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68 DU ME'PRIS DU MONDE

d'être nourri de la manne du ciel, dur pain des anges & de Dieu même. On amaffe cette manne en fouffrant volontiers les peines, & on fe rend indigne du pain de Dieu en ne les fouffrant qu'avec impatience.

XIV.

Nous ferions infiniment heureux fi nous pouvions rencontrer l'échelle misterieuse, par où les anges defcendrapar où les hommes montent au ciel, pour devenir femblables aux anges. Que fi nous nous élevions jufqu'à la montagne de Sion par le mépris de toutes les chofes fenfibles, nous nous trouverions tout d'un coup dans un lieu de paix, d'où les vents, les tempêtes & les nuages de la terre n'approchent point, & où le foleil de juftice eft toûjours dans fon midi. C'eft-là où nous aurions l'avantage de nous voir environnez de la verité, comme d'un bouclier, & qu'elle nous mettroit à couvert des fleches du menfonge & de l'erreur qui nous ont fait de fi dangereufes bleffures.

Ja fa all tea hom

XV.

1. 18. &c.

Il eft vrai que quelque miferable que foit ici-bas notre féjour, la verité n'en eft pas entierement bannie. Le monde fenfible qui nous environne fait entendre & comprendre à tous ceux qui l'écoutent & le confiderent,' qu'il eft l'ouvrage de Dieu. Les anciens philofophes ont connu cette verité; & il a plû à Dieu de la leur dé- Rom. couvrir; mais parce qu'ils l'ont tenue captive dans l'injustice d'un mauvais usage, en attribuant leur connoiffance & la lumiere de leur propre efprit à leur propre fageffe, Dieu les a livrez aux defirs de leur cœur, par un jugement terrible & d'autant plus formidable aux pecheurs qu'ils le craignent

moins.

XVI.

C'est ce qui arrive encore tous les jours à une infinité de chrétiens, qui étant inftruits de la loi de Dieu, au lieu de la faire regner fur leurs mouvemens & fur leurs penfées, d'y affujettir leur efprit & leur raison, & de la prendre pour la regle de leur con

duite, aiment mieux leurs tenebres que fa lumiere, & lui préferent les fentimens de leur cœur. Ils oppofent à fes faintes loix la coûtume & l'habitude qu'ils ont contractée en ne refiftant point à leurs defirs. Ils fuivent en tout leurs paffions & celles des porfonnes qu'ils craignent, ou dont ils efperent quelque chofe, L'avarice, l'ambition, l'amour du plaisir & tous les autres vices font leurs regles auffi bien que leurs maîtres, & ils difpofent fouverainement de toute leur vie. Ils fe difent chrétiens avec des difpofi tions fi éloignées de l'Evangile & fi mauvaises,mais ils démentent leur foy par leurs œuvres, & fe rendent plus criminels que les anciens idolâtres, fe Luc 12. lon cette parole de l'Evangile :: Que Je ferviteur qui fait la volonté de fon maître, & n'a point de foin de l'ace complir, merite des châtimens beaucoup plus rigoureux, que celui qui ne la fait pas.,

47.

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Afin que nous évitions un fi pernicieux état, il faut que nous preferions la verité à toutes chofes ; que nous lui

facrifions tous nos fentimens; que nous la rendions la maîtreffe & la di rectrice de notre raifon; que nous lui afsujettissions nos interêts & notre orgueil; & qu'ouvrant les yeux à fa lumiere qui nous fait voir ce que nous fommes, nous renoncions à la fauffe opinion que nous avons de nous-mê

mes.

XVIII.

Auffi-tôt qu'elle aura tiré le rideau & le voile dont notre amour propre couvre nos miferes & nos défauts, nous reconnoîtrons avec étonnement que nous nous trompons beaucoup, fi nous penfons être quelque chofe; puifqu'en effet, nous ne fommes rien, mais un rien de tenebres & de peché.

XIX.

Recevons donc avec docilité cette inftruction de la verité divine, & tirons-en des confequences utiles à notre falut. N'ayons que du mépris pour nous; agréons que tout le monde nous méprife; & n'étant que des vers de terre, fouffrons que les hommes nous écrafent fous leurs pieds.

X X.

Pendant que notre confcience nous reproche que nous fommes pecheurs : la verité nous apprend quelle haine & quelle horreur nous devons avoir de nous-mêmes. Elle nous oblige d'exercer envers nous la rigueur que meritent des efclaves révoltez contre leur maître, auffi-bien que de nous traiter comme des criminels, fujets aux plus rigoureux fupplices, & indignes de toute forte de graces. Elle nous enga. ge à nous condamner de bonne foi, vouloir bien que tout le monde nous condamne, & à croire que les injustices apparentes que l'on nous fait, n'ont rien que de jufte par rapport à nos pechez, & à la juftice de Dieu.

XXI.

à

La derniere place étant la feule qui convienne à des pecheurs, il faut que cette vûe nous mette aux pieds de nos freres, & qu'elle nous les faffe regarder comme nos juges & nos maîtres: nous devons même reconnoître que la juftice de Dieu leur donne droit de

difpofer

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