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davantage de fa couleur; parce que plus une chofe eft près d'un objet, plus elle reçoit de fa lumiere, & participe à fa couleur; & comme le feu répand une couleur rouge,il faudra que toutes les chofes qui en feront éclairées,aïent une teinte rougeâtre, & qu'à mesure qu'elles en feront plus éloignées, cette couleur rouge s'affoibliffe, en tirant fur le noir, qui fait la nuit. Pour ce qui est des figures, voici ce que vous y obferverez.Celles qui font entre vous & le feu, femblent n'en être point éclairées; car du côté que vous les votez, elles n'ont que la teinte obfcure de la nuit, fans recevoir aucune clarté du feu ; & celles qui font aux deux côtez, doivent être d'une teinte demi-rouge & demi - noire ; mais les autres qu'on pourra voir au de-là de la flamme feront toutes éclairées d'une lumiere rougeâtre fur un fond noir. Quant aux actions & à l'expreffion des mouvemens il faut que les figures qui font plus proches du feu portent les mains fur le vifage, & le couvrent avec leurs manteaux pour fe garantir du trop grand éclat du feu & de fa chaleur, & tournent le vifage de l'autre côté, comme quand on veut fuïr,

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ou s'éloigner de quelque lieu vous ferez aufli paroître éblouis de la flamme, la plupart de ceux qui font éloignez, & ils fe couvriront les yeux de leurs mains pour parer de la trop gran de lumiere.

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Comment il faut representer une
tempête.

Si vous voulez bien reprefenter une tempête, confiderez attentivement fes effets. Lorfque le vent fouffle fur la mer ou fur la terre, il enleve tout ce qui n'eft pas fortement attaché à quelque chofe, il l'agite confufément & l'emporte. Ainfi pour bien peindre une tempête, vous reprefenterez les nuages entrecoupez & portez avec impetuofité par le vent du côté qu'il fouffle, l'air tout rempli de tourbillons d'une pouffiere fablonneufe qui s'éleve du rivage, des feuilles, & même des branches d'arbres enlevées

par

la violence & la fureur du vent,la campagne toute en defordre par une agitation univerfelle de tout ce qui s'y rencontre, des corps legers & fufceptibles de mouvement répandus cons

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fufément dans l'air, les herbes couchées, quelques arbres arrachez, & renverfez, les autres fe laiffant aller au gré du vent, les branches ou rompues ou courbées, contre leur fituation naturelle, les feuilles toutes repliées de differentes manieres & fans ordre: enfin des hommes qui fe trouvent dans la campagne, les uns feront renverfez & embarraffez dans leurs manteaux, couverts de pouffiere & méconnoiffables, les autres qui font demeurez debout paroîtront derriere quelque arbre & l'embrafferont, de peur que l'orage ne les entraîne, quelques autres fe couvrant les yeux de leurs mains pour n'être point aveuglez de la pouffiere, feront courbez contre terre, avec des draperies volantes, & agitées d'une maniere irreguliere, ou emportées par le vent. Si la tempête fe fait fentir fur la mer, il faut que les vagues qui s'entrechoquent la couvrent d'écume, & que le vent en rempliffe l'air comme d'une neige épaifle; que dans les vaiffeaux qui feront au milieu des flots, on y voïe quelques matelots tenans quelques bouts de cordes rompues, des voiles brifées étrangement agitées, quel

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ques mats rompus & renversez fur le vaiffeau, tout delabré au milieu des vagues, des hommes criants fe prèndre à ce qui leur refte du debris de ce vaiffeau. On pourra feindre auffi dans l'air des nuages emportez avec impetuofité par les vents, arrêtez, & repouffez par les fommets des hautes montagnes, fe replier fur eux-mêmes, & les environner, comme fi c'étoient des vagues rompues contre des écueils, le jour obfcurci d'épaifles tenebres, & l'air tout rempli de poudre, de pluïe, &de gros nuages.

CHAPITRE LXVII. Comme on doit representer aujourd'huy une bataille.

Vous peindrez premierement-la fumée de l'artillerie mêlée confufément dans l'air avec la pouffiere que font Les chevaux des combattans, & vous exprimerez ainfi ce mêlange confus. Quoique la pouffiere s'éleve facilement en l'air, parce qu'elle eft fort menuë, neanmoins parce qu'elle ef terreftre & pefante, elle retombe naturellement, & il n'y a que les parties les plus fubtiles qui demeurent en l'air,

Vous la peindrez donc d'une teinte fort legere, & prefque femblable à celle de l'air; la fumée qui fe mêle avec l'air & la pouffiere, étant montée à une certaine hauteur, elle paroîtra comme des nuages obfcurs. Dans la partie la plus élevée, on difcernera plus clairement la fumée que la pouf here, & la fumée paroîtra d'une couleur un peu azurée & bleuâtre ; mais la pouffiere confervera fon coloris naturel du côté du jour ; ce mélange d'air, de fumée, & de pouffiere fera beaucoup plus clair fur le haut que vers le bas. Plus les combattans fe ront enfoncez dans ce nuage épais, moins on les pourra difcerner, & moins encore on diftinguera la difference de leurs lumieres d'avec leurs ombres. Vous peindrez d'un rouge de feu les vifages, les perfonnes, l'air, les armes, & tout ce qui fe trouvera aux environs; & cette rougeur diminuëra à mesure qu'elle s'éloigne de fon principe; & enfin elle fe perdra toutfait. Les figures qui feront dans le lointain,entre vous & la lumiere, paroîtront obfcures fur un champ clair, & leurs jambes feront moins diftincses & moins vifibles; parce que près

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