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nous avons profané fes facremens, & refifté à fon efprit & à fa parole; nous reconnoîtrons que nous avons contraaté à fon égard une dette dont nous ne nous acquitterons jamais : & cela nous oblige de reconnoître encore que l'on ne fauroit nous rien devoir pendant que nous demeurons fi redevables à Dieu. Pourroit-on, en effet, traiter trop durement & trop mal de mauvais ferviteurs, qui ont diffipé le bien d'un fi bon maître ? Pourroit-on avoir trop de mépris pour ceux qui en ont eu un extrême pour lui? Pourroit-on châtier trop fevérement & faire trop fouffrir, ceux qui par leur ingratitu de, ont mérité les plus terribles effets de fa colere.

XXXVII.

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Il faut donc que nous recevions de nos freres toute forte de mauvais traitemens, d'opprobres & de duretez comme la jufte peine de nos defordres en confiderant qu'ils ne font que nous rendre ce que nous meritons;& qu'ainfi aucune de leurs injures ne doit alterer notre charité à leur égard, ni nous empêcher de les combler de

biens & faveurs avec beaucoupd c

zele.

Enfin il faut que non-feulement nous continuïons à les aimer, mais que nous les aimions encore de plus en plus, & quand il arriveroit, qu'au lieu de nous rendre amour pour amour, ils n'auroient pour nous qu'une haine mortelle nous foyons prêts de nous donner nous-memes à eux, avec tout ce qui dépend de nous, après les promeffes que Dieu nous a faites, de récompenfer notre charité par une mifericorde très-avantageufe & plus grande.

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܀܀܀܀

DES DISPOSITIONS qu'on doit avoir à la vue de fes propres maux, & de ceux du prochain.

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'A ME fent de la douleur à proportion que les maux font plus proches ou plus éloignez d'elle.Si le corps eft attaqué par quelcomme par la co

que accident lique, la fiévre

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ou par quelque autre maladie il eft certain que pourvû que les organes en foient bien difpofez, nous fentons exactement tout ce qui fe paffe en nous : & la moindre piquûre fait autant d'impreffion fur l'efprit que fur le corps.' Quelque difference qu'il y ait entre ces deux parties, leur union eft fi étroite, & elles participent tellement aux biens & aux maux l'une de l'autre, que ce qui convient au corps fait neceffairement le plaifir de l'ame;comme c'eft une neceffité qu'elle fouffre

avec douleur, ce qui eft contraire au corps, & ce qui altere fon état naturel.

I I.

Le refte des créatures nous eft plus ou moins proche, felon la mesure de notre amour; fi l'on aime plus l'argent que toutes les autres chofes, on eft plus affligé de le perdre, que de perdre toute la terre; fi l'on eft plus attaché à l'honneur du monde qu'aux richesses & aux plaisirs, on fent plus vivement les mépris & les humiliations que tous les autres malheurs ; & fi on aime fes freres comme foi-même, on eft touché de leurs peines, comme de celles qu'on peut ressentir.

III.

Mais avant que de traiter plus au long cette matiere, il faut remarquer la difference qu'il y a entre douleur & affliction. On appelle douleur un fentiment involontaire de l'ame, frappée & bleffée de quelque chofe d'incommode qui furvient au corps, & on ne fauroit empêcher cet effet quand on le voudroit; mais l'affliction eft le

fentiment que l'ame conçoit après, par la réflexion & par l'attention qu'elle fait fur fa douleur, ou fur quelque autre mal qu'elle regarde avec horreur & affliction.

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IV.

Quoique ces deux fentimens foient differens ils font prefque toujours unis. Tout ce qui caufe de violentes douleurs, produit d'ordinaire quelque affliction ; & tout ce qui jette l'ame dans une affliction extréme fait quelque alteration dans le corps, & lui caufe de la douleur: cela néanmoins n'arrive pas toujours. On a vû des martyrs fi pleins de joie au milieu des tourmens, qu'on eût crû qu'ils ne fouffroient point: ce n'eft pas, comme remarque faint Bernard, qu'ils fuffent infenfibles; mais c'eft que leur efprit tout occupé de Dieu, & de la vûe des biens éternels, méprifoit tous les maux de la vie préfente. Saint Auguftin parlant de Saint Laurent, dit, le feu de la charité qui embrafoit fon cœur, agiffoit avec plus de force & d'activité en lui, que les flâmes qui brûloient & qui confummoient fa chair.

que

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