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merent des flambeaux d'une efpece de réfine, pour le précautionner contre des Chauve-fouris, qu'ils nomment Andiras, lefquelles font d'une grandeur énorme, fe jettent fur les Voïageurs, qui n'ont pas pris cette précaution; qu'ils mirent deux jours à le remonter, & qu'après en être fortis, & avoir continué quelque tems la même route, ils fe trouverent à l'entrée d'un Lac, dont on ne voïoit point l'autre bord; qu'ils n'allerent pas plus loin, & retournerent chez eux par la même route qu'ils avoient fuivie en venant jufques-là. Quoi qu'il en foit de ce récit, le Para- Etendue du Paraguay. guay, depuis la fortie du Lac des Xarayès, après avoir groffi fes eaux de celles de plufieurs Rivieres, dont quelques-unes font affez grandes, fe joint par les vingt-fept degrés avec un autre Fleuve, qui coule prefque parallelement avec lui, après avoir tourné de l'Eft à l'Oueft, & coulé longtems au Nord-Eft, & auquel fa largeur a fair donner le nom de Parana, qui fignifie Mer. Après cette jonction, le Paraguay, plus profond, mais moins large tourne droit au Sud jufqu'aux trente-quatre degrés, où il reçoit une grande Rivière, laquelle vient du Nord-Est, & porte le nom d'Uruguay. Il coule à l'Eft-Nord-Eft jufqu'à la Mer, ou il fe décharge par les trente-cinq degrés fous le nom de Rio de la Plata. Ce nom fe donne même affez communément au Parana, depuis fa jonction avec le Paraguay; & lorfque tout le cours du Fleuve ne faifoit qu'une Province, elle portoit le même nom. Mais fi par un effet de l'ufa

Sa divifion

fage, dont on feroit fouvent bien embar raflé à donner la raifon, le Paraguay a perdu, non-feulement fon propre nom,

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én mêlant fes eaux avec celles du Parana mais encore celui de Riviere d'argent, qui lui avoit été donné fur une erreur, avant cette jonction, comme nous le dirons bientôt, il en a été bien dédommagé par un autre ufage, qui s'eft introduit fans qu'on en fache trop la raison, de comprendre fous le nom de Paraguay cette immenfe étendue de Païs, qui n'a point d'autres bornes, au Nord, que le Lac des Xarayès, la Province de Santa Cruz de la Sierra, & celle des Charcas, où même les Jéfuites de la Province de Paraguay ont un Collége & une grande Miffion (1); au Midi, que le détroit de Magellan; à l'Orient, que le Brefil, & à l'Occident, que le Pérou & le Chili.

Ce vafte Païs contient, outre le Chaco, & fa nature. qui en eft le centre & qui n'eft pas encore conquis, le Lac des Xarayès, les Provinces de Santa Cruz & des Charcas avec le Tucuman, à l'Occident; tout le cours du Paraguay & de Rio de la Plata à l'Orient, & au Sud tout le refte du Continent, qui s'étend jufqu'au Détroit de Magellan, où les Jéfuites ont, dans ces derniers tems, commencé à établir quelques Miffions. On peut bien croire que dans un Païs fi vaste, arrofe d'un nombre infini de rivieres, couvert de forêts immenfes & de

(1) Le College de Tarija dans la Province des Charcas, & les Miffions

longues chaînes de

des Chiquites dans celle de Santa-Cruz de la Sies ra,

Montagnes, la plupart fort hautes, & dont quelques-unes s'élevent jufqu'aux nues; où toutes les Terres baffes font fujettes à des inondations, qui par leur étendue & leur durée passent tout ce qu'on voit ailleurs en ce genre; où l'on rencontre partout des Lagunes & des Marais, dont les eaux croupiffantes ne peuvent manquer de corrompre beaucoup l'air; enfin où les Terres défrichées & cultivées ne font rien en comparaifon de celles, qui ne le font pas; on peut bien croire, dis-je, qu'il doit y avoir une grande varieté de climats, & beaucoup de diverfité dans le caractere & les mœurs de fes Habitans.

