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ne s'eft jamais démentie, & qu'en rendant à leur Souverain la plus prompte obéiffance, en facrifiant pour fon fervice leurs biens & leur vie, avec un défintereffement qui n'avoit point eu d'exemple, ils font perfuadés que c'eft Dieu-même qu'ils fervent & n'en attendent que de lui la récompenfe, & qui enfin, devenant Apôtres prefqu'auffi-tôt que Chrétiens, ne font pas moins de conquêtes fpirituelles, que leurs Pasteurs mêmes, & fe croient bien dédommagés par le Martyre, quand le fuccès ne répond point à leurs vœux.

Tous ces faits bien conftatés par les témoignages uniformes de ceux, qui étoient plus à portée de les vérifier & les plus inreffés à ne pas s'en laiffer impofer, on ne fera pas peu furpris fans doute de voir, que des Etabliffemens fi glorieux à la Religion, & fi utiles à l'Etat, ont toujours eu befoin pour fe foutenir que les Rois Catholiques y emploïaffent toute leur autorité; que ceux mêmes, que toutes fortes de raifons devoient engager à les favorifer, n'aient rien omis pour en dégoûter les Auteurs & pour les faire échouer; & qu'ils aient été plus d'une fois ruinés par des Hommes qui fe difoient Chrétiens, & qui pour un vil interêt ont égorgé, ou fait périr dans le plus dur efclavage, plus de cent mille Néophytes. Mais c'étoit l'œuvre de Dieu, & une des plus propres à manifefter fa grandeur & fa puiffance: ceux, dont il a bien voulu fe fervir pour une fi belle Entreprise, devoient bien s'attendre que l'Enfer met roit tout en ufage pour la faire man

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quer, & ils n'ont pas été trompés.
Car, fans parler des travaux immenfes,
ni des dangers de toutes les fortes, inévi-
tables dans ce nouveau genre d'Apoftolat,
où ils ont eu à combattre tous les élémens,
à parcourir des Pais impratiquables, &
dont les Habitans étoient encore plus à
craindre que les bêtes féroces qu'on y ren-
contre à chaque pas, que n'ont-ils pas eu
à effuïer des Domeftiques mêmes de la Foi?
Contrariés fans ceffe, calomniés dans
toutes les parties du Monde habité, chaffés
avec violence & avec infamie de leurs mai-
fons, traduits à tous les Tribunaux, com-
me des Traîtres & des Scélerats, ils ont
fouvent vû périr les fruits de leurs travaux,
fans fe rebuter, n'en témoignant que plus
d'ardeur pour réparer leurs pertes,

avec

une conftance, qui les a fait enfin triom-
pher de tous les obftacles. Mais, avant
que d'entrer dans le récit de tant d'événe-
mens divers & fi peu attendus, il est né-
ceffaire de donner une notion générale des
Païs, où ils fe font paffés, & que bien peu
de gens connoiffent, quoiqu'on en parle
tous les jours; en attendant que l'occafion
fe préfente d'entrer dans des defcriptions &
des notices plus circonftanciées.

LE
E nom de Paraguay eft celui d'un Fleu-
ve, qui fort du Lac des Xarayès, environ
par les feize degrés trente minutes de lati-
tude auftrale, & par les vingt-cinq de lon-
gitude, en plaçant le premier Méridien aux
Açores, comme font les Efpagnols, & qui
après avoir couru affez long-tems au Sud-

Le Fleuve

Paraguay.

Oueft, fe replie au Sud. Ce mot fignifie, dans la Langue de quelques-uns des Peuples voifins, Fleuve couronné, comme fi le Lac, d'où il fort, lui formoit une couronne. Dom Martin del Barco, Archidiacre de Buenos Ayrès, dont nous avons un Poème hiftorique en Efpagnol, intitulé Argentina, prétend que le Lac des Xarayès n'eft point la fource de ce Fleuve, qu'on dit-il, remonté fort loin, après avoir paffé le Lac qu'il traverfe, fans en avoir pu trouver l'origine. Il ajoute que quelquesuns affurent qu'il la tire du Lac Parimé, dans la Province del Dorado, qu'un Auteur moderne (1) ne juge pas auffi fabuleux qu'on le croit communément; ce qu'on pourroit peut-être encore appuier d'un fait, qu'un autre Auteur rapporte (2), mais fans le garantir.

