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Maitreffe, & qu'il ne la croïoit pas aflez déraisonnable pour préferer un Mari indi- 1527-30. gent & fans reffource, au Chef d'une puiffante Nation, qui fe feroit un plaifir de lui foumettre fa propre Perfonne & tous les Vaffaux. Miranda devoit bien s'attendre que le moins, à quoi l'expoferoit un refus, feroit de paffer le refte de fes jours dans le plus dur efclavage; mais elle ne balança point entre fon devoir & fes fraïeurs: elle fit même à Siripa la réponse qu'elle croïoit la plus capable de l'irriter, dans l'efpérance que fa paffion se changeroit en fureur, & qu'une prompte mort mettroit fon innocence & fon honneur à couvert.

Elle fut trompée : fes refus ne firent qu'augmenter l'eftime que Siripa avoit conçue pour elle. Ils donnerent une nouvelle vivacité à fa paffion; & comme il n'en eft point qui fe flatte davantage, il ne defefpera point de vaincre la conftance de fa Captive. Il continua de la traiter avec beaucoup de douceur; il eut même pour elle des égards, & une forte de refpect, dont on n'auroit pu croire un Barbare capable. Elle n'en comprit que mieux tout le danger de fa fituation, & elle en frémit. Peu de tems après, Hurtado arriva avec fon Convoi, & fut fort étonné de ne voir plus que des cendres où il avoit laiffé la Tour de Gabot. La premiere chofe, dont il s'informa, fut ce qu'étoit devenue fon Epoufe; & aïant appris qu'elle étoit chez le Cacique des Timbuez, il courut l'y chercher, fans faire réflexion à quoi il s'expofoit inutilement. Siripa, à la vue Tome I, C

d'un Mari uniquement aimé, ne fe pofféda 1527-30. plus ; il fit attacher Hurtado à un arbre, & commanda qu'on le perçât de fleches.

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On fe difpofoit à lui obéir, lorfque Miranda vint fe jetter à fes piés, & fondant en larmes, lui demanda la vie de fon Epoux. Effet furprenant de l'amour paffionné! I calma le violent tranfport qu'il avoit produit dans le cœur d'un Anthropophage, & défarma un Amant jaloux & furieux. Hurtado fut délié, il eut même la permiffion de voir quelquefois fon Epoufe; mais le Cacique avertit l'un & l'autre que la premiere privauté qu'ils auroient enfemble leur couteroit la vie. Il ne vouloit apparemment que tendre un piége au Mari, pour avoir un prétexte de révoquer la grace qu'il venoit de lui accorder, & Hurtado ne tarda point à le lui fournir. La Femme de Siripa vint peu de jours après lui donner avis que Miranda étoit couchée avec fon Mari. Il courut fur le champ pour s'en inftruire par lui-même : il fut convaincu par fes propres yeux; & dans le premier mouvement de fa fureur, fervant mieux la jaloufie de fa Femme, qu'il n'avoit fait la fienne, il condamna Miranda au feu, & Hurtado à être percé de fleches. La Sentence fut exécutée fur le champ; & les deux Epoux expirerent, à la vue l'un de l'autre, dans des fentimens dignes de leur vertu.

Ce que de Tandis que les chofes fe paffoient ainfi vinrent lesEf chez les Timbuez, les Espagnols, qui pagnols qui étoient reftés avec Mofchera, avoient fait

étoient reliés

au Paraguay. quelques réparations à la Tour de Gabot ;

mais ils défefpérerent bientôt de pouvoir s'y foutenir contre des Indiens, que leur perfi- 1530-35. die rendoit irréconciliables avec leur Nation. Mofchera ne crut donc point avoir d'autre parti à prendre, que de s'embarquer avec la Trouppe fur un petit Bâtiment qui étoit refté à l'ancre. Il defcendit le Fleuve jufqu'à la Mer; il rangea enfuite la Côte, & aiant apperçu, vers les trente-deux degrés de latitude, un Port commode, il y entra, & y bâtit une petite Forterefle. Il trouva les Naturels du Païs affez bien difpofés à faire alliance avec lui, & il y enfemença un terrein, qui lui parut fertile. Peu de jours après un Gentilhomme Portugais, nommé Edouard Perez, qui avoit été exilé dans le voifinage, vint le joindre avec fa Famille, & il le reçut très bien.

