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la croix: fi nous marchons dans le chemin qu'il nous a tracé lui-même pendant fa vie mortelle, nous portons notre croix après lui, ainfi qu'il nous l'ordonne très-expreffément; & fi nous ne marchons dans cette voie étroite nous courons dans la voie large, qui ne mene qu'à la mort.

Qui eft-ce néanmoins, qui jouissant d'une parfaite fanté,ofe dire qu'il marche dans la voie étroite? car ou l'on ne fait aucune forte de penitence, ou l'on ne fait que celle que permet l'amour propre : & quand nos fens ne fe rendroient pas maîtres de toutes nos actions, ils ne laiffent pas d'y prendre une grande part.

Cela nous fait d'autant mieux voir l'avantage que nous pouvons tirer des maladies, que ce font des penitences que Dieu nous impofe, & où notre amour propre n'a point de part. Jamais nous ne vivons fi peu felon nos fens, que quand notre repos eft traverfé par beaucoup d'inquietudes, & quand nous n'avons que du dégoût pour la nourriture même. Nous n'obfervons prefque jamais qu'en une telle difpofition la regle importante que S. Auguftin nous prefcrit, de ne pren

dre les alimens que comme de veritables remedes; nous ne dépendons jamais davantage des autres que dans l'extrême foibleffe où nous réduifent ces accidens; nous ne fommes jamais plus pauvres que quand nous avons continuellement befoin de fecours ; enfin, l'on n'a jamais plus d'occafion & de moyen d'obferver l'obéïffance & la pauvreté, ni de vivre d'une vie entierement éloignée des fens.

Ainfi il y a beaucoup d'erreur à croire qu'on aime la penitence quand on a de l'averfion pour les maladies; puifque fi on y reffent de l'impatience & du chagrin, c'est une preuve visible que toutes les réfolutions prifes en fanté pour faire penitence, & toutes les actions par lefquelles l'on prétend la faire, ne font que des apparences & des illufions qui s'évanouiffent quand Dieu préfente les moyens de faire une penitence legitime & folide: mais quoique dans une fi méchante difpofition, l'on tire au moins cet avantage des maladies, que l'on reconnoît fon égarement & fon danger, d'où il feroit prefque impoffible de fortir fans la lumiere de cette experience.

Pl.16.4.

V L.

Lorsque Dieu nous remplit de confolation & de joie, & qu'il nous environne du bouclier de fa protection, contre toute forte de traverfes & de peines,il eft aifé de dire que nous nous foumettons à fa volonté & à fes ordres, auffi-bien que de le louer quand il nous comble de benedictions & de faveurs: mais pour connoître fi nous fommes veritablement difpofez à lui obeïr, il faut confiderer comment nous recevons les coups dont il nous frappe; car fi nous en reffentons de la confolation & du plaisir, & fi nous préferons ces plaies au bien qui nous viendroit des créatures, cela montre que notre joie eft fainte, que c'est une joie du cœur, & non des fens, & que nous pouvons dire à Dieu avec David: Propter verba labiorum tuorum cuftodivi vias tuas: Mon Dieu, c'est affez que vous m'ayez fait entendre vos paroles pour m'obliger de marcher dans vos voyes, qui font des voyes de falut, quelques rudes & étroites qu'elles paroiffent: & pour m'éloigner les voyes du monde`, qui semblent

douces & faciles, mais qui conduifent à un malheur éternel.

VII

Toute la fageffe & tout l'employ des chrétiens confiftent à fe préparer à la mort, les autres chofes font inutiles: & le travail qui fe termine ou fe rapporte à la vie prefente, ne produit aucun fruit, ou ne produit que des fruits de malediction & de mort.

Cependant, qui peut dire que dans le temps de fa fanté, il penfe ferieufement à la mort, & qu'il travaille fans ceffe à s'y préparer ? Qui peut peut dire que fi le Seigneur vient au milieu de la nuit, il le trouvera veillant, & qu'il ne fera point furpris de la venue de fon juge?

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Les actions où nous nous appliquons tous les jours, ne nous doivent-elles pas faire craindre le compte que nous rendrons à la fin de notre vie, & ne font-elles pas des preuves de l'attachement que nous avons au corps, dont les faints fouhaitent & demandent la délivrance ?

Que fi nous confervons de la foumiffion, de la patience & de la joie

dans nos maladies, nous pouvons nous afurer qu'elles nous ferviront d'une bonne & fuffifante préparation à la mort, & nous n'avons alors qu'à fuivre Dieu,à demeurer dans l'état où il nous met & à nous confier en fa mifericorde.

VIII.

C'eft fouvent une illufion à laquelle on fe laiffe aifément aller de defirer la fanté pour faire penitence, & de craindre la mort à cause qu'on n'y est pas affez préparé; car il fe rencontre fouvent qu'on peut mieux accomplir dans la maladie la penitence pour laquelle on defire la fanté, & rien ne fauroit fatisfaire davantage à la juftice de Dieu, que de vouloir bien expier Les pechez par la mort.

C'est pourquoi il eft fort utile de recevoir toutes les maladies comme fi elles devoient y conduire,& d'en fouffrir volontiers les fâcheufes circonftances comme les juftes peines de nos pechez; elles nous ferviront par ce moyen & par le bon ufage que nous en ferons à appaifer la colere de Dieu, & à nous reconcilier avec lui; au lieu que beaucoup de gens les fouffrent

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