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voient travailler avec plus de fuccès. Il envoïa à l'Affomption les Peres Barfena & Lorençana, & manda aux Peres Filds & de Ortega de refter parmi les Guaranis. Il deftina les Peres Angulo & Viana pour Santiago, & les Peres Agnafco & de Monroy pour une expédition chez les Omaguacas, Peuple établi fur les Frontieres du Tucuman & du Pérou. Pour lui, il ne fe fixa nulle part, voulant toujours être prêt à courir où le befoin feroit plus preffant.

1593.

Les Omaguacas étoient une Nation féro- Quels étoient ce, laquelle après avoir reçu l'Evangile, & les Omagua s'être foumife à la Couronne d'Espagne, cas. avoit renoncé à Jefus-Chrift, fecoué le joug des Rois Catholiques, maffacré fes Miffionnaires, fait main-baffe fur tout ce qu'elle avoit rencontré d'Espagnols, ruiné deux fois la Ville de Jujuy, & faifoit depuis trente ans de continuelles irruptions fur cette partie du Tucuman, qu'elle dépeuploit par fes brigandages. Pour oppofer une digue à ce Torrent, le Gouverneur de la Province commença par rétablir la Ville de Jujuy, & la mettre, autant qu'il feroit poffible, hors d'infulte : il en donna la commiffion à Dom François Arganarez, qui s'en acquitta très bien, fe mit enfuite en campagne, fe fit craindre à fon tour des Omaguacas, les difpofa à recevoir des Miffionnaires, quand on jugeroit à propos de leur en envoïer, & rendit la tranquillité à la Province, non-feulement de ce coté-là, mais encore de celui du Chaco.

Ilfe paffa enfuite deux ans avant qu'on put avec prudence permettre aux deux Mif

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Jujuy réta bli Four troisieme fois

1593.

Barfena & Lo

fionnaires deftinés à ramener ces Indiens au culte du vrai Dieu, de fe livrer à leur Les Peres difcrétion : pendant cet intervalle on fut rençana re- obligé d'occuper ailleurs le Pere Agnafco. montent le D'autre part, les Peres Barfera & LorenParaguay. çana étoient à-peine arrivés à l'Afsomption, qu'ils s'embarquerent fur le Paraguay, dans le deffein de remonter ce Fleuve, & d'établir une Miffion le plus loin qu'ils pourroient au Nord. Ils emploïerent quatre mois dans ce voïage, & ils furent fi contents de la docilité des Peuples qu'il vifiterent, que quoi qu'ils fuffent revenus à la Capitale, épuifés de maladies & de fatigues, ils en feroient repartis fur le champ pour aller achever ce qu'ils avoient fi heureufement commencé, fi le Pere Romero qu'ils y trouverent, ne s'y étoit pas oppofé.

Fondation

Le defir de s'inftruire par lui-même des du College de fervices qu'on pouvoit rendre à la Religion l'Affomption dans la Province de Rio de la Plata, y avoir

conduit le Supérieur; & fon deffein n'étoit pas d'y faire un long féjour : mais il y trouva tant d'occupation, qu'il fut contraint d'y refter beaucoup plus qu'il ne s'y étoit attendu, & il n'eut pas lieu de regretter le tems qu'il y paffa. Tout ce qu'il entreprit pour le falut des Ames lui réuffit bien au-delà de fes efpérances; & ce qui lui attira davantage les applaudiffemens de toute la Ville, fut le bonheur qu'il eut de reconcilier le Clergé avec le Vicaire général qui gouvernoit le Diocèfe pendant la vacance du Siége Epifcopal, & dont la méfintelligence étoit fur le point d'en venir à une rupture fcandaleufe. Il fit enfuite quelques

excurfions dans les Bourgades des Guaranis les plus proches de la Ville, & il y gagna tellement l'affection de ces Indiens > qu'à fon retour à l'Affomption, chacun s'empreffa à lui donner des marques de la plus haute eftime, & de la confiance la plus fincere. Alors la Nobleffe & le Magiftrat, faifant réflexion que fix ou fept Religieux, qui avoient eu à-peine le tems de fe montrer dans ces Provinces, les avoient prefque rendues méconnoiffables, par rapport à la Religion & aux bonnes mœurs, & jugeant par-là qu'il n'y avoit rien, qu'on ne pût fe promettre de leur zele, & de l'afcendant que Dieu leur avoit donné fur les efprits, crurent que pour s'aflurer de ne jamais manquer d'Ouvriers fi eftimables, il falloit leur donner un établissement folide dans la Capitale.

