau dans des cavernes, durant la plus grande rage de Jezabel; Dieu eût bien pû les prefer-, ver de la fureur de cette femme par une. autre voie, & fes trefors n'étoient pas tellement épuifez qu'il n'eût pas moïen de leur procurer une meilleure nourriture; mais il vouloit nous apprendre Ff

Tome II.

en cette forte, qu'il faut joindre la mortification & l'aufterité à la folitude, & qu'en fe retirant pour fuir la fureur des hommes par un efprit d'humilité & de charité, il faut détourner ou éviter les effets de la colere divine par une exacte & rigoureuse peni

tence.

Lors qu'Achab étoit si fort irrité de ce que Elie avoit arrêté les pluies du ciel, & réduit la terre à une extrême fechereffe, Dieu commanda à ce Prophête de fe cacher fur le bord du torrent de Carith; & il lui commanda avant que de l'affurer de fa nourriture, afin de nous apprendre, qu'il ne nous nourrit en de telles conjonctures qu'à proportion du foin que nous avons de 3. Reg. nous cacher. J'ai commandé aux corbeaux de vous nourrir en ce lieu-là, ditil à fon Prophête : Ut pafcant te ibi. Comme c'eft fur le bord du torrent de

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Carith que Dieu promets de le nourrir par des corbeaux, il eft évident que s'il ne s'y fût point retiré, il n'auroit point reçû cette affistance extraordinaire de Dieu; & il n'eft peutpeut-être pas moins évident que quand nous n'éprouvons point le fecours de Dieu qui ne manque jamais dans les befoins,cela

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vient de ce que nous ne nous cachons point, ni n'obéïlfons en cette maniere à fes ordres; en effet plufieurs perfonnes ont été abandonnées de lui pour n'avoir pû demeurer un peu de temps dans la folitude : & quand nous ne nous y tenons pas en repos, fans penfer à autre chofe qu'à l'y adorer, nous devons craindre que l'inquietude & les mouvemens qui nous en tirent, ne nous rendent indignes de fa mifericorde & de fa grace.

C'eft-là que vous boirez, dit-il, ǎ Elie : & ainfi la fechereffe où nous nous trouvons ordinairement réduits, vient de ce que nous ne fommes point affez fideles à nous cacher, quoiqu'il faille fe cacher pour fe défalterer & pour boire: Quantum abfconderis, tantum bibis. L'Ecriture a eu foin de remarquer que le Prophête obéït exactement au commandement de Dieu ; & lorfqu'elle ajoûte, qu'il s'affit fur le bord du torrent, elle nous fait voir qu'il trouva tout fon repos & toute fa paix dans la folitude que Dieu lui avoit choifie: car l'Ecriture a accoûtumé de marquer le repos & la paix du cœur par la ftabilité & la feance du corps, & c'eft fon expreffion ordinaire.

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