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des

marques

de fainteté. Il y en a au contraire,qui faute de connoître l'étendue de la nature ou de la grace, prennent tout ce qui fe paffe dans ces gens pour des illufions du démon;c'eft pour quoi, quand quand on a occafion de confulter quelque perfonne vraiement éclairée, il femble qu'on la doive ménager, & qu'on ne doive pas avoir égard à ce qui peut faire de la peine dans ces fortes de découvertes; car Dieu veut que nous acceptions les biens de fa grace, en paffant par-deffus les répugnances de la nature.

XVIL

Comme le principal danger des états un peu extraordinaires eft de s'y attacher, & d'y avoir de la complaifance, il eft bon, pour se préferver de ce mal, d'avoir fortement ces maximes dans l'efprit.Premierement, qu'il eft difficile de diftinguer ces états de ceux qui naiffent purement de certains temperamens & de certaines difpofitions du corps. Secondement, foit nature foit maladie, foit attrait de Dieu ce n'eft point par-là que nous de vons juger de nous-mêmes: on peut être faint fans cela, & on peut ne l'être pas avec cela.

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XVIII.

On ne peut pas juger par ces états du degré de fa vertu, ni de fa force; car il y a des ames qui ne fentent aucune confolation, ni aucun mouvement, qui font beaucoup plus fortes, que celles qui font dans la voie des fentimens & des attraits, parce qu'elles font accoûtumées d'aller à Dieu au travers des nuages & des répugnances de la nature; au lieu que les autres demeurent fouvent abbatues lorfque le vent qui les pouffoit vient à leur manquer.

XIX.

On ne peut pas fe confier fur foimême, ni en juger fur ce que l'on fait peu de fautes; car il y a des perfonnes qui en font beaucoup à l'exterieur, & d'affez grandes, qui ont plus de vertus interieures, & qui font plus agreables à Dieu que celles qui en font moins, parce qu'elles s'humilient davantage, & que leurs chûtes fervent à les fortifier. Saint Auguftin dit, par exemple; qu'une perfonne qui fe met fouvent en colere, & qui en revjent bien-tôt, &

qui s'accufe humblement de cette faute, vaut mieux que celui qui s'y met plus rarement, & la conferve plus longtemps. Les monafteres font pleins de perfonnes qui étant d'ailleurs trèsinnocentes & très-vertueufes, font fort legeres & imprudentes, & plus même que plufieurs perfonnes du monde qui couvrent fouvent, fous une apparence fort édifiante beaucoup de corruption.

XX.

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Tout confifte donc à s'humilier & là s'anéantir devant Dieu, à ne fe confier qu'à fa mifericorde, à ne s'appuyer que fur Jefus-Chrift, à fe défier de foi-même,& de fa lumiere ; à tâcher de lui être fidele en tout; à aller à lui simplement, avec confiance & avec amour. Une ame qui eft dans cette difpofition, ufe bien des attraits & s'en fert utilement pour fon falut, quand même ils ne feroient que des effets du temperament & de fa phantaifie; & celle qui n'y feroit pas, en uferoit mal quand même ils feroient de Dieu.

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SIUN JUGEMENT faux peut n'être pas témeraire.

Ous ne pouvons jamais

exiger de nos amis avec juf

N

tice, qu'ils jugent de nous d'une maniere déraifonnable, & qu'ils s'écartent du

bon fens en notre faveur; car ils font toujours plus obligez de fuivre la raifon & la verité,que l'inclination qu'ils ont pour nous.Outre que les jugemens étant formez fur les apparences dont l'efprit eft frapé, ne font pas toujours en leur pouvoir, forfque ces apparençes font convaincantes.

Mais ce qui paroît plus étrange, c'eft que nous n'avons pas même droit d'exiger d'eux, qu'ils jugent de nous avec une verité exacte & rigoureufe, & qu'ils ne fe trompent` jamais fur notre fujet.

La raifon en eft, que la condition de la vie humaine ne fouffre pas cette exactitude, ni que l'on porte tous ces juge mens jufqu'à une entiere certitude;

autrement

autrement on demeureroit prefque en toute chose dans une fufpenfion d'efprit, qui reduiroit tous les hommes à l'inaction. On ne condamneroit jamais un accufé ni fur fa propre confeffion, parce qu'il fe peut faire qu'il veuille périr; ni fur la dépofition d'aucuns témoins, parce qu'il fe peut faire abfolument qu'ils foient ou troinpeurs, ou trompez; ni fur aucunes circonftances, parce qu'il n'eft pas abfolument impoffible que le hazard produife ces mêmes circonftances qui fervent de preuve. Nul contrat n'eft abfolument certain, parce qu'il peut être falfifié : & il feroit facile de trouver de même de l'incertitude dans toutes les connoiffances, qui fervent de fondement au commerce que les hommes ont ensemble.

La raifon veut donc qu'on fe contente dans la vie d'une certaine mèfure de vrai-femblance, qui fe trouve très-rarement trompeufe, & fur cette vrai-femblance on va jufqu'à condamner les gens, jufqu'à leur faire perdre leur bien, jufqu'à les faire mourir, fans qu'il y ait en cela de l'injuftice, parce le bien general du monde deman de qu'on juge de cette forte, & que Tome II. Bbb

que

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