Après qu'on en eut déliberé à leur infu, la réfolution fut prife d'en écrire au Roi, au Général de la Compagnie, & au Provincial du Pérou, pour obtenir un Collége de Jéfuites à l'Affomption, & des Sujets qui en puffent remplir les charges. On fit plus; car, comme on ne doutoit point que les réponses ne fuffent favorables, on commença par acheter, des deniers publics, un emplacement pour y établir une Maifon & une Eglife; & le Pere Romero, malgré fes répugnances pour un Etabliffement qu'il croïoit prématuré, ne put fe défendre de l'accepter, fous le bon plaifir de Sa Majesté Catholique & de fon Général. On mit auffitôt la main à l'oeuvre; tous voulurent y travailler, jufqu'aux Dames; on n'y épar

1593-%

*$94-95.

Etat de laRe

gna rien, quoi que le Supérieur pût faire pour moderer la dépenfe. On répondit à fes repréfentations, que c'étoit pour JefusChrift que l'on travailloit ; & par conféquent qu'on ne devoit pas craindre d'en faire trop. Enfin en 1595 la Maison fut achevée ; & quoique l'Eglife ne le fût pas encore, le Saint-Sacrement y fut placé d'u

ne maniere convenable & décente.

Ce qui attachoit furtout alors les Efpaligion dans gnols aux Jéfuites, étoit de voir avec quelle le Guayra. facilité ils manioient les efprits des Indiens les plus fauvages, & au milieu defquels on ne fe croïoit jamais bien en fûreté. Les Indiens de leur côté fe flattoient que les Efpagnols fe laifferoient perfuader, par des Hommes pour qui ils témoignoient tant d'eftime, de les traiter avec plus de douceur. L'intérêt de ceux-ci le demandoit, & l'expérience du paffé devoit les avoir convaincus qu'ils ne s'établiroient jamais folidement parmi tant de Nations jaloufes de leur liberté, qu'en leur faifant trouver des avantages réels dans la communication qu'on auroit avec eux. Mais un intérêt mal entendu leur fermoit les yeux fur cela, & ils commencerent même bientôt à ne plus regarder du même ceil ceux dont ils avoient fait de fi grands éloges, lefquels leur parurent s'intereffer trop vivement pour les Naturels du Païs; fans confidérer que c'étoit uniquement par cette conduite que ces Peres étoient venus à bout de faire en plus d'une occafion tomber les armes des mains à leurs plus dangereux Ennemis.

-Tandis que ces chofes fe paffoient dans

Succès du

chez les Oma

cette Province, le Pere de Monroy étoit enfin entré dans le Païs des Omaguacas 1594-95. avec un Frere Jésuite, nommé Jean de To- P.de Monroy lede. Ils furent affez bien reçus de ces Barbares, & n'eurent pas beaucoup de peine guacas. à s'en faire écouter. Cinq de leurs Bourgades demanderent même bientôt à être inftruites; & en très peu de tems fix cents perfonnes fe préfenterent pour recevoir le Baptême. Quelques Particuliers voulurent arrêter ce progrès; mais deux ou trois exemples de terreur, ménagés par la Providence fur les plus rebelles à la Grace, acheverent de lever tous les obftacles qu'on tâchoit d'oppofer à l'œuvre de Dieu; & le Miffionnaire , que fon Cathéchifte fecondoit fort bien, ne pouvoit plus fuffire au grand nombre d'Infideles qui vouloient être inftruits. Il ne reftoit plus, pour établir le regne de Jefus-Chrift fur cette Nation, que de réduire un de fes Chefs,nommé Piltipicon, lequel étoit furieux contre les Efpagnols, & leur avoit bien rendu au double tout le mal qu'il prétendoit en avoir reçu.

d'un de leurs

Il avoit été baptifé dans Ton enfance, Il entreprend mais il avoit fouillé la pureté de fon Bap-la converfion tême par tous les crimes, dont eft capable' Caciques : un Barbare livré à fes paffions, poffedé du belle action defir de fe venger de ceux qu'il regardoit du Millioncomme fes Tyrans, & animé par toute la naire. haine , que l'Ennemi du falut des Hommes peut infpirer pour la vraie Religion. Partout où fa fureur l'avoit conduit, il avoit maffacré les Prêtres, brûlé les Eglifes, & ravagé les Habitations Efpagnoles. Ce terible Cacique parut au Pere de Monroy une OY

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