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16.

dables à ceux qui craindront d'être perfecutez, ils ferviront à renverser les collines, & ils feront fuccomber à la tentation generale quelques miniftres de Jefus-Chrift, encore attachez à la terre, où ils craindront de perdre la faveur du monde, qui ne pourra fubfifter avec celle de Jefus-Chrift.

Il ne faut donc pas fe trop prévaloir des avantages de la folitude, ni s'y confier humainement: on auroit tort de dormir avec tant d'affurance dans le defert, où l'Antechrift dormira un jour & y trouvera fon repos, felon ces paroles du livre de Job: Il dort à Job. 40. l'ombre dans l'obscurité des rofeaux & dans les lieux humides. Cela nous doit bien réveiller de notre affoupiffement, & nous donner d'autant plus de crainte, qu'étant fi fervenś & fi peu zelez pour la penitence & pour la vertu, nous avons tout fujet de croire, que fi nous vivions au temps de la derniere perfecution, & fous le regne de l'Antechrift,nous ferions emportez par ce torrent,à moins que la grace de Jefus-Chrift qui peut tout dans les plus foibles, & dans ceux mêmes qui ne peuvent rien, ne nous en préfervât par un miracle extraordinaire. Il ne

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faut donc pas que nous imitions les Juifs qui fe glorifioient d'avoir le temple du Seigneur, en nous glorifiant de la pauvreté & de la folitude dans le temps même que nous violons les faintes regles.

Quand nous fommes foibles & inconftans comme des rofeaux, & que nous cherchons nos commoditez & l'abondance de toutes chofes, nous nous trouvons dans la malheureufe difpofition qui fera recevoir l'Antechrift à un grand nombre de folitaires des. derniers temps. Quand nous voulons être toujours à l'ombre dans notre retraite, & nous y tenir tellement en repos que la moindre apparence de mal, de peine ou de peril nous fait trembler, notre retraite eft femblable à celle où dormira l'ennemi de JefusChrist, puifque le fecret eft auffi propre à entretenir les grands vices, qu'à nourrir les grandes vertus, & que les monftres les plus horribles naiffent dans les deferts.

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Quand nous défirons de fatisfaire nos fens, & nous plonger dans l'eau bourbeufe & corrompue des plaifirs & des avantages de la terre, nous dormons avec l'homme de peché dans les K kiiij

lieux humides;au lieu que Jefus-Chrift ne fe repofe que dans les lieux fecs, où il déclare lui-même que l'efprit impur ne peut trouver fon repos, repos, c'està dire, dans les ames dégagées des eaux du monde & de la concupifcence par la chaleur de la divine charité dans les ames qui s'appliquent avec une inviolable fermeté aux travaux de la penitence, qui ne craignent rien pour fon fervice, & qui font leurs délices de la mortification de fa croix.

Le lieu même des Macabées, dont nons avons déja parlé, peut encore nous apprendre qu'aux derniers temps, tous ceux qui demeureront dans le defert ne feront pas faints; car après avoir dit, que les défenfeurs de la loi de Dieu s'y retireront avec leurs femmes & leurs enfans, qui fignifient les ames foibles & imparfaites, il y ajoûte, leurs bêtes ; & par ces animaux qui ne cherchoient qu'à paître, il fignifie les ames qui ne cherchent que la nourriture de leurs corps, ou la fubfiftance de la vie prefente, & qui ne regardent que la terre dans la folitude même, comme cette parole ́de faint Ambroife Pourquoi vous baiffezvous jufqu'en terre pour manger, vous

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que la nature a élevé au deffus de la terre? Cur te in edendo fternis ipfe. quem natura non ftravit ? L'Evangile marquant expreffement que J. C. étoit avec les bêtes dans le defert pendant les quarante jours de fon jeufne, il nous donne lieu de dire que JefusChrift eft encore dans le defert avec les bêtes. Lorfque les folitaires ne menent qu'une vie charnelle & animale ou ne cherchent qne leurs interêts & les avantages de la vie prefente : ils fe vantent de la folitude de Jefus-Chrift, dans laquelle ils humilient Jefus-Chrift, parce que fe rendant femblables aux bêtes, felon l'expreffion de l'Ecriture, ils le contraignent d'y demeurer avec les bêtes; mais quoiqu'il ait autrefois fouffert une telle compagnie durant quarante jours, pour des raifons dignes de fa fageffe infinie; il fe retire & fe fepare prefentement de celle qu'elle fignifioit; & fon éloignement donnera lieu à fon ennemi de s'emparer de ces places vuides & d'y mettre fon trône, d'établir fon empire, d'en faire le lieu de fon repos, &d'y dormir tranquillement& agréablement à l'ombre. Ce grand malheur n'arrive qu'à ceux qui ne font pas fideles à Dieu dans la

folitude, & qui n'ont pas foin de con ferver un fi grand tréfor. Comme ils ne craignent point de converfer avec le monde, il les perd par la communication de fon efprit, & ils fe perdent de plus en plus par leurs defordres. Si l'Evangile défend de divifer ce que Dieu a uni par une legitime alliance, il ne défend pas moins d'unir ce que Dieu a divife par une entiere feparation. Or il n'y a rien de plus feparé du monde que la folitude,& c'eft Dieu même qui l'en fepare. On ne peut donc pas la joindre au monde fans de grands inconveniens & de grands maux, parce que les folitaires en se plaifant à frequenter le monde trent infenfiblement dans fes fentimens & dans fes maximes, & cela fait qu'ils ne font plus folitaires devant Dieu, mais qu'ils commencent d'être du monde, dont ils commencent d'aimer les biens. Les feculiers d'un autre côté voyant que des perfonnes toutes confacrées à Dieu, qui font une proqui feffion particuliere de renoncer à tout pour le fervir, fe portent auffi bien qu'eux à fe venger, à chercher leurs interêts & à fuivre les mouvemens de leurs diverfes paffions: ils fe confir

en

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