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conduire une Flotte, dont ils feroient les Frais; & il y confentit: mais comme il ne vouloit pas être précisément au service d'une Compagnie de Commerce, il voulut avoir une Commiffion de l'Empereur; & s'étant rendu à Madrid, il fit avec Charles V un Traité, qui fut figné le quatrieme de Mars 1525.

Il portoit en fubftance (1), que Gabor commanderoit une Efcadre de quatre Vaiffeaux, en qualité de Capitaine général, & que Martin Mendez, qui avoit été Tréforier de l'Efcadre de Magellan, & qui étoit revenu fur la Victoire, feroit fon Lieutenant; qu'il pafferoit le Détroit, fe rendroit enfuite aux Moluques, d'où il iroit faire la découverte de Tharfis, d'Ophir & de Cipango, qu'on croïoit alors être le Japon; qu'il y chargeroit fes Navires, d'or, d'argent, & de tout ce que ces Païs ont de plus précieux. C'étoit lui-même qui avoit propofé ce projet à l'Empereur; mais quelque affurance qu'il témoignât d'effectuer de fi grandes promeffes, les Armateurs de Seville fe repentirent dès-lors du choix qu'ils avoient fait de lui, pour commander leurs Vaiffeaux, d'autant plus qu'ils ne tarderent pas à s'appercevoir d'un commencement de méfintelligence entre lui & Mendez, en qui ils avoient leur principale confiance. Ils firent même déclarer à l'Empereur, par l'Agent qu'ils avoient en Cour, que fi on n'étoit pas fi preffé de faire partir l'Efcadre, ils fupplieroient Sa Majefté de lui

1) Herrera, ibid,

15259

1526.

Son départ ; il entre dans

la Baie deRio de la Plata.

Largeur & in

donner un autre Commandant, que re grand Pilote.

Cette déclaration ne fervit de rien ; Gabot mit à la voile le premier d'Avril 1526, après avoir augmenté fon Escadre d'un cinquieme Vaiffeau, qu'un Particulier avoit freté à fes dépens. Herrera dit qu'il ne fe comporta dans ce voïage, ni en Capitaine, ni en habile Homme de Mer; que les vivres lu; manquerent bientôt, faute d'œconomie; qu'il ne ménagea nullement ceux qui ne lui plaifoient pas; qu'étant arrivé fans qu'il lui reftât aucunes provisions, l'Ile des Oies (1), qui n'eft pas éloignée du Cap de S. Auguftin dans le Brefil, les Habitans le reçurent bien & ravitaillerent fes Vaiffeaux, & qu'il ne païa ce bon office, que de la plus noire ingratitude, en embarquant quelques Enfans des Principaux de l'Ile, malgré leurs Parens; enfin, qu'étant arrivé à l'entrée de la Baie, où fe décharge ce qu'on appelloit alors Rio de Solis, il réfolut de n'aller pas plus loin, tant parcequ'il n'avoit pas affez de vivres, pour paffer le Détroit de Magellan, que parceque fes Equipages commençoient à fe mutiner; & qu'après avoir dégradé dans une Ile déferte Martin Mendez, François de Rojas, & Michel de Rodas qui blâmoient fort librement fa conduite, il prit le parti de bien reconnoître la Baie où il fe trouvoit.

Je dis la Baie, parcequ'il ne paroît pas commodité à bien des gens, qu'on doive marquer de la Baie où l'embouchure du Fleuve, au Cap de Sainte fe décharge Rio de la Pla- (1) Illa de Patos.

Marie, où la terre commence à tourner du Sud-Ouest à l'Oueft, ni au Cap de S. Antoine, qui en eft éloigné de quarante-cinq lieues communes d'Espagne, c'eft-à-dire, de toute la largeur de l'entrée de la Baie; mais qu'il faut fuivre le fentiment de ceux, qui la mettent à la Puerta de la Piedra vis-à-vis de Montevideo, à plus de cinquante lieues du Cap de S. Antoine. Je ne contefterai pourtant point avec les Géographes Efpagnols, qui veulent que Rio de la Plata ait, à fon embouchure, près de cinquante lieues de large. Il n'eft point douteux que ce Fleuve ne foit un des plus grands, que l'on connoiffe au Monde; mais il en eft peu, dont l'entrée foit plus difficile, où les Vaiffeaux courent de plus grands rifques, & où il fe foit fait plus de naufrages. Auffi les gens de Mer lui ont-ils donné le nom d'Enfer des Navigateurs.

