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LE MONDE. 48 puisque tous les chrétiens doivent non-feulement adorer Dieu en efprit & en verité, mais encore le confeller exterieurement devant les hommes par leurs paroles & par leurs actions. Ces perfonnes auffi n'oferoient dire qu'ils font entrez dans leurs charges pour y faire penitence, pour y travailler à leur falut,& pour y chercher la gloire de Dieu; car tout le monde voit affez qu'on ne cherche guérés dans le grand monde que fes propres interêts, fes commoditez, fa fortune, & le moyen de fatisfaire fes paffions, foit qu'on y penfe, ou qu'on n'y penfe pas, on n'a point d'autre motif ni d'autres intentions dans le cœur ; & très certaine ment celles-là font directement oppo fées à l'efprit de l'Evangile,

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XXVI

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.. Il fe rencontre pourtant des perfonnes, même devotes, qui ont peine à reconnoître ces veritez, à s'y rendre & à s'y foûmettre. Quoi, difent-elles. le mal dont on nous accufe, eft-il fi grand & fi important, que pour l'éviter nous devions réfifter à nos proches, & à ceux mêmes de qui nous

dépendons? Ils veulent que nous demeurions dans ces charges; & ils concevront une étrange indignation contre nous,fi nous ne leur accordons cette fatisfaction.

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...Ne peut-on pas dire que d'affifter à la comedie, au bal, aux autres diver tiffemens, n'eft pas absolument un mal au regard de ceux qui en auroient l'efprit entierement éloigné, qui gemiroient interieurement des pechez qui s'y commettent, & qui y trouve roient autant de peine que les autres y trouvent & y goûtent de plaifir? Si d'ailleurs l'intention eft capable de corriger ce qu'il y auroit de mauvais dans ces libertez, peut-on en avoir une meilleure que de ne pas donner lieu à l'averfion & à la haine, peur être irreconciliable d'un mari & d'une femme, d'un pere & d'une mere; d'empêcher les defordres qui naîtroient de notre réfiftance, de pouvoir plus facilement travailler à la bonne éducation de nos enfans, de ne pas perdre un revenu confiderable du neceffaire,& de ne nous pas mettre hors d'état de contribuer au falut des perfonnes que nous devons aimer comme nous-mêmes D. 22, edɔ

Ne faut-il pas auffi avoir égard à notre propre foibleffe, & la ménager avec une fage discretion, après avoir confideré que fouvent une femme, ou un fils,en desobéïffant à un mari,ou à un pere violent & emporté, fe mettent en danger d'attirer fur eux des tempêtes, qu'ils ne pourront ni appaifer, ni fouffrir? Ne feroit-ce pas une imprudence de nous expofer à des tentations qui feroient au-deffus de nos forces? & cette imprudence ne feroitelle pas un peché très-confiderable que nous fommes obligez d'éviter?

XXVII.

• Ces objections qui femblent difficiles à réfoudre lorfqu'on ne regarde que des raifons humaines, ne le font plus, fi l'on fuit les principes de la foi. Je dis donc que quand il y auroit des occafions & des circonftances où l'on pourroit fans peché aller à la comedie & aux autres divertiffemens de même nature (comme en effet on ne pecheroit point, fi on y étoit par force, lié & enchaîné à un coin du theatre) il eft néanmoins impoffible de s'y trouver volontairement fans com

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mettre un peché confiderable & important; car quand nous ne prendrions aucune part à ce qui s'y paffe & que notre efprit feroit tout occupé d'autres penfées, le feul mauvais exemple que nous donnerions à des ames foibles, & qui font en danger de s'y perdre, eft un affez grand mal pour nous engager à ne nous y trouver jamais : & les perfonnes de pieté doivent encore plus l'éviter que les autres, parce que leur exemple eft plus capable d'autorifer, au regard des efprits fimples & faciles à fe laiffer furprendre, le defordre dont elles ne s'éloignent pas.

Il est vrai que la réfolution de feretirer de la cour, & d'en quitter une charge considerable, peut avoir des fuites très-fâcheufes; mais quand on fait quelque chofe pour Dieu, il faut s'attendre à la perfecution des hommes, & en laiffer la difpofition à fa divine providence, avec cette efperance que fi nous avons affez de fidelité & de courage, pour nous expofer à toute forte de maux plûtôt que de l'offenfer; il aura affez de bonté pour ne pas permettre que nous foyons tentez au-deffus de nos forces, & pour

nous en faire même tirer de grands avantages.

Il eft encore vrai, qu'il y a du peché à s'expofer par fon imprudence à des tentations dangereufes & capables de nous perdre ; mais la foi & la prudence chrétienne nous obligent de ne croire impoffible aucune des chofes que nous devons faire, & de nous jetter plûtôt dans les plus grands perils que de manquer à ce que Dieu exige de nous: car alors, quelque foibles que nous foyons, nous nous trouvcrons d'autant plus en fureté, que nous ne pourrons tomber qu'entre les mains d'un Dieu très-difpofé à nous foûtenir. Il attend auffi pour cela que nous nous abandonnions à lui fans hefiter; & peut-être que notre falut dépend de la fidelité que nous lui témoignerons dans cette unique & importante occafion.

XXVIII.

Les perfonnes de condition qui font dans la grandeur, dans l'abondance & dans l'eftime du monde, doivent trèscertainement avoir grand foin de ménager ces occafions favorables que Dieu leur prefente pour leur donner

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