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Autres Ri

rivé fort indifpofé, n'eut pas plutôt fait ufage de fes eaux, qu'il recouvra une fanté parfaite, & en jouit fans aucune altération pendant ces deux Campagnes, quoiqu'il ne s'y fût nullement ménagé. C'est dans une Lagune, que forme cette Riviere fous le nom de Rio Grande, que l'on a pêché les perles dont j'ai parlé dans le premier Livre de cette Hiftoire.

La plupart des autres Rivieres du Chaco vieres duCha ont quelque chofe de remarquable. Il y en a une dont les eaux font vertes, & on l'appelle Rio verde, On ne fauroit dire d'où leur vient cette couleur , qui n'empêche point qu'elles ne foient fort faines, & agréables même à boire. Cette Riviere fe décharge dans le Paraguay, environ foixante lieues au-deffus de l'Affomption. On avoit bâti fur fes bords une Ville, qui portoit le nom de Nueva Rioja, mais elle n'a pas fubfifté long-tems. Une autre Riviere du Chaco, nommée Guayru, qui descend de la Cordilliere Chiriguane, & coule entre le Pilco Mayo & Rio Vermejo, mais que je ne trouve point marquée dans les Cartes, a fes eaux fort falées. Quelques-unes rentrent dans le fein de la Terre, comme je l'ai déja dit de celles du Tucuman. Climat & Il en fort un fi grand nombre de la Cordildu liere,qu'à la fonte des néges, dont elle eft couverte, & qui eft auffi la faifon des pluies elles fe débordent, & ne font plus, d'une partie du Chaco, qu'une vafte Mer; & que toute l'année il y refte quantité de Lagunes, qui fe trouvent remplies de Poiffons. Ces inondations font furtout fi grandes à la dé

fertilité

Chaco.

?

charge des Rivieres, qui tombent dans le
Paraguay & dans Rio de la Plata, & fou-
vent fi fubites, que les Habitans font obli-
gés de s'embarquer dans des Pirogues, ou
de
monter au haut des arbres, & d'y refter
jufqu'à ce que les eaux fe retirent, où qu'ils
trouvent quelqu'autre moïen de se mettre
en füreté.

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Mais ces inconvéniens font bien compenfés par les avantages qu'on retire de ces grandes crues d'eau ; car à-peine font-elles paffées, que les Plaines du Chaco font comme de grands parterres, qui, confidérées du haut des Montagnes forment un coup d'œil, que rien n'égale peut-être dans la Nature. Que feroit-ce, fi ce beau Païs étoit habité par des Peuples induftrieux, qui travaillaffent à corriger ce qu'il a de plus incommode, & fuffent tirer partie des avantages que la Nature y préfente? Mais ceux du Chaco fe contentent de remuer un peu la terre, quand elle eft découverte ; & il est vrai, qu'indépendamment même de ce leger travail, elle leur fournit de grandes reffources pour la vie; car elle produit d'excellens fruits en abondance, & la chaffe feule avec la pêche fuffiroit pour leur fubfiftance.

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Une partie de cette Province eft couverte Des Forêts de vastes Forêts, dont quelques-unes n'ont & de la température de point d'autre eau, que celle qu'on trouve l'air, & des dans les creux des Arbres, qui font comme arbres. autant de réservoirs d'une eau très clairé, & très bonne à boire. Les chaleurs devroient naturellement y être excessives d'autant plus que la température de l'air y

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Des Simples.

tient beaucoup du chaud & du fec; mais le vent de Sud, qui y fouffle régulierement tous les jours, le rafraîchit beaucoup. Dans les Parties méridionales il fait quelquefois des froids très durs & très piquans. Les Arbres que nous avons en Europe y font affez rares; mais on y en voit qui valent bien ce que nous avons de meilleur en ce genre.

