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fobre un jour que l'autre. Lorfqu'il ne demanda qu'un très-petit pain à fon hôteffe, il n'eut pas feulement égard à la pauvreté de cette femme,fe confiant affez en la bonté de Dieu, pour ne pas douter qu'il ne voulût bien faire un miracle en fa faveur. Il y fut principalement porté par l'affection qu'il avoit lui-même pour la pauvreté, laquelle il defiroit conferver en tout aufli-bien que la frugalité ordinaire de fon vivre.

Voilà comment la folitude d'Elie fut accompagnée d'une extrême pauvreté chez cette pauvre veuve, qui n'avoit jamais qu'un peu de farine & un d'huile la nourriture de trois pour peu perfonnes, & chez qui la toute-puiffance miraculeufe de Dieu leur accorda tellement le neceffaire pour la vie; qu'elle retrancha l'abondance.

Il faut voir prefentement de quelle folitude & de quelle retraite la pauvreté d'Elie y fut accompagnée durant près de trois ans : & nous trouvons cela dans le chapitre du même livre. Abdias que le roi avoit envoyé d'un côté pendant qu'il alloit d'un au¬ tre, pour chercher quelque fource d'eau, ayant eu le bonheur de rencon

trer Elie en fon chemin,l'Ecriture nou? donne lieu de l'attribuer au foin qu'il avoit d'aller feul. Achab, dit-il ibat per viam unam, & Abdias per alteram viam feorfum, & cela nous ap prend que le moyen de trouver les prophêtes & le roi-même des prophêtes, c'eft de ne fe joindre à perfonne, & d'aimer à être feul autant que la charité & que l'état où l'on eft le peut permettre. Après qu'Abdias cut rencontré Elie, il lui dit: Le Seigneur votre Dieu qui vit éternellement,m'est témoin, qu'il n'y a point de nation ni de royaume, où le roi mon maître n'ait envoyé pour vous chercher, & tous ayant répondu que vous n'étiez point chez eux, il les a conjurez de faire tout ce qu'ils pourroient pour vous trouver. Si Achab faifoit chercher le prophête dans les provinces mêmes les plus éloignées, il est bien croyable qu'il ne manquoit pas aufsi de le faire chercher dans les plus proches : & on peut s'affurer que ceux qui lui mandoient qu'il n'étoit pas chez eux, s'en étoient exactement informez pour obliger un prince fi puiffant.

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Comme il les conjuroit encore de faire tout ce qu'ils pourroient pour le

pas

trouver, on ne doit douter qu'ils ne cherchaffent par tout; qu'il ne continuât lui-même à le chercher de tous côtez, & que les uns & les autres n'y employaffent beaucoup d'efpions & de moyens. Cependant il demeuroit dans une ville très-proche des états de ce prince, & fi petite que tout le monde s'y connoiffoit : outre que le nom du prophête étant très - celebre en tous lieux il n'auroit pû y demeurer long-temps inconnu, s'il n'eût pris un grand foin de fe cacher. Cela montre combien il aimoit la folitude & l'entiere féparation du monde, puisque s'il s'en fût laffé ou dégoûté, on l'au roit bien-tôt découvert : car l'Ecriture ne difant point, que Dieu le déroboit aux yeux des hommes par un miracle, comme elle dit, qu'il l'avoit nourri par un corbeau; elle nous oblige d'attribuer uniquement à fon amour extrê me pour la folitude,l'ignorance où l'on étoit de fon état & du lieu de fa de

meure.

La retraite fut le feul voile qui le couvrit à fes ennemis, & elle fut fuffifante pour empêcher qu'ils ne le trouvaffent, avant le temps que Dieu avoit refolu de le montrer. Il n'y avoit

non

de peril pour lui qu'à paroître avanť ce temps; & quand Dieu lui eut ordonné de fe montrer à Achab, feulement il ne s'expofoit à aucun danger en paroiffant devant ce prince, mais encore il fe feroit mis en un trèsgrand danger s'il ne s'étoit pas montré à lui: parce qu'on tente Dieu également en le prévenant, & en ne le fuivant pas. Elie fe renferme dans une entiere folitude, & fe rend invifible à tout le monde, lorfque Dieu le lui commande : & quand le même Dieu lui ordonne de fe montrer à Achab, il ne craint rien ni ne fait aucune difficulté d'aller lui-même trouver l'ennemi puiffant qui le cherche.

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,

C'eft ainfi que la perfecution donne aux faints le moyen de récueillir les fruits de la plus fainte retraite ; & que felon l'apôtre, les prophetes & les anciens juftes erroient comme des vagaHeb. 11. bons dans les deferts & dans les mon37.38 tagnes; qu'ils fe retiroient dans les antres & dans les cavernes de la terre; qu'ils étoient affligez, perfecutez & abandonnez de tout le monde. Telle eft la folitude de la croix, où nous fommes d'autant plus éloignez du monde, que c'eft lui-même qui nous

oblige de le fuir. On n'a jamais plus foin de fe dérober aux yeux des hommes, que quand on craint d'être pris, ou de s'expofer témerairement : & on n'eft jamais mieux caché, que quand on eft renfermé dans une prifon pour la caufe de Jefus-Chrift, ou pour les interêts de fon épouse.

per

13. 19. › & 20.

Matth.

2

Que s'il eft vrai en general que la Mare perfecution eft un temps de folitude celle des derniers temps le doit plus être qu'aucune autre; car comme ce fera la plus violente, la plus cruelle & la plus dangereufe de toutes les fecutions, felon l'expreffion formelle24. 25. de Jefus Chrift; en forte que les élus mêmes y feront en très-grand peril, & qu'ils y fuccomberoient effectivement file decret éternel de Dieu pouvoit manquer; il s'en fuit manifeftement que jamais perfonne n'aura eu un fi grand befoin, ni une fi preffante ncceffité de fe cacher, que les chrétiens en auront alors. S'il faut fuir le monde en tous temps, il faut le fuir encore davantage dans le temps où il eft plus dangereux, & ainfi tous les liens de la charité étant tellement rompus par labondance & par l'accroiffement de l'iniquité vers la fin des fiécles, qu'on pe

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