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Un Efpagnol, dit-il, nommé Jean Garcie, natif de l'Affomption, Capitale de la Province de Paraguay, aïant été plufieurs années Efclave des Payaguas, revint dans fa patrie, au commencement du dix-huitieme fiecle, & raconta que dans un voïage qu'il avoit fait à la fuite de ces Indiens, après qu'ils eurent remonté le Paraguay, & traverfé le Lac des Xarayès, ils fe trouverent fur une Riviere qui s'y décharge; que l'aïant remontée quelques jours, ils arriverent vis-à-vis d'une Montagne, fous laquelle elle coule ; qu'alors les Payaguas, avant que de s'engager dans ce canal ténébreux,`allu

(1) Le P. Jofeph Gumilla el Orinoco illuf rado.

(2) Le Pere Pierre Lo çano: Defcripcion chora graphica del gran Chaco.

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merent des flambeaux d'une efpece de réfine, pour fe précautionner contre des Chauve-fouris, qu'ils nomment Andiras, lefquelles font d'une grandeur énorme, & fe jettent fur les Voïageurs, qui n'ont pas pris cette précaution; qu'ils mirent deux jours à le remonter, & qu'après en être fortis, & avoir continué quelque tems la même route, ils fe trouverent à l'entrée d'un Lac, dont on ne voïoit point l'autre bord; qu'ils n'allerent pas plus loin, & retournerent chez eux par la même route qu'ils avoient fuivie en venant jufques-là. Quoi qu'il en foit de ce récit, le Para-Etendue du guay, depuis la fortie du Lac des Xarayès, Paraguay après avoir groffi fes eaux de celles de plufieurs Rivieres, dont quelques-unes font affez grandes, fe joint par les vingt-fept degrés avec un autre Fleuve, qui coule prefque parallelement avec lui, après avoir tourné de l'Eft à l'Oueft, & coulé longtems au Nord-Eft, & auquel fa largeur a fait donner le nom de Parana, qui fignifie Mer. Après cette jonction, le Paraguay, plus profond, mais moins large, tourne droit au Sud jufqu'aux trente-quatre degrés, où il reçoit une grande Riviere, laquelle vient du Nord-Eft, & porte le nom d'Uruguay. Il coule à l'Eft-Nord-Eft jufqu'à la Mer, ou il fe décharge par les trente-cinq degrés, fous le nom de Rio de la Plata. Ce nom fe donne même affez communément au Parana, depuis la jonction avec le Paraguay; & lorfque tout le cours du Fleuve ne faifoit qu'une Province, elle portoit le même nom. Mais fi par un effet de l'ufa

Oueft, fe replie au Sud. Ce mot fignific dans la Langue de quelques-uns des Peuples voifins, Fleuve couronné, comme fi le Lac, d'où il fort, lui formoit une couronne. Dom Martin del Barco, Archidiacre de Buenos Ayrès, dont nous avons un Poème hiftorique en Efpagnol, intitulé Argentina, prétend que le Lac des Xarayès n'eft point la fource de ce Fleuve, qu'on a, dit-il, remonté fort loin, après avoir paffé le Lac qu'il traverse, fans en avoir pu trouver l'origine. Il ajoute que quelquesuns affurent qu'il la tire du Lac Parimé dans la Province del Dorado, qu'un Auteur moderne (1) ne juge pas aussi fabuleux qu'on le croit communément; ce qu'on pourroit peut-être encore appuïer d'un fait, qu'un in autre Auteur rapporte (2), mais fans le garantir.

Un Espagnol, dit-il, nommé Jean Garcie, natif de l'Affomption, Capitale de la Province de Paraguay, aïant été plufieurs années Esclave des Payaguas, revint dans fa patrie, au commencement du dix-huitieme fiecle, & raconta que dans un voïage qu'il avoit fait à la fuite de ces Indiens, après qu'ils eurent remonté le Paraguay, & traverfé le Lac des Xarayès, ils fe trouverent fur une Riviere qui s'y décharge; que l'aïant remontée quelques jours, ils arriverent vis-à-vis d'une Montagne, fous laquelle elle coule ; qu'alors les Payaguas, avant que de s'engager dans ce canal ténébreux, allu

(1) Le P. Jofeph Gu-
el Orinoco illuf-

milla rado.

(2) Le Pere Pierre Lo çano: Defcripcion choragraphica del gran Chaco.

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