,

que effort que vous faffiez pour Dvous éloigner de moi, je m'attacherai de plus en plus à vous malgré les répugnances de la natu> re. Mes liens ne romperont jamais parce qu'ils font l'ouvrage d'une charité qui ne change point: je conferverai avec vous une parfaite paix, » quelque guerre que vous me faffiez : & j'adoucirai par ma patience, les "offenfes les plus ameres : je vous honorerai, & j'honorerai Jefus-Chrift » en vous, lors même que vous n'au∞ rez pour moi que le dernier mépris. Je vous comblerai de nouveaux bienfaits, & je vous rendrai tous les fervices que je pourrai, quoique je n'aye jamais reçû que des ingratitu» des de votre part. Je vous affectionnerai & je vous porterai dans mon » cœur malgré vous, quelque marque que vous me donniez de ne "pouvoir me fouffrir. Je vaincrai avec une application fi continuelle, 30 par le bien d'un veritable amour tout le mal que vous me faites. Je » vous engagerai à avoir de la bonté » pour moi, afin que nous participions tous ensemble à la bonté de Dieu.

XXIX,

N'alleguons pas pour nous exemter d'imiter ce faint, que cette perfection eft au-deffus de nos forces, & qu'elle n'appartient qu'à des hommes extraordinaires. Il eft vrai que la conduite de faint Bernard en ce point eft fort parfaite & fort excellente ; mais cela n'empêche pas qu'elle ne foit d'une obligation indifpenfable 'pour tous ceux qui defirent d'être enfans de Dieu, & qui prétendent au double heritage de fa grace pendant cette vie, & de fa gloire éternelle en l'autre. C'est ce que Jefus-Christ même nous déclare très-fortement par ces paroles de l'Evangile vous avez Matth. appris qu'il a été dit: Vous aimerez s. 43. votre prochain, & vous hairez votre .. ennemi; mais moi je vous dis: Aimez vos ennemis; faites du bien à ceux qui nous haiffent; priez pour ceux qui vous perfecutent & qui vous calomnient, afin que vous soyez enfans de votre Pere celefte, qui fait lever fon Soleil fur les bons & fur les méchans &fait pleuvoir fur les juftes & fur les injuftes; car fi vous n'aimez que

ceux qui vous aiment, quelle récompenfe en aurez-vous? Puifqu'en cela vous ne faites que ce que les Publicains & les plus grands pecheurs font auffi: Soyez donc, vous autres, parfaits comme votre Pere celefte eft parfait.

X X X.

Ces paroles nous apprennent que quelque éminente que foit la charité, elle eft abfolument commandée à tous les chrétiens; comme auffi les faints nous enfeignent, qu'elle fait feule toute la difference entre les enfans de Dieu & les enfans du démon. C'eft le caractere des vrais fideles; & c'est principalement par cette marque qu'ils font diftinguez des autres hommes. Les premiers chrétiens fe faifoient une loi d'aimer les bourreaux qui déchiroient leurs corps, auffi bien que les jugés qui les condamnoient aux plus cruels tourmens; & de prier pour les puiffances du fiecle qui les perfecu toient par le fer & par le feu ; cela les confervoit dans une paix toujours égale, dans une patience invincible; & dans une douceur que rien ne pouvoit ni irriter, ni alterer le moins du

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monde. Ils fe tenoient fi preparez à employer leurs biens, leurs peines & leur vie même pour ceux qui les traitoient avec autant de cruauté que d'injuftice, que quand il fe prefentoit quelque occafion de les fervir, ou de les obliger en quelque chofe, ils ne manquoient jamais de l'embraffer pour combler leurs perfecuteurs de toute forte de biens. C'est ce qui a paru dans les miferes & dans les afflictions publiques, dans les famines & dans les peftes; car alors les Difciples de Jefus-Chrift s'oubliant eux-mêmes, n'épargnoient rien de ce qu'ils avoient & de ce qu'ils pouvoient, pour fecourir les pauvres & les malades d'entre les gentils qui étoient abandonnez de leurs proches. Ils fervoient alors de peres & de meres, de freres & d'amis à ceux que ni leurs amis, ni leurs parens, ni les autres hommes ne connoiffoient, ou ne confideroient plus : & lors qu'ils perdoient la vie en rendant ces fecours à leurs ennemis, ils ne s'eftimoient pas moins heureux de mourrir pour la charité, que pour la foi.

XXXI.

Peut-on confiderer l'histoire de ces

veritables chrétiens, fans entendre la voix de leur charité & de leur fang, qui nous preffe de les imiter

,

comme

ils ont imité Jefus-Chrift? Quelquechofe que faffent nos ennemis, la nature & la foi nous apprennent qu'ils font nos freres : s'ils oublient & s'ils. perdent l'amour qu'ils nous doivent & il ne faut pas que leur exemple nous engage à tomber dans le même crime, de peur que ceffant de les traiter avec la bonté que nous devons à des freres, nous ne ceffions d'être enfans de Dieu. Cette pratique eft bien élevée & bien parfaite, dit faint Augustin ; mais c'est la pratique de tous ceux qui défirent avoir Dieu pour Pere: c'eft le but que tout fidele eft obligé de fe propofer & un degré où il doit parvenir, en s'exerçant à toute forte de bonnes œuvres, en combattant fes propres inclinations, en fe faifant une continuelle violence pour se furmonter foimême; & tâchant d'attirer le fecours de Dieu par fes gemiffemens & par fes prieres également humbles, ferventes & continuelles.

XXXII.

La pratique des premiers fideles, &