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un puiffant moyen de faire leur falut. Ils font proprement ces riches dont Jefus Chrift a dit, qu'il eft trèsdifficile qu'ils fe fauvent; parce que ce qui les environne eft comme un grand cahos qui les fepare de Dieu; que ce qu'ils poffedent & ce qu'ils defirent augmente le poids qui les porte au peché; & que ce qui les éleve ̧ les éloigne de Jefus-Chrift humble qui ne donne fa grace qu'aux humbles & aux petits.

Les pauvres qui aiment leur état ? obéiffent au fauveur du monde, auffitôt qu'il leur fait entendre fa voix,& ils le fuivent d'autant plus promptement, que n'ayant quafi rien à quitter, ils trouvent dans l'efperance des biens éternels de quoi fouffrir courageufement leurs maux: mais les paroles de Jefus-Chrift font ordinairement trop rudes pour la délicateffe des richeffes; & la confideration de leurs biens temporels ne manque point de leur fournir des raifons pour ne pas aller où il les appelle. Quelques defirs qu'ils femblent avoir de fe convertir, la rigueur de la penitence qui eft infeparable de la vie chrétienne leur fait peur; la voie du ciel eft trop

étroite

étroite pour des gens qui veulent marcher à leur aife; & la feule vûe de la croix qu'il faut toûjours porter, les effraye tellement qu'ils retournent incontinent fur leurs pas. C'eft ce que l'Evangile nous marque dans l'exemple de ce jeune homme riche, qui ayant appris de Jefus-Chrift, que pour acquerir la perfection, il falloit qu'il fe dépouillât de fes biens, s'en retourna tout trifte; & ayant renoncé au deffein de fuivre ce divin maître, il nous a fait voir en fa perfonne, combien il eft difficile à un riche de se fau

ver.

XXIX.

Il y a pourtant des riches qui fe fauvent & qui entrent dans la voie étroite, mais c'eft quand Dieu les y pouffe comme par force, & avec une efpece de contrainte. Ceux qui ont contracté une longue habitude à fe procurer toutes les commoditez de la vie, & tout ce qui flate les defirs de leur cœur, ne les quittent prefque jamais d'eux-mêmes: & pour les en détacher il faut que Dieu faffe naître des rencontres qui les réduifent à la neceffité, ou de renoncer à leur falut, ou de fe Tome 11.

E

priver de leurs biens, de leurs charges, & de leur repos.

Quoiqu'ils fouhaitent ardemment les conferver avec tous les autres avantages de la cour; & qu'ils apprehendent extrémement les perfecutions de leurs proches, la crainte d'offenfer Dieu, & de s'expofer aux rigueurs terribles de fa juftice, les arrache par une falutaire violence, du lieu & de l'état, où tous les autres mouvemens de leur cœur les tenoient très-fortement attachez.

Ils ont fujet de regarder ces conjonctures fingulieres comme des effets de la mifericorde de Dieu fur eux; comme de grands moiens qu'il leur donne pour rompre leurs chaînes ; comme une porte qu'il leur ouvre pour entrer dans la voie du ciel; & ils doivent lui dire avec S. Auguftin: Tirez-nous à vous, Seigneur, malgré toutes nos répugnances, afin que nous vous fuivions bien-tôt de toute la plenitude de notre cœur.

Car quand il les a portez par fa grace à faire ce premier pas, ils commencent à s'appercevoir du danger d'où ils font fortis: ils prennent toutes les humiliations & les afflictions qui leur

arrivent pour des marques du foin que Jefus-Chrift a de leur falut: loin de se plaindre des maux qu'ils fouffrent, ils en rendent grace à Dieu ; & la feule crainte qui leur refte, eft d'avoir encore trop de commoditez & de richeffes, de ne pas fouffrir affez de peines, & de n'être pas du nombre de ces pauvres à qui le royaume du ciel appartient.

XXX.

Le monde eft plein de gens qui ont beaucoup de bons defirs, & il fe trouve peu de perfonnes tellement endurcies dans le peché, qu'elles ne témoignent quelquefois vouloir vivre chrétiennement; mais fi avec ces defirs on demeure dans une vie molle & relâchée, fans rien faire pour en fortir, c'est une marque qu'ils ne font point dans le fond du cœur, ni capables de produire de bons effets; mais quand Dieu par fa mifericorde nous inspire de veritables defirs de nous convertir, & de mener une vie nouvelle, il ne manque jamais de nous arriver quelque difgrace, quelque renversement, quelque chofe à fouffrir de la part du monde; & nous voyons en nous une

preuve de ce que dit S. paul: Que tous ceux qui veulent vivre avec pieté en Jefus Chrift feront perfecutez.

Une marque évidente que Dieu exauce les mouvemens qu'il lui a plû de nous infpirer, c'eft lorfqu'il les éprouve, les foûtient & les fortifie par les humiliations, par les fouffrances & par toute forte de croix,dont les riches & les grands ont encore plus de befoin que les autres. Comme il y a en eux beaucoup plus de chofes à confumer, ils ne doivent pas être furpris de ce que Dieu les met dans le feu, ni s'ennuyer de le fouffrir; & comme il faut un feu plus grand,& plus violent pour réduire en cendre un grand palais, que pour brûler une chaumiere; il faut auffi que les grands fouffrent davantage que les petits & les pauvres ; foit pour détruire le mal qui eft en eux, foit pour y établir une folide vertu..

XXXI.

La grace que Dieu nous fait quand il nous donne le defir de nous retirer du monde, & furtout de la cour qui eft le centre du monde, étant très-finguliere & très-grande, nous avons fu

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