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1516.

Premiere découverte du Paraguay.

Loups marins font fort communs en plu
fieurs endroits. Parmi les Poiffons, que
l'on pêche dans les Rivieres & dans les La-
gunes, il y en a un, qui est un vrai Pour-
ceau, excepté qu'il n'a point de dents; &
un Chien d'eau, qui aboie comme les
nôtres. Un Miffionnaire en apperçut un
jour un qui, aïant été percé d'une fleche
fe mit à aboïer, & dans le moment d'au-
tres vinrent le prendre, fur le bord de la
Riviere où il étoit, & le porterent à l'autre
bord.

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Tel eft en général ce grand Païs, que bien des gens regardent comme un des plus riches du nouveau Monde. La premiere découverte s'en fit en 1516, par Jean de Solis, grand Pilote de Caftille, & par un pur hazard. Solis étoit parti d'Espagne pour continuer celle du Brefil, commencée en 1500, par Vincent Yañes Pinfon, qui avoit accompagné Chriftophe Colomb à fon premier voïage, deux mois avant que les Portugais en euffent la moindre connoiffance. Le premier de Janvier 1516, il entra dans un Port formé par la décharge d'une Riviere, qu'il nomma Rio Genero (1), & en prit poffeffion au nom de la Couronne de Castille; comme avoit fait Pinson, feize ans auparavant, au Cap de S. Auguftin, qu'il avoit nommé Cap de Confolation. Solis continua enfuite à ran ger la Côte, & en la tournant fur la droite, ilfe trouva à l'entrée d'une Baie, où il

(1) C'est-à-dire, Ri- Rio Janeyro, qui fignifie viere de Janvier. Les la même chofe en leur Portugais la nomment langue,

remarqua que fe déchargeoit un grand Fleuve, auquel il donna fon nom; mais il n'ofa s'y engager bien avant avec fon Vaiffeau, parcequ'il y rencontra quantité de bancs, de rochers & d'autres écueils, fur lefquels il craignit de fe brifer. Cependant, comme il ne vouloit pas retourner en Efpagne fans avoir pris quelque connoilfance de ce Fleuve, il s'embarqua dans fa Chaloupe, cotoïa le bord occidental, & apperçut bientôt des Indiens, qui lui parurent l'inviter à les venir voir, en mettant à leurs piés tout ce qu'ils avoient comme pour le lui offrir.

1516.

tué &

Indiens.

Trompé par ces démonftrations équivo- Jean de So ques, il aborda fans prendre aucune pré- lis caution & avec peu de fuite, réfolu, dit- mangé par les on, d'enlever quelques-uns de ces gens-là, pour les mener en Espagne. Il ne fit pas même attention qu'à mesure qu'il avançoit, ces Barbares s'éloignoient, & ils l'attirerent ainfi jufqu'à un Bois, où ils entrerent, & où il les fuivit prefque feul. A-peine y étoit-il, qu'une grêle de fleches, décochées par des gens qu'il ne voïoit point, le renverfa mort, avec tous ceux qui le fuivoient. Les Indiens les dépouillerent enfuite, allumerent un grand feu hors du Bois, les y firent rotir & les mangerent à la vue de ceux, qui étoient reftés dans la Chaloupe, ou qui s'y réfugierent, & ils n'eurent point d'autre parti à prendre, que de regagner au plus vite leur Navire, & de prendre la route d'Efpagne. Telle fut la trifte destinée d'un homme, qui paffoit pour un des plus habiles Navigateurs de fon tems; mais qui,

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Portugais au

fort.

felon Herrera, n'avoit pas toute la pru 1516-25. dence néceffaire pour affurer le fuccès d'une Entreprise comme celle dont il étoit chargé. Le fort de quelques Portugais, qui Paraguay, & quelques années après entrerent dans le quel fut leur Paraguay par le Brefil, ne fut pas plus heureux. Sur le bruit, qui commençoit à se répandre partout, que les Efpagnols avoient trouvé de grandes richeffes dans le Pérou, Dom Martin de Sofa, Gouverneur & Capitaine général du Brefil, conçut le deffein de les partager avec eux. Ily envoïa un homme de confiance & de réfolution, nommé Alexis Garcia, lequel partit accompagné de fon Fils & de trois autres Portugais, & prit fa route à l'Occident. Arrivé fur le bord du Paraguay, il y trouva un grand nombre d'Indiens, dont il engagea, diton, mille à le fuivre. Il traverfa enfuite le Fleuve, pénétra jufqu'aux Frontieres du Pérou, y recueillit un peu d'or & beaucoup d'argent; & de retour à l'endroit du Fleuve d'où il étoit parti, il forma le projet d'y faire un Etabliffement, pour fervir d'entrepôt à ceux de fa Nation, qui voudroient profiter de fes découvertes. Dans cette vue il envoïa deux de fes gens pour informer fon Général du fuccès de fon voïage, & lui communiquer fon projet. Il les chargea de quelques lingots d'or & d'argent, & refta feul ou il étoit, avec fon Fils, qui étoit fort jeune, & un autre Portugais. A-peine les deux premiers étoient-ils partis, que les Indiens massacrerent Garcia & le Portugais, firent le jeune Garcia Efclave, & s'emparerent de tout le tréfor.

