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Ainfi les malades doivent accepter de tout leur cœur l'état où il les met & ne rien defirer finon qu'il faffe fa volonté en eux, & qu'il les traite comme des victimes qui lui font confacrées.

III.

Comme le demon qui connoît fort bien la difpofition de l'homme,ne crut point avoir affez éprouvé la vertu de Job en lui ôtant tous fes biens & faifant mourir fes enfans, il demanda à Dieu la permiffion de fraper fa chair de l'affliger de maladie, & de lui faire fentir de preffantes douleurs, parce qu'il fe perfuadoit que l'affoibliffement de fon corps affoibliroit auffi fon ame.

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En effet, il peut fouvent arriver que notre ame demeure conftante dans la perte de toutes ces créatures qui lui font comme étrangeres; mais d'ordinaire elle s'intereffe beaucoup pour la fanté de fon corps; ou au moins pour l'exempter de fouffrir,& lui étant unie par des liens invifibles, elle entre dans toutes fes paffions & dans tous fes troubles.

Il est plus aifé d'être conftant dans la pauvreté, dans le mépris, dans la

mort de fes proches & de fes amis que dans fes propres fouffrances, parce que la fanté nous tient en quelque façon lieu de tout ce que nous perdons. C'est pourquoi nous n'avons encore prefque rien fait pour Dieu quand nous lui avons donné tous nos biens, & quand nous lui avons même engagé notre liberté par un affujettiffement perpetuel; fi enfuite nous ne lui offrons notre corps pour être une victime de fouffrance & de douleur : car les peines de la pauvreté font ordinairement moindres que celles des richeffes mêmes. Les travaux de l'obéiffance font accompagnez de confolations; & les perfonnes à qui nous nous affujettiffons deviennent notre appui & notre foutien dans l'autorité même qu'elles exercent fur nous.

Mais la mortification qui fe rencontre dans les maladies eft une pure peine; c'eft un calice qui n'a que de l'amertume, & il n'y a que le veritable defir de fouffrir qui puisse nous y faire

trouver de la douceur.

Nous devons donc nous tenir dans une continuelle difpofition de fouffrir les maladies qu'il plaira à Dieu de nous envoyer, auffi-bien qu'en la maniere

qu'il lui plaira : & au lieu de regarder notre foibleffe, nous devons nous confier dans le fecours de celui qui ne manque jamais de nous affifter quand nous avons recours à fa mifericorde.

Un ancien pere nous apprend,qu'au temps de la perfecution,ceux des chrétiens qui fe croyoient affez forts pour fouffrir un certain genre de mort,mais qui ne fe préparoient pas à foutenir les plus cruels fupplices fuccomboient dans l'occafion à ceux qu'ils avoient eftimé n'être point au deffus de leurs forces; & qu'au contraire ceux qui.reconnoiffant leur extrême foibleffe, ne laiffoient d'attendre tout de Dieu, fe trouvoient invincibles dans les rencontres. C'eft la regle que nous devons tâcher de garder fans vouloir choisir nos maladies, efperant que Dieu nous donnera de la force pour celles qu'il nous envoyera; & cette confiance contribuera beaucoup à nous rendre victorieux de tous les maux.

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IV.

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Abraham avoit obéi à Dieu en de grandes chofes, jufqu'à quitter fon pays & fes biens pour le fuivre; ce

pendant il falloit encore qu'il fût prêt d'immoler Ifaac,quand il le lui ordonneroit:& comme c'eft feulement dans un fi grand facrifice que Dieu, felon le langage de l'Ecriture, connût que ce Patriarche le craignoit, tout le refte de fes actions n'en auroit pas été fans cela une preuve fuffifante.

Notre corps eft pour l'ordinaire notre Ifaac, & une des dernieres choses que nous quittons; nous y fommes encore attachez après avoir quitté toutes les autres; & cependant nos meilleures actions n'étant point des preuves folides que nous aimions Dieu, fi nous ne fommes prêts de lui facrifier notre Ifaac dans les maladies. C'est par ce feul moyen que nous pouvons lui donner des marques d'un veritable

amour.

La charité fait tout le bien de cette vie & toutes les créatures nous nuifent, fi elles ne fervent à la produire ou à la conferver en nous; ainfi nous ne devons avoir de joie que dans la poffeffion d'un fi grand bien, ni de trifteffe que dans la privation ou dans l'incertitude de le poffeder, & dans la crainte d'en être privez.

C'est pourquoi nous ne pouvons

jamais être parfaitement heureux en cette vie, puifque perfonne ne fait s'il eft digne d'amour ou de haine, & que la cupidité peut faire quafi toutes les mêmes actions que l'amour de Dieu.

Mais encore que nous ne puiffions nous affurer fur aucune de nos œuvres, il n'y en a pourtant point qui foir moins fufceptible de déguisement qu'une veritable conftance dans une longue, pénible & douloureuse maladie.

Il faut donc ménager nos indifpofitions avec d'autant plus de foin que rien ne nous peut donner tant de confiance que nous aimons Dieu; au lieu que rien ne nous doit tant faire craindre le contraire, que la délicatesse impatiente qui refufe de fouffrir les moindres incommoditez: & que comme l'amour de nous-mêmes cherche à fatisfaire fes fens, l'amour de Dieu cherche à les mortifier & à les faire fouffrir.

V.

Toute la vie des chrétiens ne doit être qu'une continuelle penitence, fi nous fommes animez de l'efprit de Jefus-Chrift, il nous pouffe à embrasser Tome II.

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