de doutes dans les études qu'il fait n'avance gueres dans fon Art. Quand tout paroît aifè, c'eft une marque infaillible que l'Ouvrier eft

peu habile, & que l'ouvrage eft au deffus de fa portée: mais lors qu'un Peintre, par la force & par l'étendue de fon efprit, connoit toute la difficulté de fon ouvrage, alors il le rend plus parfait de jour en jour, à mesure qu'il fait de nouvelles reflexions,à moins que quel que raifon ne l'oblige de le finir en peu de tems.

CHAPITRE XII.

De la maniere d'apprendre à desseignerà UN Eleve doit premierement s'ac coûtumer la main à copier les deffeins des bons Maîtres, & à les imiter parfaitement & quand il en a acquis l'habitude, il faut que fuivant le confeil de celuy qui le conduit, il deffeigne d'après des bolles qui foient de bon goût, felon la methode que je donnerai pour les figures de relief.

CHAPITRE XIII. Comment il faut efquiffer les compofi tions d'hiftoires, & les figures. IL faut faire promptement & legerement le premier efquiffe d'une hif toire, fans s'arrêter beaucoup à former les membres, & à finir les figures, ayant feulement égard à la jufteffe de leur pofition fur le plan, après quoy le Peintre ayant arrêté l'ordonnance de fon tableau, il pourra les finir à loifir quand il luy plaira.

CHAPITRE

XIV.

Qu'il faut corriger les fautes dans fes ouvrages, quand on les découvre.

LORSQUE Vous découvrirez quelques fautes dans vos ouvrages, ou qu'on vous y en fera remarquer, corrigez les auffi-tôt, de peur qu'expofant vos tableaux aux yeux du Public, au lieu de vous faire eftimer, vous ne fafficz connoître vôtre ignorance; &. ne dites point qu'à la premiere occafion vous reparerez la perte que vous avez faite de vôtre réputation: car il n'en eft pas de la Peinture comme de

Ja Mufique, qui paffe en un inftant, & qui meurt, pour ainsi dire, auffitôt qu'elle eft produite; mais un tableau dure long tems après qu'on l'a fait, & le vôtre feroit un témoin qui vous reprocheroit continuellement vôtre ignorance. N'alleguez pas non plus pour excuse vôtre pauvreté, qui ne vous permet pas d'étudier, & de vous rendre habile: l'étude de la vertu fert de nourriture au corps auffi-bien qu'a l'ame. Combien a-t-on vû de Philofophes, qui étant nez au milieu des richeffes, les ont abandonnées, de peur qu'elles ne les détournaffent de l'étude & de la vertu..

CHAPITRE X V.

Du jugement qu'on doit porter de fe propres Ouvrages.

Il n'y a rien plus fujet à fe tromper l'homme dans l'eftime qu'il a pour que fes ouvrages,& dans le jugement qu'il en porte. La critique de fes ennemis luy fert plus que l'approbation & leslouanges que luy donnent fes amis ; ils ne font qu'une même chose avec luy, & comme il fe trompe luy même,. ils peuvent auffi le tromperpar com plaifance, & fans y penfer.

CHAPITRE XVI.

Moyen d'exciter le prit,& l'imagina tion à inventer plufieurs chofes.

peu

Je ne ferai point difficulté de mettre icy parmy les préceptes que je donne une nouvelle maniere d'inventer; c'eft de chose en apparence, & peurêtre paflera-t-elle pour ridicule;neanmoins elle peut beaucoup fervir à ouvrir l'efprit, & à le rendre fecond en inventions. Voici ce que c'eft. Si vous regardez quelque vieille muraille cou verte de pouffiere, ou les figures bizarres de certaines pierres jafpées, Vous y verrez des chofes fort femblables à ce qui entre dans la compofition des tableaux ; comme des païfages, des batailles, des nuages, des attitudes hardies, des airs de tête extraordinaires, des draperies, & beaucoup d'autres chofes pareilles. Cet amas de tant d'objets eft d'un grand fecours à l'efprit, il luy fournit quantité de deffeins, & des fujets tous

CHAPITRE XVII.

.

Qu'il eft utile de repaffer durant la nuie dans fon efprit les chofes qu'on a étu

diées.

J'AY encore éprouvé qu'il eft fort utile, lorfqu'on eft au lit, dans le filence de la nuit, de rappeller les idées des chofes qu'on a étudiées & deffeignées, de retracer les contours des figures qui demandent plus de re flexion & d'application; par ce moyen on rend les images des objets plus vives, on fortifie, & on conferve plus long-tems l'impreffion qu'ils ont faite

CHAPITRE XVIII.

Qu'il faut s'accoûtumer à travailler avec patience, & à finir ce que l'on fait, devant que de prendre une mąż niere prompte & hardie,

Si vous voulez profiter beaucoup, & faire de bonnes études, aïez foin de ne deffeigner jamais à la hâte ni à la legere. A l'égard des lumieres, confiderez bien quelles parties font éclairées du jour le plus grand; & entre Les ombres, remarquez celles qui font