Imágenes de páginas
PDF
EPUB

1526.

Gabot ren

contre

avec d'autres Indiens, que la crainte de fes armes, où fes bonnes manieres, avoient engagés à bien vivre avec lui, non-feulement ils lui fournirent abondamment des vivres, dont il commençoit à manquer, mais ils lui donnerent des lingots d'argent pour des marchandifes d'Efpagne de très peu de valeur. Ne doutant donc plus qu'il n'y eût des Mines d'argent dans ce Païs, il donna au Paraguay le nom de Rio de la Plata, qui a trompé tous ceux, qui ne favoient pas l'origine de cette dénomina→

tion.

Il fe difpofoit à rejoindre fes Vaiffeaux des avec fon tréfor, quand il vit arriver à fon Portugais fur Camp un Capitaine Portugais, nommé le Paraguay. Diegue Garcias, lequel avoit été envoïé

par le Capitaine général du Brefil, pour reconnoître le Païs & en prendre poffeffion au nom de la Couronne de Portugal, mais qui n'avoit pas affez de monde pour exécuter fa Commiffion malgré les Espagnols, qu'il ne s'étoit pas attendu de trouver en fi grand nombre fur les bords du Paraguay. Gabot de fon côté fit réflexion qu'il ne pourroit jamais empêcher les Portugais de fe rendre maîtres du Païs, s'ils y revenoient avec des forces fuperieures, que la proximité du Brefil leur donnoit le moïen d'y faire entrer en peu de tems: fur quoi il prit le parti de faire quelques préfens à Garcias, pour l'engager à le fuivre au Fort du S. Efprit. Il y réuffit ; & Garcias, étant refté peu de jours avec lui dans fa Fortereffe, reprit la route du Brefil.

Gabot crut alors devoir renoncer au

1526. Il envoie beaucoup

deffein qu'il avoit eu de repaffer en Espagne. Il jugea fa préfence néceffaire au Paraguay, & il chargea Fernand Calderon, qu'il avoit fait Tréforier de fon Efcadre à la place de Mendez, de tout ce qu'il avoit d'argent, l'Empereur. d'argent à & d'une Lettre, par laquelle il rendoit D'où il ve compte à l'Empereur de ce qui l'avoit empêché de fuivre fa deftination; faifoit à ne au Fleuce Prince la defcription du Païs qu'il avoit de Rio de découvert; lui marquoit les mesures qu'il la Plata, par jugeoit néceffaires pour en affurer la pof- erreur. feffion à la Couronne de Caftille, & fupplioit Sa Majefté de lui envoïer des fecours fuffifans pour être en état de n'y être inquiété, ni par les Indiens, ni par les Portugais.

ve le nom

Calderon, & un Capitaine, nommé Il retourne Georges Barloque, que Gabot lui avoit en Espagne. affocié, arriverent en Espagne au commencement de l'année 1527, & eurent une audience favorable de l'Empereur, dont ils obtinrent tout ce qu'ils avoient ordre de lui demander. La vue de l'argent qu'ils lui préfenterent, qu'on prétend être le premier qui foit venu en Efpagne de l'Amérique, & plus encore les efpérances qu'ils donnerent à ce Prince, lui firent trouver bon tout ce qu'avoit fait Gabot. Charles V voulut même qu'on prît fur fes Finances de quoi faire une partie d'un grand Armement, qu'il commanda de faire pour le Paraguay. Cependant deux années fe pafferent fans que fes ordres fuffent exécutés & Gabot fe laffa d'attendre. Il crut fa préfence néceffaire en Espagne, pour empêcher qu'un plus long retardement ne

,

donnât aux Portugais l'envie & le tems dė 527-29. revenir au Paraguay. Il nomma,

Hiftoire tra

pour

commander pendant fon abfence dans le
Fort du S. Efprit, Nuño de Lara, auquel
il laiffa fix vingts hommes, & ce qu'il put
amaffer de provifions, & partit pour aller
rejoindre fon Efcadre, qu'il fit appareiller
fur le champ pour l'Espagne.