Ce qu'on peut dire en général de ces Peuples, c'eft qu'ils ont tous le teint olivâtre, mais inégalement ; que pour l'ordinaire leur taille eft plus communément audeffous qu'au-deffus de la médiocre, mais qu'il n'eft point rare d'en trouver de la plus haute; que la plupart ont les jambes & les jointures affez groffes, le vifage arrondi & un peu plat ; que prefque partout les Hommes, & les Enfans mêmes, principalement dans les Païs chauds, vont tout nus & que les Femmes ne font couvertes qu'autant que la pudeur la moins févere l'exige; que chaque Nation a fa maniere de fe parer, ou plutôt de fe défigurer, fouvent d'une maniere qui leur donne un air affreux; qu'il y en a cependant, qui dans quelques occafions fe font des bonnets & d'autres ajuftemens, des plus belles plumes d'oifeaux; que prefque toutes font naturellement ftupides, féroces, inconftantes

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Idée géné rale de fes ha

bitans.

Pais

perfides, anthropophages, extrêmement vo races, adonnées à l'ivrognerie, fans prévoiance & fans précaution, même pour les befoins de la vie ; d'une pareffe & d'une indolence, qui paffent tout ce qu'on en peut dire ; qu'à la réferve de quelques-unes, que l'amour du brigandage, ou la paffion de fe venger de leurs Ennemis, ont rendues furieufes plutôt que braves, prefque toutes font lâches, & que celles, qui ont confervé leur liberté, ne la doivent qu'aux retraites inacceffibles, où elles font cantonnées.

Richeffes Les premiers Caftillans, qui entrerent Mines du dans le Paraguay, ne doutoient point qu'il ne s'y trouvât de grandes richeffes. Ils ne pouvoient croire qu'un Païs fi voifin du Pérou ne renfermât point bien des Mines d'or & d'argent ; & quoiqu'on eut bientôt découvert l'erreur qui avoit confirmé cette opinion, & dont je parlerai dans la fuite, plus d'un fiecle après on parloit encore du Paraguay, comme d'un Païs abondant en Mines. On en peut juger par le titre d'Argentina, que Dom Martin del Barco a donné à fon Ouvrage, comme fi tout le Païs n'eût été qu'une grande M ne d'argent. Voici ce qu'en écrivoit au Roi Catholique Dom Pedro Eftevan Davila, Gouverneur de Rio de la Plata, en 1637 (1). » La fertilité & l'abondance, qu'on fe promet de trouver dans ces Provinces (2), font particulierement fondées fur ce qu'on

(a) Le P. Antoine Ruiz

de Montoya: Conquista *affiritual ċ. Fol. 98.

(2) Il s'agiffoit particulierement ici de la Province du Guayra..

croit qu'elles renferment des Métaux & d'autres chofes précieufes. J'en ai informé fort au long Votre Majefté, & lui en ai envoïé les pieces autentiques, que je fais certainement avoir été dépofées au Greffe du Confeil roïal des Indes. On avoit quelques notions confufes » de ces tréfors, dès le tems du Gouverneur Dom Ruiz Diaz Melgarejo, qui a » fondé la ville de Villarica; mais après bien des diligences pour en avoir des connoiffances plus diftinctes, on a re» connu que tout ce qu'on en avoit publié » étoit incertain. En dernier lieu, Manuel de Frias, gendre de Dom Ruiz, & qui » fut le premier Gouverneur du Paraguay, lorfqu'on partagea en deux le Gouverne»ment, s'étoit engagé à V. M. de décou>> vrir ces Métaux, dont il fe croioit affuré; j'ai appris, de Perfonnes dignes de » foi, qu'il fit pour cela les plus grandes diligences; mais que toutes les recherches furent inutiles. J'en ai envoïé tous » les Procès verbaux à V. M. ; & je fais à » n'en pouvoir douter, qu'ils font au

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Greffe du Confeil roïal des Indes. Deux raifons me font juger qu'il n'y a aucun fond à faire fur tous ces Actes; la premiere eft que les fufdits Gouverneurs n'ont rien négligé pour découvrir ces Mines; la feconde, que tous les Té» moins, qui avoient dépofé en leur faveur, étoient gens paffionnés contre la » Compagnie de Jefus, & d'ailleurs n'avoient pas les qualités néceffaires pour dreffer des informations, telles qu'il

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