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1540.

Son départ de Cadix..

1541.

prêt excédât un Caftillan (1), ni que fe Quint pour le Roi fût levé fur autre chofe que fut l'or & l'argent; qu'il y eût partout des Communes marquées pour les Beftiaux.; enfin, qu'il conférât aux Alcaldes ordinaires le droit de connoître de toutes les Caufes qui ont accoutumé d'être portées au Tribunal de la Santa Hermandad.

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&

D. Alvare aïant reçu toutes fes dépêches fe rendit à Séville, où il acheta deux Navires, l'un de trois cens tonneaux l'autre de cent cinquante. Il y joignit deux Caravelles, & embarqua fur ces quatre Bâ timens quatre cens Soldats, qui s'offrirent à lui de grand cœur, & qui avoient leurs armes doubles. Le huitieme de Septembre, il paffa à Cadix, où le vent contraire le retint jufqu'au deux de Novembre, qu'il mit à la voile. Il gagna en neuf jours l'Ile de Palme, où il attendit encore vingt-cinq jours le tems favorable pour en fortir. Le 26 il fit voiles pour les Iles du Cap Verd & dans cette traverfée fa Capitane, qui étoit d'ailleurs un excellent Vaiffeau, & qui faifoit fa premiere Campagne fit beaucoup d'eau; ce qui gâta une bonne partie de fes provifions, & fatigua beaucoup l'Equipage. Il gagna enfin, avec bien de la peine, l'Ifle de Santiago en 19 jours.

Le Port de cette Ile eft fort mauvais, & l'ancrage y eft peu fur, parcequ'il y a beau Incommodi- coup de Rochers cachés fous l'eau, qui reés du Port tiennent les ancres, de forte qu'il faut fouvent les abandonner & couper les cables

de: Santiago

du.Cag-verd..

(1) Piece d'or, qui` vaut 3 1. 10 f. de notre Monnoic..

ny courroit même de grands rifques dans les gros tems. D'ailleurs, l'air y eft mal fain pendant l'Eté, où l'on étoit alors, & caufe ordinairement de grandes mortalités dans les Equipages. Dom Alvare n'y perdit. pourtant pas un feul Homme pendant vingtcinq jours qu'il y refta; ce qui fut regardé comme une merveille, & rappella le fouvenir de celles, qu'on difoit qu'il avoit faites pendant fa captivité. Ce qui arriva peu de tems après, confirma encore tous les Mariniers & fes Soldats dans l'opinion où ils étoient, que Dieu le favorifoit d'une protection spéciale.

ger.

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Après qu'on eut paffé la Ligne, il trouva Maniere finguliere dont que de cent barriques d'eau, qu'on avoit f Gouverembarquées furla Capitane, il n'en reftoit neur eit préplus que trois ; & fur cet avis il donna or- fervé d'un dre de gagner la terre. Le quatrieme jour, grand dan avant qu'on pût voir clair, on fut furpris d'entendre un Grillon chanter. Un Matelot T'avoit embarqué fans qu'on le fut, & depuis qu'on étoit en Mer, on ne l'avoit point encore entendu. Quelqu'un dit alors qu'il falloit qu'on füt bien près de terre > Le Grillon ne manquant guere de chanter quand il la fent. Dom Alvare fit auffi-tôt monter à la hune un Matelot, lequel au moment que le jour commença de poindre, apperçut de grands Rochers, qui bordoient une Terre fort haute. On rangea ensuite la Côte à la vue, & le Grillon ne manqua jamais d'annoncer le point du jour, ce qu'il n'avoit fait ni à l'Ile de Palme, ni à celle de Santiago.

Après qu'on cut doublé le Cap Frio, qui

1..

IS41.

I' s'arrête à

ou

eft par les vingt-quatre dégrés Sud, on en tra dans le Port de la Cananée, qu'une Ile met à l'abri des vents, & on mouilla par 'Ile de Sainte onze braffes. Delà à laRiviere de S.François Catherine, & e qui s'y paf- on compte vingt-cinq lieues, & autant de cette Riviere à l'Ile de Sante-Catherine, F'on mouilla le 24 de Mars 1541. Dom Alvare en prit poffeffion au nom de la Couronne de Caftille, fit beaucoup d'amitié aux Infulaires, & aux Habitans du Continent, où il eut avis qu'il y avoit deux Religieux, qui n'y étoient pas fort en fûreté de la part des Indiens. Ces Peres n'eurent pas plutôt appris fon arrivée, qu'ils le vinrent trouver, & lui dirent que ces Barbares étoient fort ennemis des Efpagnols, & qu'ils y couroient de grands rifques. Il leur promit d'y mettre ordre, ce qui ne lui fut pas fort difficile. On commença en effet dès-lors à s'appercevoir qu'il avoit une maniere de traiter avec ces Peuples, qui les lui concilioit d'abord.