Lara de fon côté, fe voïant environné gique d'une de Nations, dont il ne pouvoit fe faire Dame Efpa- refpecter, qu'autant qu'il feroit en état de gnole. fe bien défendre, s'il leur prenoit envie de 1527-30. l'attaquer, crut qu'il ne pouvoit rien faire de

mieux, que de mettre dans fes intérêts fes
plus proches voifins, qui étoient les Tim-
buez, & il y réuffit d'abord affez bien;
mais cette alliance lui devint bientôt fu-
nefte, par un endroit qu'il n'avoit pu pré-
voir. Mangora, Cacique de Timbuez, lui
rendoit de fréquentes vifites, & aïant un
jour apperçu une Dame Efpagnole, nom-
inée Luce Miranda, Epoufe de Sébastien
Hurtado, un des principaux Officiers de la
Garnifon du Fort, il en devint éperdument
amoureux. Elle ne l'ignora pas long-tems,
& elle comprit bientôt ce qu'elle avoit à
craindre de cette paffion dans un Barbare,
dont il importoit beaucoup au Comman-
dant de fe conferver l'amitié. Tout ce
qu'elle put faire, fut d'éviter avec foin de
fe laiffer voir, & d'être bien fur fes gardes.
Mangora de fon côté, crut que, s'il pou-
voit l'attirer chez lui, il en obtiendroit
tout ce qu'il pourroit fouhaiter. Il invita
Hurtado à le venir voir, & le pria d'y
amener la Femme; mais celui-ci s'excufa

1

ur ce qu'il ne pouvoit s'abfenter fans la permiffion de fon Commandant, & ajouta qu'inutilement il la demanderoit.

Le Cacique comprit par cette réponse que pour venir à bout de fon dessein, il falloit commencer par fe défaire de Hurtado ; & tandis qu'il en cherchoit les moïens, il apprit que cet Officier avoit été détaché avec un autre, nommé Ruiz Moschera, & cinquante Soldats, pour aller chercher des vivres. Il forma fon plan fur cette nouvelle, & crut pouvoir profiter de l'affoibliffement de la Garnifon Espagnole pour parvenir à fon but. Il assembla quatre mille hommes choifis, & les alla pofter dans un Marais, qui étoit fort près de la Tour de Gabot. Il fe préfenta enfuite à la porte de la Place, avec trente hommes chargés de rafraîchiffemens, & fit dire au Commandant, qu'aïant appris le befoin où il étoit de vivres, il lui en apportoit affez pour attendre le retour de fon Convoi. Lara le reçut avec de grandes marques de reconnoiffance, & voulut le régaler avec fa Trouppe. Le Cacique s'y étoit attendu ; il avoit inftruit fes Gens de ce qu'ils avoient à faire, & donné des fignaux à ceux qu'il avoit poftés dans le Marais.

1527-30

par

diens, & tou

Le feftin commença avec beaucoup de La Tour de gaieté de part & d'autre, & dura bien Gabot brûlée avant dans la nuit. A la fin les Espagnols les Inyoulant fe retirer, Mangora fit à quel- te laGarnifon ques-uns des fiens le fignal pour ce qu'il malfacrée. Leur avoit ordonné, qui étoit de mettre le feu au Magafin, dès que les Efpagnols feroient retirés chez eux. Cela fe fit fans

1527-30.

[ocr errors]

que perfonne s'en apperçût; & à-peine les Officiers commençoient à s'endormir qu'ils furent éveillés par des Soldats qui crioient au feu. Ils coururent tous pour y remédier, & les Indiens prirent ce moment pour faire main-baffe fur eux. Plufieurs furent maffacrés fans avoir eu le tems de fe reconnoître, & les quatre mille hommes, qui étoient dans le Marais, aïant été en même tems introduits dans la Place elle fut bientôt remplie d'horreur & de carnage. Le Commandant, quoique déja bleffé, aiant apperçu le perfide Cacique qui s'applaudiffoit du fuccès de fa trahifon courut à lui & le perça de fon épée ; mais, plus occupé de fa vengeance que du foin de fa propre fûreté, quoiqu'il fût environné de Barbares, il ne ceffa de plonger fon épée dans le corps de fon Ennemi, que quand il le vit expirer fous les coups, qu'il redoubloit affez inutilement, & prefque dans le même instant il tomba mort lui-même, percé de toutes parts.

Il ne reftoit plus, dans le Fort, que l'infortunée Miranda, cause innocente d'une fcène fi tragique, quatre autres Femmes & autant de petits Enfans, qui furent tous liés & menés à Siripa, Frere & Succeffeur de Mangora. Ce nouveau Cacique, à la vue de Miranda, conçut pour elle la même paffion, qui avoit été fi funeste à fon Frere il ne fe réferva qu'elle de cette petite trouppe de Captifs, & commença par la faire délier. Il lui déclara enfue qu'elle n'étoit point Efclave chez lui, qu'il ne tiendroit même qu'à elle d'y être la Maîtreffe,

« AnteriorContinuar »