qui a un air fi noble & fi gracieux, fut achevée en ce temslà: elle est aujourd'huy à Paris.

L'an 1503. ceux de Florence voulurent faire peindre au Palais la falle du Confeil, & Leonard fut chargé par un Decret de la conduite de l'ouvrage; il l'avois déja fort avancé d'un côté de la falle, lorfqu'il s'apperçut que fes couleurs ne tenoient point, & qu'elles fe détachoient de la muraille àmefure qu'elles féchoient.. Michel Ange peignoit en concurrence de Leonard un autre côté de la falle, quoiqu'il n'eût encore que vingt-neuf ans ; il étoit fçavant, & avoit déja acquis une grande réputation; ik prétendoit même l'emporter fur Leonard, qui étoit âgé de plus de foixante ans : chacun avoit fes amis, qui bien loin de les raccommoder, les aigrirent tellement l'un contre l'autre,en donnant la préference à celuy pour

qui ils fe déclaroient, que Leonard & Michel Ange en devinrent ennemis. Raphaël fut le feul qui fçut profiter des demêlez de ces deux grands hommes, la réputation de Leonard l'avoit fait venir à Florence; il fut furpris en voïant fes ouvrages, & quitta bien-tôt la maniere féche & dure de Pierre Perugin fon Maître, pour donner à fes ouvrages cette douceur & cette tendreffe que les Italiens appellent Morbidear en quoi il a furpaffé tous les Pein

tres.

Leonard travailla toûjours à Florence jufqu'en 1513. ce qu'il fit de plus confiderable, fut un tableau d'une Vierge avec le petit Jefus, & un autre où il a reprefenté la tête de faint JeanBaptifte; le premier cft chez les Botti, & le fecond chez Camille Albizzi

Leonard n'avoit point encore vê Rome,l'exaltation de Leon X.

au pontificat, luy donna occafion d'y aller, pour presenter fes refpects au nouveau Pape, & il auroit efté eftimé dans cette ville autant qu'il le meritoit, fans une avanture bizarre qui l'empêcha d'y travailler. Leon X. en qui la magnificence & l'amour des beaux Arts étoient des qualitez hereditaires, refolut d'emploïer Leonard, qui fe mit auffi-tôt à distiller des huiles, & à preparer des vernis pour couvrir fes tableaux ; le Pape en aïant été informé, dit qu'il ne falloit rien attendre d'un homme qui fongeoit à finir fes ouvrages devant que de les avoir commencé. Vafari, zelé partifan de Michel Ange, dit qu'on donna encore à Rome bien d'autres mortifications à Leonard, par les difcours injurieux qu'on répandoit de luy, & par la préference qu'on donnoit en tout à Michel Ange. Ainfi Rome ne fçut point profi

ter des talents de Leonard, qui se rebuta enfin, & qui fe voïant appellé par François I. paffa en France, où il trouva dans la bonté de ce Prince de

quoy fe dédommager des chagrins qu'il avoit reçus à Rome. Il avoit plus de foixante & dix ans quand il entreprit le voïage ; mais l'honneur de fervir un fi grand Roy, le foûtenoit, & fembloit luy donner des forces. La Cour étoit à Fontainebleau, lorfque Leonard alla faluer le Roy:ce Prince luy fit mille careffes,& luy donna toûjours des marques d'eftime & de bonté, quoiqu'il ne pût gueres l'emploïer à cause de fon grand âge. Il y a apparence que les fatigues du voïage & le changement de climat contribuerent à la maladie dont Leonard mourut il languit durant quelques mois à Fontainebleau pendant lefquels le Roy luy fit l'honneur de l'aller voir plufieurs

fois, il arriva un jour que ce Prince y étant allé, Leonard voulut s'avancer & s'afféoir fur fon lit, pour remercier le Roy: dans ce moment il luy prit une foibleffe qui l'emporta, il expira entre les bras du Roy, qui avoit bien voulu le foutenir pour le foulager.

Leonard de Vinci mourut âgé de plus de foixante & quinze ans, regretté de ceux qui aimoient les beaux Arts, & honoré de l'estime d'un grand Roi Jamais il n'y eut d'homme en qui la nature eut répandu plus liberalement tous fes dons; car il avoit toutes les qualitez d'efprit & de corps qui peuvent faire un homme accompli. Il étoit beau & bienfait, fa force étoit furprenante, il faifoit bien tous les exercices du corps; mais les talents de fon efprit étoient encore au deffus des autres qualitez qu'il avoit. Il joignoit