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Nous n'avons connoiffance de ce qui s'eft paffé chez les Grecs & les Romains que par la relation d'un petit nombre d'historiens, dont certainement l'autorité n'eft pas comparable à celle des Evangeliftes & des autres écrivains canoniques; cependant nul ne doute des faits que Thucidide, Tite-Live, Tacite & Salufte rapportent, quoiqu'ils foient infiniment au-deffous des ces écrivains facrez, & qu'on ait d'autant plus fujet de preferer les hiftoires de l'Ecriture fainte aux leurs, qu'elles font confirmées par des preuves inconteftables..

L'Evangile étoit entre les mains d'un million de perfonnes avant que Jerufalem & le temple fuffent ruinez par les Romains: & toutes ces perfonnes ont vû accomplir ce que le même Evangile en avoit fi expreffément prédit;outre que l'accompliffement d'une fi terrible prophctie eft une grande merveille,& que les relations des autres merveilles de notre religion font écrites par des auteurs qu'on n'a pas lieu d'accufer de menfonges. La converfion de tous les peuples eft encore un ouvra gefi extraordinaire & fi furprenant, qu'il n'a pû fe faire fans de grands prodiges

Tome II.

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Lorfque nous confiderons l'état des Apôtres & celui des Payens, nous voyons manifeftement que fi Dieu n'avoit accompagné d'effets admirables de fa puiffance, les paroles des Prédica teurs fi fort dépourvûs de tous les avantages humains, ils n'auroient perfuadé perfonne de la verité de l'Evangile, & les peuples feroient demeurez dans les tenebres de l'erreur.

Les hommes ne font touchez que de ce qui peut fatisfaire leur curiofité leur ambition, leur avarice; & tout le refte leur eft indifferent: ils aiment les hiftoires & les fciences proportionnées au defir qu'ils ont de favoir diverfes chofes, fans faire aucune violence à leur raifon; mais la fcience de l'Evangile ne nous enfeigne que des veritez qui font au-deffus de la raison humaine, & que notre efprit ne fauroit comprendre: elle ne nous propofe que des humiliations, des mortifications & des croix : elle ne nous marque que des voies laborieuses, pénibles & étroites: elle ne nous parle que de pauvreté, de larmes, de retraite, d'anéantiffement, de renoncement à foy-même, à fes volontez, à ses pensées, à fes defirs & au monde.

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Combien devoient être éloignez d'une religion fi oppofée à leurs fens à leur efprit & à leur amour propre les ambitieux, les avares & ceux qui font poffedez par quelque autre paffion; c'est-à-dire, generalement tous les hommes ?

Comme ils fe glorifient tous de leur raison & prétendent en fuivre les regles, lors même qu'ils s'en écartent le plus; quelle apparence qu'ils embraffaffent des dogmes qui leur paroisfoient des folies; des extravagances, des paradoxes & des moyens très-furs pour se rendre miserables & pour pasfer leur vie dans le mépris, dans l'exil & dans les tourmens?

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Il eft clair que des chofes de cette nature ne fe perfuadent point par les voies ordinaires : & il a fallu neceffairement que Dieu parlât & qu'il agît pour porter tant de divers peuples à abandonner leurs coûtumes leurs dieux, leurs interêts, leurs fentimens, leurs plaifirs,& tous les objets de leurs inclinations naturelles, dans la feule vûe des biens éternels, pendant que ces biens infinis ne paroiffoient que des illusions à ceux qui n'avoient pas la foy,& qui par confequent bornoient

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tous leur bonheur au temps de la vie préfente.

Combien voyons nous peu de perfonnes fe convertir veritablement à Dieu depuis même que la religion chrétienne eft établie dans toute la terre, & que l'Eglise jouit d'une paix entiere?quoique les difciples de Jefus Chrift ne foient plus maintenant expofez aux perfécutions des idolâtres, les hommes n'en ont pas moins d'éloignement pour la pieté veritable, qui combat leurs paffions; & ce défordre eft même une preuve de la verité de l'Evangile, qui nous affure qu'à la fin des fiecles la charité fera tellement refroidie, qu'on aura peine à trouver de la foy parmi les hommes.

Il a donc été neceffaire que Dieu touchât le cœur des payens par des effets extraordinaires & merveilleux de fa toute-puiffance,afin de leur faire em braffer une religion toute oppofée à toutes les difpofitions de leur efprit & de leur cœur, fans que rien d'humain Y contribuât en aucune forte, ou plûtôt parmi toute forte d'empêchemens & d'obftacles: & il a encore été obligé d'employer les mêmes moyens dans la fuite, tant pour conferver la religion:

qu'il avoit ainfi établie, que pour en faire pratiquer les regles à ceux qui l'avoient embraffée. Auffi les plus celebres miracles de chaque fiecle font appuyez fur le témoignage uniforme de plufieurs auteurs d'une doctrine & d'une pieté finguliere: & il faudroit révoquer toutes chofes en doute, fi on fe défioit de la fincerité des Athanafes, des Ambroifes, des Jerômes, des Auguftins, & de plufieurs autres faints qui ont écrit ce qu'ils avoient vû de leurs propres yeux,ou ce qu'ils avoient appris par des voies très-affurées.

La vie même de plufieurs faints étoit un miracle perpetuel,comme celle de S. Simon Stilite, qui s'eft tenu durant une longue fuite d'années tout debout, jour & nuit fur une colomne, à la vûe d'une infinité de gens, qui venoient de toute part admirer une fi grande merveille. Theodoret qui en a écrit l'hiftoire, déclare qu'il ne rapporte que les chofes dont il a été fpectateur, & dont toute la ville d'Antioche eft témoin auffi-bien que lui.

Il n'y a rien de fi affuré que les vies toutes miraculeufes de S. Felix, de faint Martin, de faint Bernard & de faint François de Paule, qui ont été

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