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ment dans le mal par l'exemple de ces perfonnes, & ils ne font plus fufceptibles d'aucun remede. Auffi les faux folitaires n'autorisent pas feulement le peché par leur exemple, mais encore par leur doctrine : & non

contens

d'avoir embraffé les vices des gens du monde, ils vont jufqu'à les défendre & à en faire des regles : ils employent leur adreffe malheureufe & entierement fauffe, à prouver qu'on ne peche point en violant la loi de Dieu, & ils éludent les reproches de la confcien e par des raifons apparentes & fubtiles après cela il ne faut pas s'étonner s'ils abandonnent lâchement la défenfe de l'Eglife, & s'ils font infenfibles à fes interêts, puifqu'ils foûtiennent avec tant d'opiniâtreté ce que l'Eglife condamne.

:

C'est ainfi que Dieu fe fert des uns & des autres pour les punir tous enfemble & pour exercer fa juftice fur les uns par les autres:il l'exerce fur les folitaires par la corruption contagieufe des feculiers qui les gâte & les infecte ; & il l'exerce fur les feculiers par la mauvaife doctrine & par les pernicieux exemples des folitaires qui les confirment dans le mal: ils contribuent tous

de la forte à s'aveugler réciproque ment & à fe pouffer les uns les autres dans le précipice, fans favoir ce qu'ils font.

Mais Dieu ne l'ignore pas, non plus que ce qu'il doit faire : & fa juftice éclate d'une maniere admirable, dans la vengeance qu'elle prend d'eux par eux-mêmes en les puniffant d'un fup. plice trés-rigoureux, dont ils fe rendent les executeurs & les miniftres; quoiqu'ils foient fi aveugles qu'ils ne le voyent pas, & fi foux, qu'ils s'en réjouiffent.

On en trouve une figure dans celui Judic.8. des anciens de la ville de Socoth, & de la tour de Phanuel, dont il eft parlé dans le livre des Juges ; qui n'ayant voulu accorder aucun foulagement à l'armée, laffe & fatiguée de Gedeon, furent condamnez par ce prince à être liez & brifez avec les épines & les chardons du defert. Ils lui avoient refufé leur affiftance, parce qu'ils l'eftimoient moins fort & moins puiffant que fes ennemis. Les mains de Zebedée & de Salmana, lui dirent-ils, font peutêtre en votre puissance, & à cause de cela vous demandez que nous donnions, du pain à votre armée.

C'est auffi la grande maxime de la prudence de la chair, qui eft une grande folie devant Dieu, de prendre toujours le parti des plus forts; & c'est ce que feront les feculiers au regard de Jesus-Christ, lorsqu'il leur paroîtra moins fort que le grand ennemi de Dieu; mais ils y feront portez par l'exemple & par la doctrine des faux folitaires qui font les vraies épines & les vrais chardons du defert : ils feront liez avec eux pour être tous enfemble brifez dans l'union criminelle de leurs cœurs & de leurs efprits, de leurs fentimens & de leurs mœurs, où les folitaires acheveront de perdre les. feculiers, après que les feculiers les auront corrompus & perdus eux-mêmes. On a donc fujet de dire aux gens du monde, qui s'autorifent par l'exemple & la doctrine de ceux qui ont renoncé au monde en apparence, & qui n'y ont pas renoncé en effet : Croyez-vous être en fureté devant Dieu, parce que vous fuivez des folitaires? & ne confiderez vous point qu'en cela vous. ne faites que vous lier à des gens que Dieu a destinez au feu éternel, fi ils ne changent? Ils font à la verité dans le defert, mais ils n'en font que les

épines: & cela ne fert qu'à les rendre plus piquans,auffi-bien que leurs bleffures plus mortelles. Ne vous arrêtez point à ces chardons, puisqu'il n'y a aucun plaifir à les voir, non plus qu'à y porter la main. Si vous jettez les yeux fur le defert, confiderez plûtôt la beauté des lys, qui y croiffent, que la difformité des ronces & des buiffons, au milieu defquels ils croiffent, felon PEcriture il produit toute forte de fleurs, dont la bonne odeur eft capable de nous guerir. Pourquoi n'y regardez-vous que ce qui vous pique & ce qui envenime vos plaies: Dieu vous punira par les chofes mêmes, aufquelles vous vous attachez, & vous y trouverez votre ruine : fi elles vous flatent prefentement, elles vous perdront pour toûjours, & pendant que vous vous liez à elles par une conduite conforme à la leur, vous vous engagez à être confumez avec elles par le même feu de la divine juftice.

Tel eft le defert dont l'Antechrift fe rendra maître, & où il établira fon empire. Quant à celui où croiffent les lys, aufquels Salomon n'a rien eu de femblable dans fa plus grande gloire; il eft fi bien fermé, qu'il n'y a que l'é

poux celeste des ames chaftes qui y entre fon ennemi n'y fauroit entrer que par la porte des richeffes, des honneurs, & des plaifirs, & c'eft ce qui le fait regner dans le defert, où il n'y a que des épines & des chardons; mais ces malheureuses portes font fermées dans la folitude des faints; & comme on n'y entre que par la pauvreté, par l'humilité & par la mortification de la croix, elles la rendront inacceffible à l'Antechrift.

Il dominera dans toutes celles où il trouvera l'amour du monde, parce que les folitaires qui aimeront l'abondance & les richeffes le recevront très-volontiers: & ce fera l'attache aux biens du monde qui les perdra, felon cette parole de Daniel: Il en tuera plufieurs Daniel. par l'abondance de toute chofe. A . 25. qui eft-ce que l'abondance eft fi pernicieufe, finon à ceux qui ont embraffé un état de pauvreté ? Elle eft veritablement dangereufe & nuifible à toute forte de perfonnes,mais elle l'eft moins aux riches qu'aux pauvres, parce qu'elle leur eft plus naturelle. Un pauvre qui aime le bien eft un monftre devant Dieu : & il eft d'autant moins befoin d'un autre Antechrift pour le perdre,

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