que

Le long d'une petite Riviere, appellée Sinta, il y a des Cedres, qui furpaffent en hauteur tous ceux que nous connoiffons & du côté de l'ancienne Ville de Guadalcazar, qui n'a pas fubfifté long-tems, il y en a des Forêts entieres, dont les troncs ont plus de trois braffes de circonférence. Le Quinaquina y eft fort commun : c'est un grand Arbre, dont le bois eft rouge, de bonne odeur, & d'où découle une réfine odoriférante. Son fruit eft une feve plus groffe celle des autres Arbres de cette efpece, fort dure & médicinale. On y voit des Forêts entieres de Palmiers, de dix, de huit, & de douze lieues de long. Le cœur de ces Arbres, cuit avec la moelle, eft d'un très bon goût. Ceux qui croiffent le long du Pilco Mayo, font auffi hauts que les plus grands Cedres. Le Rival eft un Arbre tout hériffé d'épines affez larges & fort dures. Ses feuilles mâchées paffent pour être fouveraines contre tous les maux des yeux; fon fruit eft doux & agréable. Il y a deux efpeces de Gayac, dont la plus eftimée eft ce que les Efpagnols nomment Palo fanto.

Le nombre des Simples, qu'on a trouvés dans le Chaco, eft infini; & le Pere Locano

ne craint point d'avancer qu'on y a découvert des fpécifiques contre tous les maux. On pourroit peut-être dire fans exagération la même chofe de tous les Pais habités & habitables; car quelle difficulté y auroit-il à croire que l'Auteur de la Nature n'a refufé à aucun Climat les remedes fimples & na→→ turels, qui y font néceffaires : Ne voïonsnous point partout les Animaux, conduits par le feul inftinct, y avoir recours dans leurs befoins, & en ufer avec plus de fuccès que nous ; & il en eft de même des Indiens comme fi cet inftinet, qui conduit fi bien les Brutes, dans toutes les parties du Monde, venoit au fecours des Hommes qui n'ont point la reffource de l'art, ou que la néceffité les rendît plus attentifs à étudier la Nature, fur laquelle l'art doit toujours fonder fes principes & fes regles. Enfin, on fait au Chaco du pain & de très bonnes boiffons de plufieurs graines & autres fruits de la terre: mais les Indiens en abufent fouvent pour en faire des boiffons fortes, qui les jettent dans tous les excès, que l'ivrognerie entraîne avec elle.

Les Lions du Chaco ont le poil rouge & fort long. Ils font affez doux, & même si timides, qu'ils ont peur & s'enfuient quand ils entendent un Chien aboïer, & qu'ils fe laiffent prendre quand ils n'ont pas le tems de grimper fur un arbre. Les Tigres y font de la même grandeur & pour le moins auffi féroces que ceux du Tucuman; mais ils perdent toute leur force, quand ils font blessés au rable, dans la région des reins. Du reste, ils font auffi bons chaffeurs dans l'eau que

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Des Ani

maux.

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fur terre. Il y a dans cette Province des Sangliers de deux couleurs de gris & de noirs. Les Lievres les Cerfs, les Autruches, les Loups marins , y font comme dans les Provincesivoifines. Les Chevres noires & les rouges y font les mêmes que dans le Tucuman; on n'en voit de blanches, que le long du Pilco Mayo. On y compte fix efpeces d'Oies, & on y trouve des Volailles de toutes les fortes.

Ce que les Efpagnols appellent la grand'Bête eft l'Anta ou Danta, dont j'ai déja parlé; & il paroît, par ce que le Pere Loçano en dit, que celui du Chaco eft un peu différent de celui dont j'ai donné la defcription d'après le Pere de Montoya. Cet Animal, dit l'Hiftorien du Chaco, a le poil châtain & fort long, la tête d'un Cheval, les oreilles d'un Mulet, les levres d'un Veau, les pieds de devant fourchus en deux, & ceux de derriere en trois. Il a fur le mufeau une trompe, qu'il allonge quand il eft en colere ; fa queue eft courte, fes jambes déliées, fes dents font pointues; il a deux eftomacs, dont l'un lui fert de magafin, où l'on trouve quelquefois du bois pourri, & des pierres de Bezoar qu'on eftime des meilleures qui viennent de l'Amérique. Sa peau, durcie au Soleil & paffée en bufle, eft impénétrable aux coups de feu, & fa chair ne differe point de celle du Bœuf. La corne de fon pied gauche de devant a la même vertu, que celle qu'on attribue à celle de l'Elan, ou Orignal du Canada, & il en fait le même ufage dans les accès d'épilepfie, ou de quelqu'autre ma

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