D'autres Por

tugais au Pa

raguay,

Cependant l'arrivée des deux Portugais 1516-25. au Brefil, avec la nouvelle & les preuves d'un chemin pratiquable pour aller au Pérou, y caufa une grande joie ; & foixante Portugais partirent fur le champ avec une trouppe de Brafiliens, fous la conduite de Georges Sedeño, pour aller joindre Garcia. Ils n'étoient pas encore arrivés à l'endroit, où ils comptoient de le trouver, qu'ils eurent de violens foupçons de la perfidie des Indiens. Ils commencerent à marcher avec plus de précaution: mais les Barbares n'étoient pas moins fur leurs gardes ; & au premier avis qu'ils eurent de l'approche des Portugais, ils travaillerent à leur couper les vivres, pour les obliger de retourner au Brefil.

dre

vinrent.

Trahifon

Sedeño ne fut pas long-tems à compren. Ce qu'ils de que pour avoir de quoi fubfifter dans ce Païs, il falloit fe battre, & il s'y prépara; des Indiens mais les Indiens le prévinrent, & tomberent de toutes parts fi brusquement fur lui à la faveur des Bois, qu'il n'eut pas même le tems de fe mettre en défenfe. Il fut taillé en piéces avec une bonne partie de fes Gens, & les autres fe fauverent du côté du Parana. Il leur falloit paffer ce Fleuve pour fe mettre en fûreté contre ceux qui les pourfuivoient, & des Indiens s'offrirent à leur rendre ce fervice. Leur offre fut acceptée, & les Portugais s'embarquerent fur des Pirogues qu'on leur préfenta. Elles étoient percées, & les trous fi bien bouchés, qu'ils ne s'apperçurent point du piege qu'on leur tendoit. A-peine étoient-ils au milieu du Courant, que leurs Conducteurs fauterent

dans l'eau, & regagnerent, à la nâge, le 1516-25. bord, d'où ils étoient partis. Ils remar

Sébastien

querent en même tems que l'eau entroit dans leurs Pirogues, & tandis qu'ils en cherchoient la caufe, les Pirogues coulerent à fond, & ils furent tous noiés.

Rien, ce femble, ne devoit engager, ni 1525. les Espagnols, ni les Portugais à vouloir Gabot traite s'établir dans un Païs, qu'ils ne connoifavec l'Empe foient que par des accidens fi tragiques; &

reur.

il eft certain qu'on ne penfoit à rien moins en Efpagne, qu'à profiter de la découverte de Solis, lorfqu'on y reçut des nouvelles, qui firent naître dans la Nation, quoique fur des fondemens affez légers, les plus grandes efpérances de tirer du Paraguay autant de richeffes, que de toute autre Partie de l'Amérique. Sébastien Gabot, ou Gabato, Vénitien, qui en 1496 avoit fait avec fon Pere & fes Freres la découverte de l'Ile de Terre-neuve, & d'une partie du Continent voifin, pour le Roi d'Angleterre, Henri VII, fe voïant négligé par les Anglois, trop occupés alors chez eux, pour fonger à s'établir dans le nouveau Monde, paffa en Espagne, où la réputation, qu'il avoit d'être fort habile Navigateur (1), lui fit obtenir l'emploi de grand Pilote de Caftille. Le fameux Navire la Victoire, le feul de l'Efcadre de Magellan, qui foit revenu en Espagne, & le premier qui ait fait le tour du Monde, avoit depuis peu rapporté des Epiceries, & d'autres Marchandifes précieufes des Moluques. Des Négocians de Seville engagerent Gabot à

(1) Herrera, troifieme Décade, Liv. 9. Chap. 3.

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