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Luc 216

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pourra prefque plus fe fier à perfonne; il eft certain qu'on aura plus besoin que jamais d'une entiere folitude,puifque les peres & les meres oubliant leurs propres entrailles, deviendront alors ennemis de leurs enfans, & que les enfans renonçant à tous les fentimens de la nature, ne rougiront point de fe déclarer contre leurs peres & contre leurs meres. Que reftera-t-il aux peres & aux meres qui auront de la pieté, finon de fe cacher à la fureur de leurs enfans? Et que reftera-t-il aux enfans véritablement chrétiens, finon de fe cacher à la fureur de leurs peres & de leurs meres? Peut-il y avoir une plus grande folitude que celle des peres qui feront contrains de fe féparer de leurs propres entrailles en fe feparant de leurs enfans; & celle des enfans qui feront contrains de fuir leurs peres, & de renoncer à la douceur des mamelles maternelles, afin de ne pas renoncer à Jefus-Chrift?

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Lorfque l'Evangile déclare, que derniere perfecution envelopera com me un filet, tous ceux qui habitent fur la face de la terre, il nous apprend que pour ne point tomber dans un piege fi pernicieux, il ne faudra point

habiter dans le monde, mais s'enfuir avec les aîles de la colombe & fe retirer dans la folitude, où s'élevant audeffus de la terre qui eft maudite de Dieu, on n'ait plus fa converfation. que dans le ciel. Tous ceux qui ne pourront quitter le monde, ou qui ne le quitteront qu'avec peine, & ne le fuiront pas allez promtement, demeureront pris. L'étoile du foir fe levera fur Les enfans de la terre, comme dit Job c'est-à-dire, felon faint Gregoire, que les gens du monde feront affujettis à l'homme de peché par un jufte jugement de Dieu, parce qu'ils auront bien voulu être enfans de la terre. Leur attache aux chofes du monde qu'ils rechercheront uniquement fans rechercher celles du ciel, ajoûte ce faint, les aveuglera tellement qu'ils ne verront point la lumiere de l'étoile du jour ; & pendant qu'ils fouhaiteront d'être foumis à l'étoile du foir, ils feront condamnez à des tenebres éternelles.

Telle eft la condition & l'état de ceux qui font affis fur la face de la terre, c'eft-à-dire, qui cherchent le repos & la fatisfaction de leur efprit dans les créatures, qui s'y arrêtent, s'y attachent & s'y plaifent. L'Evangile

déclare, qu'ils fe trouveront tous alors envelopez dans le grand filet de la feduction generale ; & il ne l'entend pas feulement des impies & de ceux qui ne font point difficulté de violer`la loi de Dieu; mais encore des charnels qui n'accompliffent qu'exterieurement cette divine loi, & qui n'ont que l'apparence ou le dehors de la pieté, fans en avoir l'efprit & la vertu. Quelque prétention, quelque befoin & quelque interêt qu'on ait ; quelque commodité & quelque avantage qu'on cherche,quelque bonne & legitime que paroiffe la raifon & l'intention avec laquelle on s'y porte, fi cela nous arrête & nous attache à la terre, nous perirons inévitablement dans le déluge qui l'inondra toute, & qui couvrira jufqu'aux plus hautes montagnes. Comme l'Evangile n'excepte aucune perfonne, il n'excepte ni ne diftingue aufffi aucune forte de terre. Tous ceux, dit-il, qui feront affis fur la furface de toute la terre; tous ceux donc qui aimeront autre chofe que Jefus-Chrift; tous ceux qui mettront leur confolation en quelque autre chofe que JesusChrift; tous ceux mêmes qui aimeront encore trop charnellement Jefus

Chrift & ne le chercheront pas d'une maniere affez defintereffée & affez pure; toutes ces differentes fortes de perfonnes, de difpofitions & d'états feront en très-grand peril; parce qu'enfin, Dies illa tanquam laqueus fuperveniet in omnes qui fedent fuper faciem

omnis terra.

Mais comme il y a deux fortes de folitudes, l'une interieure, laquelle eft neceffaire aux perfonnes qui font obligées de converfer avec le monde ; & l'autre exterieure, laquelle eft propre & particuliere aux veritables folitaires qui ont entierement renoncé au monde, & s'en font auffi bien feparez de corps que d'efprit. Ces deux fortes de folitudes font particulierement marquées dans l'Evangile, & Jefus-Christ le déclare d'une neceffité abfolue

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pour les derniers temps. En ce tempslà, dit-il, que ceux qui font dans la Marc Judée s'enfuient fur les montagnes : que celui qui eft fur le toît ne defcende point dans la maison, & n'y entre point pour en emporter quelque chofe; & que celui qui fera dans le champ, ne retourne point en arriere pour prendre fes habits. Il eft clair que celui qui eft au haut de la maifon, marque les feculiers, qui Tome II.

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quoique contrains par leur état de demeurer dans le monde, fe trouvent élevez au-deffus du monde par le mépris qu'ils en font; & ce détachement eft caufe qu'encore qu'ils ne foient pas feparez exterieurement de la converfation du fiècle, ils ne laissent pas d'être folitaires, en ce qu'ils ont un grand foin de fe feparer de fa corruption; car ils font tellement dans la maifon, qu'ils n'y font pas, & qu'ils font plûtôt au-deffus de la maison mêmein tecto. Lorfque Jefus-Chrift leur défend de defcendre de ce toît, quelque neceffité qui les attire en bas, il les avertit qu'ils ne fçauroient perdre leur folitude & leur liberté fans tout S. Luc perdre. Saint Luc auffi en parlant d'eux y joint les vafes qu'ils ont dans la maifon ; & per ces vafes il marque toute forte de commoditez temporelles, ou plûtôt tout ce qui ne regarde que le fiécle, & n'appartient qu'au monde: parce que comme les vafes ne fervent qu'à garder & à tenir ce qu'on y met, les biens du monde n'apportent aucune veritable utilité, que par le bon ufage qu'en font les hommes. Notre Seigneur veut donc, que ceux qui fe trouveront engagez dans de

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