Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

Livre cent foixante-treizième.

140

onna qu'il avoit été empoisonné. Le comte AN. 1572, de Garces, lieutenant de roi dans la Provence, imita fa douceur, & par fes remontrances il obtint de la cour un ordre contraire au premier qui ne refpiroit que le fang & le carnage.

Dans le Dauphiné, Bertrand de Simiane, feigneur de Gordes élevé dans la maifon de Montmorency, représenta le grand crédit que Montbrun avoit dans le parti, & le danger auquel on s'expofoit en réduifant les Calvinistes au défespoir; ainfi voïant que le peuple avoit déja commencé à en égorger quelques-uns à Valence & à Romans, il arrêta par autorité le cours de cette fanglante execution. Saint Herem gouverneur d'Auvergne, attaché pareillement. aux Montmorencis, ufa de la même modération, & répondit qu'il n'obéiroit jamais à des ordres fi cruels, s'il ne les recevoit du roi même.

"

[ocr errors]

de Lifieux

Enfin l'on peut dire qu'il refta beaucoup plus XXXIX. de Calviniftes dans les provinces qu'il n'en pé- L'éêque rit. Le clergé tout maltraité qu'il avoit été par fauve tous ces héretiques, en fauva autant qu'il put en dif- fes diocéferens endroits. Le lieutenant de roi de Lifieux fains Calviatant communiqué fes ordres à l'évêque Jean niftes. Hennuyer de l'ordre de faint Dominique, qui San Marth avoit été précepteur d'Antoine de Bourbon, in Gallia duc de Vendôme, depuis roi de Navarre, ceto. 2. pag. Christiana, prélat s'oppofa à leur execution : Non, lui 652. dit-il, vous n'executerez pas vos ordres, & Echard de », je n'y confentirai jamais: je fuis le pafteur defcript. ord. P'églife de Lifieux, & ceux que vous vou-cat. to. 2. fratr. pradi lez faire égorger font mes ouailles, il eft vrai 341. qu'elles font égarées, mais je ne défefpere pas de les faire un jour rentrer dans la bergerie de ,, Jefus Chrift. Je ne vois pas dans l'évangile ,, que le pafteur doive fouffrir qu'on répande le fang de fes brebis; j'y lis au contraire, qu'il eft obligé de verfer fon fang, & de donner fa vic elies. Retournez-vous en donc avec pour G 3

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

"

29

[ocr errors]
[ocr errors]

Ceft

AN. 1572.

XL.

Ce qu'on fit à Rome

gn au lujet

thelemi.

[ocr errors][ocr errors][ocr errors]

cet ordre qu'on n'executera jamais, tant que Dieu me confervera la vie, que je n'ai reçuë de lui que pour être emploïée au bien spirituel & temporel de mon troupeau.

[ocr errors]

Le lieutenant furpris de cette fermeté, lui demanda par écrit un acte de refus, pour lui fervir de décharge envers le roi: le prélat le lui accorda, & lui dit qu'il étoit affuré de la bonté du prince, qu'on l'avoit furpris en cette occasion, & qu'il ne doutoit nullement qu'il ne trouvât bon fon refus; qu'en tout cas il fe chargeroit de tout le mal qui en pourroit arriver. Dieu favorifa le zéle du prélat; fon opposition aïant été envoïée au roi par le lieutenant, fa majefté en fut édifiée, & révoqua auffi-tôt fes ordres à l'égard du diocéfe de Lifieux; le cher troupeau docile aux instructions de fon pasteur, fut fi vivement touché de fa conduite, qu'il rentra prefque entierement dans le bercail.

Cette exécution fut regardée à Rome & en Efpagne d'un œil tout different. Gregoire XIII. n'envifageant que le bien qu'il s'imaginoit devoir en réfulter pour la religion Catholique en de la S. Bar France, ordonna une proceffion, où il affifta lui-même depuis faint Pierre jufqu'à l'églife de Mezeray, faint Louis, pour rendre graces Dieu d'un fi abregé chr. heureux fuccès, & il fit frapper quelques méto. 5. in 12. dailles, pour perpetuer la mémoire de cet éveneDans le tre- ment, où lui même eft représenté d'un côté, for chronel. & de l'autre un ange tenant une croix d'une du P. de S. main, & une épée de l'autre, exterminant les fol. pag. 561. héretiques, & particulierement l'amiral

P. 260.

Romuald. in

XLI.

En

Efpagne on fit le panégyrique de cette même action en présence du roi Philippe II. & on ofa lui donner le nom de triomphe de l'église mili

tante.

Les Proteftans de France qui avoient échappé Les reftes au carnage de la faint Barthelemi, fe retirerent des Calvini dans le Vivarez & dans les provinces voisines,

ftes fe reti

1

2

mais la crainte qu'on n'exerçât encore fur eux AN. 1572
un traitement aulli rigoureux que celui qu'ils rent en dif-
venoient d'éprouve, obligea plufieurs à abandon- ferens lieux.
ner le roiaume: quelques-uns pafferent en An- De Toulo
gleterre, où ils trouverent un azile auprès de la co up 1.58.
reine Elifabeth. L'électeur Frederic Palatin, &p. 835.
les cantons de Zurich & de. Berne en Suiffe,
retirerent tous ceux qui voulurent fe refugier
chez eux, & la ville de Genêve leur offrit tous
les fecours qui pouvoient dépendre d'elle. Les
deux fils aînez de l'amiral qui avoient trouvé le
moïen de s'échapper, & les malheureux reftes
de la famille de Coligni fe retirerent d'abord à
Genêve, ensuite à Baile, où après avoir demeu-
ré quelques mois, ils vinrent enfin à Berne, &
y furent reçus avec toute forte d'honneur & de
bonté. D'un autre côté plufieurs Calviniites ef-
fraïez des horreurs d'un long exil, & ne pou-
vant fe réfoudre à vivre éloignez de leurs famil-
les, céderent à la violence, & pour s'accommo-
der au tems, fe firent catholiques, en fignant la
formule de foi qu'on leur préfentoit.

