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Matt

5.88.

la conduite qu'ils tenoient envers leurs perfecuteurs, nous donne lumiere pour entendre ces paroles de Jefus-Chrift: Vous avez appris qu'il a été dit, Oeil pour œil, & dent pour dent. Et moi je &c. vous dis, de ne point refifter à celui qui vous traite mal; mais fi quelqu'un vous donne un foufflet fur la joue droite, prefentez-lui encore l'autre. Si quelqu'un veut plaider contre vous, pour avoir votre robe, abandonnez lui encore votre manteau. Et fi quelqu'un vous contraint de faire mille pas avec lui, faites-en deux mille.

Ces paroles ne paroiffent ni obfcures, ni difficiles à ceux qui ont le cœur plein de charité. Comme ils favent que c'eft un grand bien de fouffrir, ils le defirent fi ardemment, que loin de réfifter à ceux qui les traitent mal, ils les cheriffent & ils leur rendent des ations de graces, lorfqu'ils les frappent & les deshonorent; l'amour qu'ils ont pour l'ignominie de la croix s'augmente à mesure qu'ils font humiliez & tourmentez;ils regardent leur corps & leur ame comme des victimes, & tout ce qu'ils fouffrent ne leur paroît que le commencement du facrifice dont ils defirent l'accompliffement.

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Quiconque eft fi peu attaché à fa vie
qu'il aime mieux la perdre, que de
manquer à aucun devoir de charité en-
vers fes freres & envers fes ennemis
eft encore moins attaché à fon bien
il eft ravi de s'en voir dépouillé pour
la charité, & après que fes ennemis lui
en ont ôté une partie par violence, ou
par injuftice, il eft prêt de leur ceder
le refte, plûtôt que de manquer à
faire la volonté de Dieu. La charité
nous porte auffi à fervir tout le monde
fans diftinction: & lorfqu'on nous
contraint de faire des chofes baffes &
penibles, à quoi nous ne fommes
point obligez, la même charité nous
porte encore à faire beaucoup plus
qu'on a exigé de nous.

XXXIII.

Pour comprendre cette verité, & pour nous convaincre de l'obligation que nous avons de la pratiquer, il ne faut que nous fouvenir de ce que faint Rom.13.Paul nous enfeigne, que nous fommes toujours redevables de la charité à toute forte de perfonnes, & qu'après avoir eu foin de nous en bien acquitter, nous n'en fommes jamais quittes,

quelques bons offices que nous ayons rendus à nos ennemis, nous ne ceffons point de leur en être redevables, & l'exercice n'ayant fait qu'augmenter notre charité, elle nous porte avec une nouvelle ardeur à les combler de nouveaux bienfaits. Quelque mal auffi que nous ayons reçû de nos ennemis, leur haine, leur faveur, leurs calomnies, leurs mauvais traitemens ne fauroient nous dispenser de la bonté de la douceur, de la patience que nous leur devons, non plus que la pefanteur des fardeaux qu'ils nous impofent, nous décharger de l'obligation que nous avons de les porter leurs interêts nous doivent être auffi chers que les nôtres, & nous devons furmonter leur mauvaise volonté, par un defir fincere de les fervir, car la charité nous rend tellement ferviteurs de tous nos freres, qu'elle ne nous permet point d'y mettre aucunes bornes, & qu'elle nous engage à y employer nos biens, nos peines, notre fang & notre vie même. Nous ferons très-heureux fi nous le faifons actuellement, parce que notre charité feroit dans fon fouverain degré, & qu'elle auroit quelque chofe de femblable à celle de Je

fus-Chrift, qui s'eft immolé fur la croix pour le falut des pecheurs, après les avoir prévenus de fon amour, dans un temps où ils étoient encore fes ennėmis.

XXXIV.

On perd la charité quand on ne l'exerce pas en cette maniere ; & au contraire on la fait croître par ces exercices. Saint Auguftin remarque, qu'au lieu que nous n'avons plus notre argent quand nous l'avons donné à quelqu'un, notre charité s'augmente, fe fortifie & fe rend parfaite à mefure que nous l'employons à obliger le prochain. Le profit que nous faifons en la répandant, nous engage à la répandre en toute rencontre, & nous devons avoir d'autant plus foin de nous en acquitter envers les autres, que c'est le feul moyen de nous en acquitter envers nous-mêmes & d'allumer de plus en plus le feu du ciel dans notre cœur, jufqu'à ce qu'il le confume entierement, & qu'il n'y refte rien du nôtre : Sola charitas etiam reddita detinet debitorem,redditur enim cum impeditur;debetur autem etiam fi reddita fuerit, quia nullum eft tempus quando impen

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denda non fit; nec cum redditur amittitur; imò potius reddendo multiplicatur &perficitur.

XXXV.

Un chrétien eft un homme de priere, parce que reffentant fa foibleffe extrême, il fe trouve indifpenfablement obligé de demander à Dieu le fecours Luc 6. dont il a un entier befoin. Máis Je- 37.38. fus-Chrift nous aprend que s'il defire que Dieu lui faffe mifericorde, il faut qu'il exerce la fienne envers fes freres; s'il veut que Dieu lui pardonne fes pechez, il faut qu'il pardonne à fes freres les injures qu'il en a reçûes; s'il defire fe procurer les graces & les benedictions de Dieu, il faut qu'il donne aux autres, jufqu'à fes ennemis mê mes, toutes les marques d'une affection fincere, & qu'il ne leur refuse aucune chofe.

XXXVI.

a

Que fi nous nous fouvenons de tous les pechez que nous avons commis contre Dieu; des talens que nous vons perdus, au lieu de les multiplier; des abus que nous avons fait de fes graces, & de la hardieffe avec laquelle

L

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