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He

noiffance de tout le monde, ils em ployoient leur autorité à perfuader que c'étoit des ouvrages du démon,& que Dieu n'y avoit point de part. rode ayant oui parler de ces prodiges, fentoit quelque envie d'en être fpectateur & témoin; mais après que Pilate lui eut envoyé Jesus-Chrift, & qu'il vit que Jefus-Chrift, de qui il defiroit & efperoit de voir quelque miracle, n'en vouloit point faire en fa prefence, il ne conçut que du mépris pour lui. La plupart des hommes voudroient qu'on leur prouvât par de nouveaux miracles, la verité de ceux dont on leur fait le recit: & en cela ils reflemblent à la populace des Juifs & des gentils, qui n'ayant point été convertis à Jefus-Chrift par la vûe des merveilles qu'il avoit faites devant eux, prétendoient avoir droit de ne pas croire en lui,parce qu'il ne descendoit pas de la

croix.

Il eft difficile de confiderer fans étonnement & fans indignation un aveuglement fi étrange; quoique le Fils de Dieu eut la douceur d'un agneau, qu'il eut une extrême bonté pour les pecheurs, & qu'il les exhortât même à s'approcher de lui,il a voulu nous mar

quer que l'incredulité opiniâtre des Juifs excitoient en lui une colere égalenent juste & fainte; car faint Marc rapporte, que les Pharifiens l'obfervant pour voir s'il gueriroit un malade qui Te préfentoit à lui le jour du fabat,afin d'en prendre fujet de le condamner comme un prévaricateur des loix divines; il conçut autant d'indignation que de trifteffe pour l'aveuglement de leur cœur,& il les regarda avec colere. Cela fait voir,dit S.Bernard,que l'on fe trompe quand on met la prudence ou mêmela pieté chrétienne à ne témoigner que de la douceur & de l'indifference en toutes chofes fans s'émouvoir de rien;& que ce n'eft point là l'efprit des faints, qui ont appris de leur divin maître, qu'il y a une colere d'un faint zele;qu'on peut & qu'on doit quelquefois être ému d'une jufte indignation, & que la chaleur qu'on témoigne dans quelque rencontre, non-feulement ne blete pas la charité, mais qu'elle en eft encore un effet & une preuve. Comme on ne fauroit fouffrir de certaines fautes en filence & en paix, fans autorifer ceux qui les commettent, & fans leur donner fujet de croire qu'on les approuve, lorfqu'on demeure in

different dans ces occafions, on trahit les interêts de Dieu & fa propre confcience, on tombe dans une tiedeur condamnable, & on se rend coupable d'une lâcheté & d'une infidelité criminelle.

Il eft impoffible même d'avoir un veritable zele pour Dieu, & une charité folide pour les pecheurs, qu'on ne fe porte à condamner leurs fautes avec la rigueur qu'elles meritent. Il feroit à defirer que cette feverité excitât dans leurs cœurs de fi grands mouvemens de penitence, qu'ils changeaffent l'attache qu'ils ont pour leurs fauffes opinions en une fainte colere contre euxmêmes.

Jefus-Chrift ne manquoit pas d'affection pour faint Pierre, lorfqu'il le chaffoit de fa préfence, qu'il l'appelloit fatan, & qu'il lui reprochoit de n'avoir point de goût pour les chofes de Dieu.

Saint Paul ne manquoit pas non plus de bonté pour les Galates, lorfqu'il les appelloit infenfez & rebelles à la verité de l'Evangile. Ses Epîtres font pleines de femblables expreffions, qui marquent fon ardeur pour la juftice & fa haine contre les déreglemens; mais

cela n'empêche pas qu'il ne portât ces mêmes perfonnes dans fon cœur que fa charité ne fût très-parfaite.

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Saint Etienne parle très-durement aux Juifs, jufqu'à les appeller têtes dures & inflexibles, hommes incirconcis de cœur & d'oreille, & à les accufer de réfifter toûjours au Saint Efprit; mais la force de ces reproches s'accorde fort bien avec la charité qui le faifoit prier pour eux, pendant qu'ils le lapidoient.

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On ne se scandalife point de voir que nous nous fâchons contre ceux qui volent & diffipent notre bien, & nous croyons avoir droit de leur reprocher leur injuftice, leur mauvaise foy, leurs tromperies; cependant quand il s'agit des interêts de Dieu, les gens du monde voudroient que les pafteurs de l'Eglife fuffent fans mouvement & fans force, & même qu'ils ufaffent d'une extréme condefcendance pour ne jamais témoigner la douleur de leur cœur. Leur feverité paroît toûjours trop dure à des gens qui ont beaucoup de douceur pour leurs défauts, & qui ont plus de pente à les couvrir de quelques mauvaises excufes, qu'à s'en humilier.

On ne fauroit donc s'empêcher de concevoir de l'indignation contre ceux qui combattent la verité des miracles, puifqu'en cela ils combattent l'Evangile même qui en rapporte un grand nombre; & qu'ils renverfent la parole de Jefus-Christ, qui assure que fes difciples en feront de plus grands que lui, comme les actes des martyrs, les écrits des Saints Peres & les hiftoires ecclefiaftiques en rapportent une infinité. Refufer de reconnoître & de recevoir des miracles, c'eft s'infcrire en faux contre les actes fi fideles de ces admirables témoins des veritez évangeliques; c'eft tenir tous les faints Docteurs pour des fourbes qui nous ont voulu tromper; ou pour des efprits foibles, qui ont reçû fort lege rement des contes & des menfonges : c'eft dépouiller l'Eglife d'un don du faint Efprit, qui la diftingue de toutes les au

tres focietez.

Afin d'éviter un fi grand mal, il ne faut pas feulement avouer qu'il s'eft fait des miracles dans tous les fiécles de l'Eglife; mais il faut encore croire qu'il n'y a point de faits dans l'histoire dont les témoignages foient fi affurez & fi convainquants.

Nous

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