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fut arrivé, il envoïa Onufre de Aguilar dé clarer à Garay que Santafé étoit de fon Gouvernement, & le fommer de le reconnoître pour fon Gouverneur & Capitaine général. Aguilar fit cette fommation dans les formes juridiques, non-seulement à Garay, mais encore aux Habitans de fa nouvelle Ville; mais il lui fut répondu que Santafé avoit été fondée par l'ordre de celui qui commandoit à l'Affomption, & de ceux qui compofoient le Confeil de la Province de Rio de la Plata, & que c'étoit à eux qu'il falloit que le Gouverneur du Tucuman s'adreffat pour expofer fes droits. Sur ces entrefaites, trois Canots remplis d'Indiens arriverent à Santafé, & rendirent à Garay une Lettre de l'Adelantade Dom Jean Ortiz de Zaraté, datée du Port de Saint-Gabriel. Ce Général, qui venoit d'apprendre, en Gouverneur arrivant à l'embouchure de Rio de la Plata, de Rio de la la fondation de cette Ville, lui marquoit

Arrivée d'un

Plata.

qu'il avoit un preffant befoin de vivres, & d'un fecours d'Hommes, pour écarter les Charuas, qui ne lui permettoient pas d'envoier faire des Provifions dans le Continent. Il le nommoit par la même Lettre son Lieutenant de Roi, & en qualité d'Adelantade, Chef de la Juftice de Santafé. Il y avoit joint des Copies de fes Provifions, & de quelques Cédules roïales, qui ne contenoient guere que la confirmation de fes Provifions, Aguilar étoit encore à Santafé, lorfque ces Pieces y arriverent; Garay les lui montra, il n'eut rien à y répliquer, & reprit le chemin de Cordoue.

Jufqu'ici nous n'avons pas eu encore oc-;

cafion dans cette Hiftoire de parler du Tucuman; mais il n'eft pas poffible d'aller plus avant, fans y faire entrer tout ce qui s'eft paffé dans cette Province, & même dans le Chaco, qui la fépare en bien de. endroits de ce qu'on appelloit alors la Province de Rio de la Plata, laquelle nous a uniquement occupé jufqu'ici. Pour mieux faire comprendre cette néceffité, & pour donner plus de jour à tout ce que je ferai obligé de dire de ces deux Provinces, j'ai cru devoir commencer par bien faire connoître leur étendue, leur fituation, leurs Habitans naturels, de quelle maniere les Efpagnols fe font établis dans la premiere, & ce qu'elles ont l'une & l'autre de plus fingulier.

Le Tucuman eft borné à l'Orient par le Chaco, pris dans l'étendue, que donne à ce Pais le feul Hiftorien qui nous l'a fait connoître (1); il l'eft à l'Occident par la Province de Cuyo, qui dépend du Chili & par les Montagnes du Pérou; au Nord & au Nord-Ouest, par la Province des Charcas; au Nord-Eft, par celle de Santa-Cruz de la Sierra; & il est tout entier renfermé entre les vingt-trois & les trente-deux dégrés de latitude auftrale. Ce qu'il y a de plus fingulier, c'eft que plus on y approche du Tropique, & plus il y fait froid: ce qui vient de ce que toute la partie du Nord n'eft pas éloignée de plufieurs chaînes de Montagnes, dont quelques-unes font fort hautes. Sa figure approche de celle d'un

(1) Le Pere Pierre Loçano, Jéfuite. Relacion Chorographica del Gran Chaco.

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$ Anima

Etendue & fituation du Tucuman.

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Ses Habitans.

cône, dont la pointe eft fous le Tropique ; fa bafe peut avoir environ foixante lieues, de l'Orient à l'Occident: fon nom eft celui de la premiere Nation, qu'on y a connue en venant du Pérou.