Perez n'y fut pas long-tems paifible; il Ce qui fe reçut du Capitaine général du Brefil un or- paffa entr'eux dre de retourner au lieu de fon exil, & par & les Portu la même voie, il fut déclaré à Mofchera, gais duBrefil. que s'il vouloit refter où il étoit, il falloit qu'il commençât par prêter ferment de fidélité au Roi de Portugal, à qui tout ce Païs appartenoit. Perez obéit; mais Mofchera répondit de bouche, que le partage des Indes n'étoit point encore réglé entre les Rois leurs Maîtres, & que jufqu'à ce qu'il le fût, il étoit bien réfolu de fe maintenir dans le pofte qu'il occupoit. Il manquoit cependant d'armes & de munitions; mais un Navire François étant venu fur ces entrefaites mouiller une ancre à l'Ile de la Cananée, vis-à-vis de fon Fort, il crut pouvoir profiter de l'occafion pour fe met

tre en état de se défendre, s'il étoit atta*530-35• qué. Il s'embarqua. avec tous les Espagnols & deux cens Indiens, dans deux Bâteaux, aborda pendant la nuit le Navire François s'en rendit maître, défarma l'Equipage, & le conduifit à fon Fort.

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Peu de jours après, il fut averti qu'un Corps confidérable de Portugais venoit par Mer pour l'enlever, & fur le champ il drefla une batterie de quatre piéces de canon, qu'il avoit tirées de fa prife; il fit de nouveaux retranchemens à fon Fort, & plaça une partie de fes gens en embuscade dans un Bois, qui le couvroit du côté de la Mer. Les Portugais étoient au nombre de quatrevingt, & avoient à leur fuite une Armée de Brafiliens. Comme ils croïoient n'avoir à faire qu'à une poignée d'Efpagnols nouvellement débarqués & manquant de tout ils alloient à cette expédition avec la même confiance, qu'un grand Prévôt, chargé d'arrêter une bande de Voleurs; & elle augmenta, lorfqu'arrivés au Port, ils ne virent perfonne, qui fe mît en devoir de leur difputer la defcente: ils pafferent même le Bois fans obftacle; mais à-peine avoient-ils découvert le Fort, qu'ils fe virent en même tems expofés au canon de la Place, & pris en queue par ceux qui les avoient laiffes paffer dans le Bois, fans fe découvrir. La fraïeur s'empara d'abord des Indiens, & fe communiqua bientôt aux Portugais. Tous fe débanderent; & à la réferve de ceux qui avoient d'abord pris la fuite, tous ceux, que le canon avoi épargnés, furent paflés au fil de l'épée.

1530-35.

Mofchera ne borna point là sa victoire: il s'embarqua, avec une partie de fes Braves & un grand nombre d'Indiens, fur les Bâtimens qui avoient apporté fes Ennemis, ? une irruption

Les Efpa

gnols font

& alla faire une defcente à S. Vincent. Il au Bretil.
pilla la Ville & les Magafins du Roi, avec
d'autant plus de facilité, que les Portugais
mêmes, mécontens du Gouvernement, fe
joignirent à lui. Il comprit néanmoins bien-
tôt que fes fuccès mêmes, bien loin d'af-
fermir fon Etabliffement, ne feroient qu'at-
tirer fur lui des forces auxquelles il ne
feroit point en état de résister; & il tranf-
porta fa petite Colonie dans l'Ile de Sainte
Catherine, où il fe flattoit qu'on ne vien-
droit pas l'inquiéter, & où il ne demeura
pas long-tems.

La Cour de

roît avoir des

Cependant on ne perdoit point de vue le Paraguay à la Cour d'Efpagne; mais quand Portugal paon cut apprit qu'il n'y étoit pas resté un vues fur le feul Efpagnol, la penfée qu'il falloit re- Paraguay.. commencer tout ce qu'on y avoit fait, & l'abfence de l'Empereur, furent caufe qu'il fe paffa bien du tems fans qu'on prît aucune réfolution fur cela. Il paroît même qu'on n'y penfoit plus, lorfqu'on eut avis que la Cour de Lisbonne paroiffoit prendre des mefures pour y envoier une Colonie. Il eft vrai que l'Armement qu'on y préparoit étoit couvert du prétexte de donner la chaffe aux François, qu'on voïoit fouvent fur les Côtes du Brefil, & qui, étant ført bien accueillis des Brafiliens, n'auroient pas trouvé beaucoup de difficultés à s'y établir de maniere à n'en pouvoir être aifément chaffés; mais l'Impératrice, aïant communiqué fes

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