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la priere; ils ont au contraire d'autant plus befoin de ces vertus, & de veiller attentivement fur eux-mêmes, que leur condition les expofe à de plus grandes & de plus dangereufes tentations. En un mot, rien ne les peut exempter des devoirs communs à tous les chrétiens; &s'ils veulent ferieufement s'en acquit ter, ils verront bien-tôt par experien ee, qu'il leur reftera moins de tems & de loifir pour leurs divertiffemens qu'aux gens de plus baffe condition,fur tout étant chargez de plus grandes & de plus importantes affaires ; ils craindront plus que perfonne, ceux qui occupant tout leur efprit, tout leur cœur & tout leur tems, les empêchent de rien faire de bon; & de rendre à Dieu & aux hommes ce qu'ils leur doivent.

X X.

Si on ne peut donner à ces perfonnes d'autres regles pour travailler à leur falut que celles de l'Evangile, qui nous obligent tous également; & si elles ne les engagent pas moins que le refte des hommes à fe féparer du monde, elles les engagent encore davantage à fuir les gens du monde qui peu

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vent infpirer des attaches plus crima's nelles & plus difficiles à rompre, car les paffions humaines, qui n'ont que trop de pouvoir en tous lieux, regnent fouverainement en eux, & y font même flatées & adorées. Les crimes aufquels les hommes font fujets, régnent tellement dans le grand monde, & y exercent une fi grande tyrannie, qu'on p'ofe les y combattre, qu'on les y justifie, qu'on les y refpecte, & qu'on les y loue même. Au lieu de paroître comme des vices qui corrompent & damnent les hommes, ils n'y ont rien que d'éclatant. On les y commet avec la même liberté & avec la même affurance que s'ils n'avoient rien de honteux ; & on y trouve même dequoi s'en glorifier. Ce font là ces pecheurs qui boivent l'iniquité comme de l'eau, felon l'expreffion de l'écriture; mais ils la boivent dans des vafes d'or, avec tant d'agrément & de plaifir, qu'ils ne s'apperçoivent pas du poifon qu'elle renfer me; & comme cela rend fa malignité plus vive & plus penetrante, elle fe répand dans toutes leurs actions, & porte la mort jufques dans leur cœur. Ils tombent prefque toujours dans les pieges du démon; & ils ne relevent

prefque jamais de ces chutes. Ils commettent de grands pechez fans en faire penitence, ou les penitences qu'ils en font, font autant de pechez; car ce font de fauffes penitences, des penitences d'interêt, d'amour propre & de complaifance, aufquelles on ne fe porte que pour contenter le monde : elles ne changent rien dans les mœurs ni dans le cœur ; mais elles les laiffent dans l'ufage de toutes leurs paffions: enfin elles n'ont rien de conforme aux regles de l'Eglife ; & pendant qu'elles confervent aux pecheurs l'amitié & les faveurs du monde, elles ne les reconcilient point avec leur fouverain juge.

X X I.

Ces pecheurs ont un goût plus délicat & des deffeins plus élevez que les autres hommes. Ils méprifent le petit monde, où ils ne trouvent que des plaifirs fades & dégoutans, où tout trop bas & trop peu confiderable

eft pour contenter leur ambition, & pour faire leur fortune, & où les paffions ne peuvent croître jufqu'au fouverain degré, parce qu'elles n'y ont pas d'affez grands objets: il n'y a que le grand

monde où tout eft grand & où l'on ef pere trouver de quoi contenter fes defirs, à quelque excès qu'ils fe portent. Enfin, c'eft là que les délices & l'orgueil font dans leurs trônes,& que des paffions extraordinaires produifent des crimes qui n'ont rien de commun. Voilà ce que l'on cherche quand on s'engage dans le grand monde; & fi l'on n'y fait réflexion, le démon qui en infpire le mouvement, ne l'inspire que dans cette vûe.

Il faut donc que ceux qui s'y trouvent engagez, ouvrent les yeux pour voir les précipices qui les environnent; & que reffentant leur mifere, ils en gemiffent amerement. Il faut qu'ils examinent devant Dieu comment ils font entrez dans cette babylone; fi c'est la tempête qui les y a jettez, ou s'ils y font allez avec deffein; quelles font les paffions qui les y ont pouffez, & ce qu'ils y ont fait depuis qu'ils y font. Car je ne doute point que s'ils confiderent toutes ces chofes avec la lumiere de la foy; & s'ils les voyent telles qu'elles font, ils ne prennent auffi-tôt la réfolution de fortir d'un lieu qui leur paroîtra comme un enfer.

XXII.

Il est vrai que les perfonnes qui font dans le grand monde,n'y font pas tous de la même maniere, il y en a qui font occupez de tant d'affaires, qu'ils n'ont pas le loifir de prendre part aux divertiffemens & aux plaifers qu'on y goûte; ainfi y étant comme s'ils n'y étoient pas, & n'y faifant que ce que les gens d'affaires font ailleurs, les tentations & les defordres qui s'y rencontrent, ne les regardent prefque point.

D'autres s'y tiennent malgré eux, ou par une neceffité inévitable, comme les femmes dont les maris y font attachez par leurs dignitez, ou par leurs emplois, & les enfans dont les peres y font engagez par leurs charges. Si ces perfonnes veulent vivre chrétiennement, elles doivent chercher dans le monde même la voie étroite, hors de laquelle il n'y a point de falut; & efperer que Dieu leur fera la grace de la rencontrer, pourvû qu'ils gemif fent de ce qui fait la joie des autres & que regardant les vanitez & les pompes avec les yeux de la foi, ils n'en conçoivent que du mépris, de

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