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ne fentir plus en foi-même une loi qui s'éleve contre là loi de Dieu, & qui s'efforce de nous affujettir au peché? Doit on plaindre ceux qui n'ont plus rien de toutes nos miferes, & qui par la grace de Jefus-Chrift font encrez dans la parfaite liberté des enfans de Dieu ?

II.

,

Mais on dira peut-être, que fi nous n'avons pas fujet de pleurer ceux qui font dans la joie de leur Seigneur nous devons répandre nos larmes fur nous-mêmes; & que fi nos freres n'ont rien perdu en nous quittant, nous perdons beaucoup dans la mort de ceux qui nous étoient plus chers que la lumiere & la vie. Nous voyons par experience qu'au moment que nous renonçons veritablement au monde nous nous lions plus étroitement à ceux qui y renoncent comme nous. Cette kaifon étant le fruit d'une mutuelle

charité ne peut être que très-douce; & parce que nous croyons qu'il nous eft permis de jouir de cette douceur, nous nous portons de tout notre cœur à la gouter, & nous difons avec David: Ecce quam bonum, & quam ju

cundum habitare fratres in unum.

III.

Lorfque la charité a fait de plufieurs perfonnes un feul cœur & un même efprit, & qu'ils travaillent de concert à s'unir de plus en plus en JefusChrift; ils fentent vivement toutes les confolations qui fe rencontrent dans le faint commerce d'une amitié chrétienne : non-feulement ils n'ont point fcrupule d'avoir ce fentiment, mais ils en font même une partie de leur pieté; & ils croient fe conformer en cela à l'apôtre faint Jean, qui comme il le témoigne lui-même, étoit penetré d'une joie toute finguliere, quand il fçavoit que fes enfans marchoient dans la vue de la verité.

que

Mais quand Dieu fepare ce qu'il avoit lui-même uni fi étroitement, & la mort nous arrache une partie de notre cœur, quel moyen qu'une fi grande plaie ne nous faffe pas une extrême douleur ?

IV.

J'avoue qu'il n'eft pas facile de réfifter à une telle violence qui prévient

notre

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notre raifon, & qui nous emporte d'abord fans que nous y puissions réfifter. Quelque vertu qu'ayent les faints, elle n'empêche pas qu'ils ne foient fenfibles à la mort de leurs proches; mais l'avantage que leur donne la grace de Jefus-Christ, c'eft qu'ils deviennent bientôt les maîtres de ces mouvemens de la nature, c'eft qu'ils les affujettiffent à l'obéiffance de la foi;c'est que L'Efprit faint (que les Saints Peres appellent, Immodici temperator) modere leur trifteffe, & ils réfiftent à cette paffion de telle forte qu'ils n'en font point abbatus: ils ne fe troublent jamais jufqu'à perdre la paix interieure de leur cœur ils tâchent de profiter de leur affliction en la rendant chrétienne : ils facrifient à Dieu leur Ifaac: ils s'uniffent plus intimement à leur fouverain bien, & le mettent à la place de la victoire qu'ils lui ont offerte.

V.

Si donc nous fommes les enfans des faints, & fi nous voulons fuivre leur exemple, n'ayons de douleur & de larmes pour la mort de nos proches,qu'autant que la nature en arrache de no

Tome II.

Qq

tre cœur malgré nous; n'en foyons agitez que le moins qu'il nous eft poffible. Invoquons celui qui appaise par fa feule parole les plus dangereufes tempêtes: faifons rentrer notre ame dans le calme: hâtons-nous de confulter la foy, fuivons fes lumieres, & elle nous fera connoître, que non-feulement la mort n'a pas détruit la charité de nos freres envers nous, mais qu'elle l'a rendue encore plus folide. L'amour qui les unit à Dieu eft devenu plus fpirituel depuis qu'ils font délivrez de leurs corps; & puifqu'ils font unis à nous par le même amour, il eft fans doute qu'ils nous aiment plus intimement, plus fortement & plus faintement que jamais: aimons-les de notre part en efprit & en verité, afin que notre amour foit comme le leur, accompagné d'une profonde paix,& toujours préparé à obéir à Dieu en toute

chofe.

V I.

Pendant que nos freres étoient avec nous dans un monde plein de tenebres, nous ne connoiffions que très-imparfaitement la difpofition de leur cœur à notre égard; mais maintenant qu'ils

fe repofent dans le fein de celui qui eft la fouveraine charité, nous fommes affurez qu'ils nous aiment parfaitement: nos défauts ne peuvent rien diminuer de leur amour, parce qu'ils ne nous voyent plus en nous mêmes mais en la lumiere de Dieu, fur qui leurs yeux font toûjours arrêtez. Tâ chons de les imiter; & afin que nous les aimions d'une maniere digne d'eux, ayons foin de nous tenir proche de celui qui eft la fource de la charité, & de nous unir à ce fouverain amour par toutes les puiffances de notre ame, afin que lui-même foit le lien qui nous unit à nos freres, & qui nous les rend encore plus prefens & plus chers que lorfqu'ils vivoient avec nous.

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VII.

Si notre foy eft affez éclairée, nous verrons en Dieu ceux que nous aimons,' & nous les y verrons avec beaucoup plus de fatisfaction que nous ne les voyions autrefois en eux-mêmes; ils nous paroîtront d'une maniere plus aimable dans cette fouveraine lumiere, que lorfqu'ils étoient comme cachez fous le voile de leur corps: & fi notre

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