La plupart de celles, qui font plus avancées vers le Nord, habitent dans des Marais, où leur nourriture la plus ordinaire eft le Poiffon. Les plus Méridionales font errantes dans de vaftes Campagnes, où la chaffe leur fournit le néceffaire pour la vie. On a publié qu'on y avoit vû des fquelettes d'Hommes, qui avoient plus de vingt pieds de long; mais ce n'eft pas le feul Roman, qui ait eu cours fur ces Quartiers reculés de l'Amérique méridionale. On a débité la même chofe des Peuples voifins du Détroit de Magellan, & qui font connus dans un grand nombre de Relations, fous le nom de Patagons. Nous verrons dans la fuite de cette Hiftoire, que tout cela étoit avancé fans prefque aucun fondement. Dans le milieu des Terres du Tucuman, fes Hommes font communément plus petits & plus ftupides, auffi pareffeux & auffi féroces, que f'étoient ceux qu'on a trouvés dans les Vallées de la Cordilliere du Pérou. Il y a des Nations, qui n'ont point d'autres retraites que des Grottes creufées fous terre où l'on ne voit prefque jamais la lumiere du jour. Les plus voifines du Pérou & de la Province des Charcas, ne font pas auffi dénuées que les autres des commodités de la vie, & font réunies dans des Bourgades. Il y en a même qui ont du cuivre & de l'argent, qu'elles tirent de la Province des

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Charcas, où eft le Potofi; mais dont elles paroiffent faire affez peu de cas.

à

1573.

Il y a dans le Tucuman des Brebis, Des Animaux dont on fe fert comme des Bêtes de charge; elles font de la grandeur d'un petit Chameau, & ont une grande force de reins. Leur laine est très fine, & on en fait des étoffes, qu'on croiroit être de foie. Les Lions & les Tigres y font affez communs; mais les premiers y font petits & peu craindre. Les feconds ne font nulle part ailleurs auffi grands & auffi féroces. J'ai déja obfervé cette différence entre ces deux efpeces d'Animaux, en parlant du Païs qu'arrofent le Paraguay & Rio de la Plata; & cela paroît général dans toute cette partie du Continent de l'Amérique Méridionale. Les Indiens font fortir les Tigres des Bois, en y mettant le feu ; & en tuent beaucoup avec leurs fleches, qu'ils tirent fort jufte; mais ils ont bien des mesures à prendre pour n'en être pas prévenus. Deux Rivieres principales traversent cette Province; l'une eft plus communément res, des Lacs, appellée Rio Salado, & l'autre, Rio Dolce. & de la fertiLa plus confiderable après celle-ci est Rio Tercero, dont nous avons déja parlé. Mais quoique les deux premieres reçoivent plufieurs petites Rivieres, elles n'ont, dans le tems des fechereffes, que par intervalles affez d'eau pour porter des Pirogues. Elles tirent l'une & l'autre leurs fources des Montagnes du Pérou, & changent affez fouvent de nom. Rio Salado fe décharge dans Rio de la Plata, & Rio Dolce fe perd dans des Lagunes, qu'on appelle Parangos. Il y

Des Rivie

lité du Tucu

man.

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Du Gouver

Tucuman.

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en a plufieurs autres, qui rentrent dans le
fein de la terre, comme elles en font for-
ties. La plupart même ont fi peu de cours
& fi peu d'eau, qu'on ne leur a pas

de

donné noms, du moins dans les Cartes. Pref que toutes en changent à chaque Bourgade qui fe trouve fur leur paffage. On rencontre dans les Forêts beaucoup de Fontaines, & prefque partout de petit Lacs, ou des Lagunes & des Marais, qui ne font jamais à fec. Toutes ces eaux ne peuvent manquer de rafraîchir beaucoup l'air & de fertilifer la terre. Auffi, quoique pendant fix mois de l'année il ne pleuve jamais au Tucuman, fes Campagnes, imbibées par les inondations & les débordemens que doivent caufer les pluies prefque continuelles pendant les fix autres mois, y produifent bien des fortes de Grains & de Légumes, quand elles font cultivées.

Le Tucuman étoit affez peuplé, lorfque nement & des les Efpagnols entrerent dans le Pérou ; & richeffes du les Nations les plus voifines de ce Roïaume étoient foumifes à l'Empire des Incas :d'autres avoient des Caciques, qui ne dépendoient de perfonne. Les Peuples, errans, étoient féparés par Familles, qui ne reconnoiffoient de, Maîtres, que ceux qui en étoient les Chefs. Entre Rio Dolce & Rio Salado on peut recueillir beaucoup de Miel & de Cire: les Forêts y font pleines de Ruches. Le Coton, le Carouge, la Cochenille & le Paftel s'y trouvent en bien des endroits. Le Carouge y dure toute l'année, & quelques Nations en font leur nourriture ordinaire. Mais la principale richeffe de cette,

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