-15260

En récompenfe, il eft fort poiffonneux. Qualité des On y prend furtout quantité de Dorades fur eaux du Fleu les bancs de fable, dont il eft femé, & ve. qui font, en bonne partie, le danger de cette Navigation. Dès que l'on commence à trouver l'eau douce elle paroît excellente; mais il en coûte un peu pour s'y accoutumer. Elle caufe d'abord, quand on en boit fans beaucoup de modération, des coliques, des dévoiemens, & quelquefois la dyfenterie. Au bout d'un mois on y eft fait, & il n'y a plus rien à craindre. Outre qu'elle eft très faine, elle a encore une qualité fort finguliere; elle éclaircit de telle forte la voix, que l'on reconnoît d'abord ceux, qui en ont bu habituellement: mais fi on discon

1526.

Gabot conf

tinue d'en boire, on perd peu-à-peu cet avantage. Quelques Mémoires difent la même chofe des eaux de l'Uruguay, & de la plupart des Rivieres qui s'y déchargent. Si cela eft vrai, il y a bien de l'apparence que Rio de la Plata tire de l'Uruguay cette propriété. Il s'agit de favoir fi elle l'a audeflus de l'endroit où elle reçoit l'Uruguay, & je n'ai rien trouvé sur cela dans mes Mémoires.

reçu

Quoi qu'il en foit, Gabot fe tira aisément truit un Fort, de tous les écueils, & arriva, fans aucun qui ne fubfif- accident, aux Iles de S. Gabriel, qui ont te pas longtems. de lui ce nom, & qui commencent un peu au-deffus de Buenos Ayrès. La premiere qu'il rencontra, a une lieue de circuit, & il y trouva un bon mouillage. Il y laiffa fes Vaiffeaux, s'embarqua dans fes Chaloupes, entra dans le Canal, que forment ces Iles avec le Continent, qu'il avoit à fa droite & de-là dans l'Uruguay, qu'il prit pour le véritable Fleuve. Deux chofes cauferent cette méprife; la premiere, que les Iles de S. Gabriel, qu'il laiffoit à fa gauche, lui cachoient la vue du Fleuve; la feconde que l'Uruguay eft très large lorfqu'il entre dans Rio de la Plata. Il le remonta donc & aïant trouvé, fous fa droite, une petite Riviere, qu'il nomma Rio de San Salvador, il y conftruifit un petit Fort, où il laiffa Jean Alvarez Ramon & quelques Soldats avec ordre de continuer à remonter le Fleuve, qu'il croïoit toujours être le véritable Rio de Solis: mais au bout de trois jours cet Officier, ayant échoué fur un banc de fable, fut tué par les Indiens, avee

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une partie de fes gens. Les autres fe fauve-· rent à la nâge & rejoignirent Gabot, qu'un fi trifte accident fit réfoudre à retourner aux Iles de S. Gabriel.

bot.

1526.

Il y reconnut fon erreur, remonta le vé- Tour de Ga ritable Fleuve, environ trente lieues, & bâtit une Fortereffe à l'entrée d'une Riviere qui fort des Montagnes du Tucuman, & dont les Efpagnols ont changé le nom Indien (1) en celui de Rio Tercero. Il donna à fon Fort, celui de Saint-Efprit; mais il eft plus connu dans fes Relations, fous celui de Tour de Gabot. Il y laiffa une Garnison, & continua de remonter le Fleuve jusqu'au confluent du Paraguay & du Parana. Alors fe trouvant entre deux grandes Rivieres, il entra dans celle qui lui parut la plus large; j'ai dit que c'eft le Parana: mais voïant qu'il tournoit à l'Eft, il craignit de s'engager trop avant vers le Brefil, retourna au confluent, & remonta le Paraguay. Il y fut bientôt attaqué par les Indiens, qui lui tuerent vingt-cinq hommes, & en firent trois prifonniers.

Il eut bientôt fa revanche, & fit un grand Origine du carnage de ces Barbares, lefquels paroiffent nom de Rio avoir été les mêmes, qui avoient tué Alexis de la Plata, Garcia, puifqu'on affure que le fruit de fa victoire fut une bonne partie du butin qui avoit été fait fur ce Portugais. Comme il n'avoit aucune connoiffance de cette avanture tragique, il ne douta point que tant d'or & d'argent ne vînt des Mines du Païs où il fe trouvoit, & il fut enfin confirmé dans cette penfée, lorfqu'aïant fait alliance (1) Zacaranna, ou Zacarunna,

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