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Jonté de Dieu étoit qu'il l'aimât, & il fuivoit cette volonté; mais la volonté de Dieu étoit qu'il fentît fa foibleffe, qu'il reconnût combien peu il pouvoit par lui-même, & il ne fatisfaifoit pas cette autre volonté de Dieu.

X.

Saint Auguftin a écrit une lettre ad mirable à une dame nommée Ecdicia, qu'un excès de zele avoit précipitée dans des fautes confiderables; elle s'étoit opiniâtrée à rejetter tous les habits magnifiques, & à s'habiller de ferge noire, qui étoit alors l'habit des veuves, jufqu'à faire pour cela mauvais ménage avec fon mari. Elle faifoit des aumônes indifcrétes fans fa participation, & même avoir fait vou de chafteté fans fon confentement. Il eft certain, comme ce faint lui fait voir, que fa conduite étoit déreglée, imprudente & injufte ; mais il ne s'enfuit pas que tous ces mouvemens particuliers ne puffent être bons: elle avoit attrait à la fimplicité des habits, aux aumônes, à une entiere pureté; ces mouvemens étoient bons d'eux-mêmes, & ils pouvoient être de Dieu, mais elle les portoit trop loin.

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Dieu vouloit qu'elle confervât ces de firs dans fon cœur, mais qu'elle ne les exécutât pas, & qu'elle agît au contraire par l'amour de la paix de fa maison, de la charité & de la juftice qu'elle devoit à fon mari, ce qui faifoit fon devoir. Elle péchoit donc, non parce qu'elle aimoit ces vertus, dont elle pouvoit conferver l'amour dans le cœur; mais parce qu'elle fuivoit fon caprice, & qu'elle n'aimoit pas affez ces autres vertus que Dieu vouloit qu'elle pratiquât en cette rencontre.

XI.

II fe peut faire de même qu'une per fonne foit portée aux aufteritez par un attrait de Dieu, & qu'elle faffe mal neanmoins de les pratiquer, parce qu'elle violeroit quelque devoir plus important: & fuppofé ce devoir, la volonté de Dieu feroit à l'égard de cette perfonne, qu'elle aimât les aufteritez felon fon attrait, & qu'elle fe réduifit à la regle qui lui eft prefcrite par fes autres devoirs.

XII.

Saint François de Sales défend à fes

filles de fe retirer de la vie commune, fous prétexte d'aufterité, de peur de détruire la fin de fon Inftitut, qui eft d'être proportionné aux foibles; s'enfuit il que tout amour des aufteritez que les religieufes de la Vifitation pourroient avoir, foit faux & ne tienne point de l'efprit de Dieu Nullement : il s'enfuit feulement qu'elles ne le doivent pas pratiquer, mais s'humilier en fe réduifant à la vie commune. Combien y a-t-il de perfonnes à qui Dieu donne un grand defir de la vie religieufe, & qu'il met neanmoins dans l'impuiffance de l'embraffer ; & fa volonté alors eft qu'elles ayent ce defir, & qu'elles ne le fuivent pas.

XIII.

David avoit conçu par le mouvement de Dieu, le defir de lui bâtir un temple, & neanmoins Dieu avoit une volonté expreffe de ne pas permettre qu'il l'exécutât, & il lui en fit même défenfe; ainfi il lui infpiroit un mouvement qu'il ne vouloit pas qu'il fuivît. Ce font deux chofes d'avoir un attrait pour certaines devotions, certaines vertus,certains exercices de pic

té, & de le devoir fuivre dans la pra-tique; l'un ne fuit nullement de l'au tre. Il fuffit que les chofes foient bonnes pour les defirer, pour les aimer ; & comme ces mouvemens font bons Dieu les peut former dans le cœur:mais ces actions doivent être reglées fur fes devoirs & fur la volonté de Dieu, qui parfait à chacun ce qu'il doit faire en telles & telles circonstances.

XIV.

C'eft ordinairement faute de diftinguer ces deux chofes,& de s'appliquer à confiderer en même temps tous fes devoirs, & toutes les volontez de Dieu fur nous, que l'on tombe dans des devotions de fantaifie; car le propre de la fantaifie eft de s'attacher à un feul objet, de borner notre vûë à ce feul objet,de s'en remplir, de le groffir, & de nous cacher tout le refte. Il fe peut donc fort bien faire que le cœur étant touché d'un attrait de Dieu pour quelque vertu, & cet attrait étant bon,s'il demeuroit dans de juftes bornes, la fantaisie vienne à s'y joindre qu'elle s'y attache ; & que nous cachant nos autres devoirs, elle fe rende principe

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de nos actions, àu lieu que Dieu ne nous avoit pas donné cet attrait pour être fuivi dans la pratique.

XV.

C'est ce qui fait voir que les perfon nes qui ont de ces fortes d'attraits, lors même qu'ils ont quelque fujet de les prendre pour des mouvemens de Dieu ont encore plus befoin que les autres de confulter, fur leur conduite, des perfonnes éclairées, afin qu'ils fuppléent par leur lumiere à ce qui peut manquer à la leur; car ces perfonnes voyent d'ordinaire trop & trop peu : elles voyent trop l'objet de leur mou vement, & voyent trop peu leurs au tres devoirs.

XV I.

Mais il eft vrai qu'elles doivent être extrémement fur leurs gardes, pour ne prendre pas témerairement confiance en des perfonnes peu éclairées;car il y a une infinité de gens qui aiment tout ee qui eft un peu extraordinaire, & qui fous prétexte de fuivre les vûes de Dieu dans ces ames, fanctifient toutes leurs fantaisies, & prennent tout pour

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