IX.

XLII.

Cependant comme le roi de Navarre & le prince de Condé perféveroient dans la religion Sujets d'indes Proteftans; Charles IX. pour les intimider, quiétude du fe fit apporter des armes le . de Septembre, af- roi Charles fembla fes capitaines des gardes, & jura qu'il De Thou loavoit réfolu d'exterminer le refte des Proteftans, 'so fup. cit. en commençant par le prince de Condé, en lib. 3. fuite par le roi de Navarre, & ordonna à fes capitaines de fe tenir prêts pour l'exécution: Mais la reine fa femme, princeffe prudente & fage, & qui avoit beaucoup de crédit fur fon elprit, lui aiant repréfenté qu'il ne devoit rien faire dans une chofe fi impor ante, fans confulter fes confeillers, il quitta les armes, & fit retirer les officiers.

Le lendemain il manda le roi de Navarre & le prince de Condé, les fit entrer dans fon cabi

G 4

net,

XLIII. Remon. trances qu'il

co fun.

Dupleix, hift. de Fr. . 3. pag.

net, & leur repréfenta de nouveau, que les AN. 1572 troubles & les révoltes de fon roïaume ne vefait au roi de Navarre noient que des divisions que caufoient les nou&au prince velles erreurs; que les malheurs que l'héréfie de Condé. avoit fait naître, étant des preuves évidentes De Thou lo- des impiétez qu'elle enfeignoit, il étoit dans la réfolution d'en extirper le principe, en ne permettant point d'autre exercice de religion, que celui de la Catholique fondée fur l'écriture fainte, autorifée sur les traditions apoftoliques, confirmée par des miracles fans nombre, & établie fur la fucceffion des pontifes Romains depuis faint Pierre que lorsqu'il avoit fait mettre à mort l'amiral & fes complices, il avoit eu fes raifons pour ne pas obferver dans cette occafion les formalitez de la juftice, aufquelles un monarque, dit-il, n'eft point oblige, furtout contre des perfonnes qui avoient fi fouvent conspiré contre l'état & contre la perfonne facrée des rois: il ajouta, que quoiqu'ils fuffent coupables eux-mêmes de la derniere rébellion, il leur pardonnoit volontiers, en confideration de leur naiffance; mais que fe croïant obligé de procu rer le falut de leurs ames, il n'avoit que trois chofes à leur propofer, ou la meffe, ou la mort, ou une prifon perpetuelle, qu'il leur en laiffoit le choix & qu'ils euffent à fe déterminer fur le champ.

XLIV.

du roi de

Navarre &

Condé au

roi.

Le roi de Navarre répondit modeftement au Réponses roi, que la religion n'étant pas une chofe indifferente, il alloit travailler à se faire inftruire, & du prince de qu'on feroit content de fa docilité. La réponse du prince de Condé ne fut pas tout à fait fi moderée: il dit au roi, qu'aïant été élevé & nourri dans la religion de fon pere, & la croiant hift. 1. 53. la meilleure, il fupplioit fa majefté de ne lui faire là-deffus aucune violence; que des trois chofes qu'elle lui avoit propofées, il fe garderait bien de choisir la premiere; mais que le roi

De Thon

étoit le maître du choix des deux autres, & qu'il trouveroit toujours en lui toute l'obéïflance qu'il pouvoit fouhaiter dans un fujet très-fi déle.

AN. 1572

converfion

Sur cette réponse, le roi tâcha de faire convaincre les deux princes de la verité de la religion catholique, & il fit tenir fur ce fujet une conférence par le miniftre Sureau du Rofier, qui venoit d'abjurer fes erreurs. La conférence XLV. fe tint en préfence du roi de Navarre, de Ca. Le mini therine de Bourbon fa foeur, du prince de Con-fier & le pe ftre du Ro dé, de Marie de Cleves fa femme, & de Fran-re Maldo çoife d'Orleans fa belle-mere, qui tous avoientnat, travail déja eu plufieurs entretiens fur la même matière lent à la avec le pere Maldonat Jefuite. Du Rofier parla des deux. avec tant de folidité & d'éloquence, que le roi princess de Navarre & les princeffes deja fort ébranlez De Thos par les menaces de Charles IX. acheverent de fehift. lib. 3 déterminer pour la religion Catholique. Mais. 836. édits le prince de Condé qui n'avoit pas paru fatisfait Genev. Anni de cette conférence publique, tirant du Rofier à 1616. part, lui demanda s'il étoit perfuadé de tout ce qu'il venoit de dire, ou fi ce n'étoit point la crainte qui l'eût fait parler contre fes propres fentimens. Le miniftre répondit, qu'il étoit affuré de ce qu'il avoit dit, qu'il le penfoit de: même, & fortifia de nouveau plufieurs des rais fons qu'il avoit apportées dans la conférence.. Le prince après l'avoir laiffe un peu parler, lui dit: Si les chofes que j'ai apprifes dès ma jeu neffe dans vos écoles étoient, véritables, je les foutiendrois avec fermeté aux dépens même dé: ma vie: mais fi j'ai erré, & fi je me fuis trom pé, il faut quitter mon erreur, & me rendre à la verité: & depuis ce tems-là ce prince parut chancelant, & fe détermina enfin à abjurer les Calvinisme entre les mains du cardinal de Bour-bon:

La cour fut fi fatisfaite da zéle & de l'habi
G5

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »