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Tuite deffus, & les ont bientôt domptés. Il y a beaucoup de Mulets au Paraguay, & les Mules font d'une grande reffource dans un Païs, où il y a peu de chemins fraïés, beaucoup à monter & à defcendre, & fouvent de très mauvais pas à franchir.

Herbe de

Mais la plus grande richeffe des Efpagnols & des Indiens, de ceux furtout Paraguay. que Les Jéfuites ont réunis en Bourgades, a long-tems été dans ces Provinces, & pour plufieurs eft encore, l'Herbe de Paraguay. On prétend que le débit en fut d'abord fi grand, & enrichit tant de perfonnes, que fe luxe s'introduifit bientôt parmi ceuxmêmes qui s'y étoient trouvés réduits au pur néceffaire. Pour foutenir ce luxe, qui va toujours croiffant, comme le feu, & ne s'arrête que quand la matiere lui manque, il fallut avoir recours aux Indiens, qu'on avoit affujettis, ou qui s'étoient volontairement foumis aux Efpagnols: on en fit des Domeftiques & bientôt des Efclaves. Mais comme on ne les ménagea point, plufieurs fuccomberent fous le poids, d'un travail auquel ils n'étoient point accoutumés, & des mauvais traitemens, dont on puniffoit l'épuifement de leurs forces plutôt que leur pareffe: d'autres prirent la fuite, & devinrent les plus irréconciliables Ennemis des Efpagnols. Par-là un grand

nombre de ceux-ci retomberent dans leur premiere indigence, & n'en font pas devenus plus laborieux. Le luxe avoit multiplié leurs befoins, & ils ne purent y fuffire avec la feule Herbe de Paraguay; la plupart même n'avoient pas de quoi en acheter,

Ses différen

parceque la grande confommation en avoit augmenté le prix.

On connoît peu en France cette Herbe fr tes efpeces. célebre dans l'Amérique méridionale & en Efpagne. C'eft la feuille d'un arbre de la grandeur d'un Pommier moïen; fon goût approche de celui de la Mauve, & quand elle a toute fa grandeur, elle a à-peu-près la figure de celle de l'Oranger. Elle ref femble auffi un peu à celle de la Coca du Pérou; mais elle eft plus eftimée au Pérou même, où l'on en tranfporte beaucoup, principalement dans les Montagnes, & partout où l'on travaille aux Mines. Les Efpagnols l'y croient d'autant plus néceffaire, que l'ufage du vin y eft pernicieux. On l'y porte feche & prefque réduite er pouffiere, & on ne l'y laiffe pas infuser long-tems, parcequ'elle rendroit l'eau noi re comme de l'encre. On en diftingue come munément deux efpeces, quoique ce foir: toujours la même feuille. La premiere fe nomme Caa ou Caamini, & la feconde, Caacuys ou Yerva de Palos; mais le P. del Techo prétend que le nom générique eft Caa, & en diftingue trois efpeces, fous les noms de Caacuys, de Caamini & de Caaguazu.

Selon cet Auteur, qui a paffé la plus grande partie de fa vie au Paraguay, le Caacuys eft le premier bouton qui commence à-peine à déploïer fes feuilles; le Caamini eft la feuille qui a toute fa grandeur, & dont ont tire les côtes avant que de la faire griller; fi on les y laiffe, on l'appelle Caaguazu ou Palos. Les feuilles

qu'on a grillées, fe confervent dans des foffes creufées en terre, & couvertes d'une peau de Vache. Le Caacuys ne peut fe conferver auffi long-tems que les deux autres efpeces, dont on tranfporte les feuilles au Tucuman, au Pérou & en Efpagne, le Caacuys ne pouvant fouffrir le tranfport. Il est même certain que cette herbe, prise fur les lieux, a une amertume qu'elle n'a point ailleurs, & qui augmente la vertu & fon prix. La maniere de prendre le Caacuys eft de remplir un vase, d'eau bouillante, & d'y jetter la feuille pulverifée & réduite en pâte. A mefure qu'elle s'y diffout, s'il y eft refté un peu de terre, elle furnâge, & on l'écume. On paffe enfuite l'eau dans un linge, & après l'avoir un peu laissé repofer, on le prend avec un chalumeau. Ordinairement on n'y met point de fucre mais un peu de jus de citron, ou certaines paftilles qui ont une odeur fort douce. Quand on le prend pour vomitif, on y jette un peu plus d'eau, & on le laiffe tiédir.

La grande fabrique de cette Herbe eft à la Villa, ou la nouvelle Villarica, laquelle eft voifine des Montagnes de Maracayu, fituées à l'Orient du Paraguay, par les vingt-cinq degrés & environ vingt-cinq minutes de latitude auftrale. Ce Canton eft le meilleur de tous pour la culture de l'Arbre; mais ce n'eft point fur les Montagnes mêmes qu'il y croît, c'eft dans les fonds marécageux qui les féparent. On en tire quelquefois pour le feul Pérou jufqu'à cent mille Arrobes de vingt-cinq livres feize one

Propriétés

tribue.

ces, & le prix de l'Arrobe eft de fept écus de notre Monnoie. Cependant le Caacuys n'a point de prix fixe, & le Caamini fe vend le double du Palos. Les Indiens qui font établis dans les Provinces de l'Uruguay & du Parana, fous la conduite des Jéfuites, ont femé des graines de l'Arbre, qu'ils ont apportées de Maracayu, & elles n'y ont point, ou y ont peu, dégénéré. Ces graines reffemblent à celles du Lierre ; mais ces nouveaux Chrétiens n'en font point de la premiere efpece, ils gardent le Ĉaamini pour leur ufage, & vendent le Palos pour païer le tribut qu'ils doivent au Roi Catholique, & pour acheter les chofes dont ils ont befoin.

Les Espagnols prétendent avoir dans qu'on lui at- cette Herbe un remede, ou un préservatif, contre prefque tous leurs maux. On ne peut du moins difconvenir qu'elle ne foit fort apéritive & diurétique. On affure que dans les commencemens quelques-uns en aïant pris avec excès, elle leur caufa une aliénation totale des fens, qui duroit plufieurs jours; mais ce qu'elle a de plus fingulier eft qu'elle produit fouvent des effets tout contraires, comme de procurer le fommeil à ceux qui font fujets aux infomnies, & de réveiller ceux qui font tombés en léthargie, d'être nourriffante & de purger. L'habitude d'en ufer fait qu'on ne peut plus s'en paffer, & qu'on a de la peine à en prendre modérément ; quoique, prife avec excès elle enivre, & caufe la plupart des incommodités, qui font le fruit des liqueurs les plus fortes,

du Coton & du Chanvre

On trouve prefque partout, dans les Fo- Des Abeilles rêts de ces Provinces, des Abeilles, qui font leurs ruches dans le creux des arbres, & on en compte jufqu'à dix efpeces différentes. La plus eftimée, pour la blancheur de la cire, mais qui eft affez rare, fe nomme Opemus. Le miel en eft auffi plus délicat. Le Coton eft naturel au Païs, & l'arbre croît en buiffon, comme j'en ai vu dans la Louifiane. Il porte dès la premiere année, mais il faut le tailler tous les ans,

comme

la vigne. Il fleurit en Décembre & en Janvier, & fa fleur approche de la Tulippe jaune. Trois jours après qu'elle eft épanouie, elle fe fane & fe feche. Le bouton qu'elle renferme, a toute fa maturité au mois de Février, & il en fort une laine fort blanche & d'une bonne qualité. Les Indiens, dont je viens de parler, avoient commencé à femer du Chanvre, mais ils ont trouvé trop de difficulté à le mettre en état d'être filé, & la plupart y ont renoncé. Les Espagnols ont été plus conftans, & en font un affez grand ufage.

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des Contre

poifons,

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Outre le Maïz, le Manioc & les Patates, Du Vin, des que l'on cultive avec fuccès en plufieurs en-autres Fruits droits, & qui faifoient une bonne partie de de la Terre la nourriture ordinaire de ceux des Indiens des Poifons & qui cultivoient la terre on trouve dans ces › Pais plufieurs Fruits & des Simples inconnus' à l'Europe: j'en ferai connoître quelquesuns à mesure que l'occafion s'en présentera. Il y a furtout des Fruits, dont les Efpagnols font d'excellentes confitures. Quelques-uns y ont planté des vignes, qui n'ont pas également réuffi partout; mais à Rioja

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