Nouvelles

Au mois de Mai il détacha une Caraqu'il y ap- velle, fous la conduite du Tréforier Phiprend du Pa- lippe de Cacerès, pour Buenos Ayrès; mais raguay. cet Officier ne put doubler le Cap de Sainte

Marie, & retourna à l'Ile de Sainte-Catherine, où peu de tems après arriverent douze Efpagnols dans un Bateau. Ils s'étoient fauvés de Buenos Ayres, ne pouvant plus, difoient-ils, fupporter les mauvais traitemens que leur faifoient ceux qui y commandoient; ils ajoûterent qu'il y étoit arrivé depuis peu des Hommes & des Provifions; mais que la famine y étoit toujours très grande, & qu'on n'y étoit pas en fü

reté de la part des Indiens des environs. Ils apprirent encore à Dom Alvare, qu'à fix vingts lieues de l'endroit où il étoit, on avoit bâti une Ville fous le nom de l'Affomption de la Sainte Vierge (1), d'où l'on comptoit trois cens cinquante lieues au Cap de Sainte-Marie, en defcendant le Fleuve, fur lequel il n'eft pas aifé de naviguer qu'on avoit des nouvelles certaines de la mort de D. Jean de Ayolas, & de tous ceux qui l'accompagnoient: qu'ils avoient été maffacrés par les Payaguas, & qu'on en attribuoit la faute à Dom Dominique Martinez de Irala, qui ne les avoit pas attendus au Port de la Chandeleur, comme ce Gouverneur le lui avoit ordonné: que les Officiers roïaux vexoient beaucoup les Indiens, & que les Efpagnols n'en étoient guere mieux traités : que leur deffein, en partant de Buenos Ayrès, étoit de paffer en Espagne, pour informer le Confeil roial des Indes de toutes ces chofes : enfin, qu'Irala commandoit à l'Affomption, & que toute la Province étoit fous fes ordres.

Ce récit, qu'on ne peut guere accorder avec ce que nous avons dit de l'évacuation de Buenos Ayrès, qu'en fuppofant que ceux qui le faifoient étoient partis depuis long-tems de cette Ville, fit comprendre à Dom Alvare que fa préfence étoit néceffaire à l'Affomption, & lui fit prendre la réfolution de s'y rendre le plutôt qu'il

(1 Pierre Fernandez, Ville l'Afcenfion; mais qui a fait imprimer les il eft le feul qui lui donMémoires de D. Alvare, ne ce nom. somnie toujours. cette

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I va par

lui feroit poffible, quoi que puffent lui dire Caceres & le Pilote Antoine Lopez, qui lui confeilloient d'aller avec toute fon Efcadre à Buenos Ayrès. Il chargea donc le Facteur Pierre de Orantès de s'informer de la route qu'il pouvoit prendre par terre ; & cet Officier, après avoir été lui-même examiner le Païs, lui dit à fon retour, que les premiers Indiens qu'il avoit rencontrés, & les Infulaires de Sainte-Catherine, qui l'avoient accompagné, l'avoient affuré que le chemin le plus court étoit en fuivant toujours la Riviere Itabuçu, dont l'embouchure eft vis-à-vis de la pointe du Nord de l'Ile de Sainte-Catherine, environ à dix-neuf ou vingt lieues du Port où il étoit. Il envoïa encore examiner cette route; on lui rapporta qu'elle étoit très pratiquable, & il réfolut de la prendre fans différer. Son deffein étoit de laiffer les deux Religieux, dont nous avons parlé, dans l'Ile de Sainte-Catherine, pour y travailler à la converfion des Infulaires & des Peuples du Continent; mais ils le prierent avec tant d'inftances de trouver bon qu'ils le fuiviffent, qu'il y confentit.

Le 18 d'Octobre, après avoir donné orterre à l'Af dre à Dom Pedre Eftopiñan Cabeça de fomption. Vaca, de profiter du premier bon vent pour fe rendre à Buenos Ayrès avec fes Navires, & envoïé une partie de fes gens avec vingt-fix Chevaux qui lui reftoient, pour l'attendre fur les bords de l'Itabaçu, il prit congé des Infulaires de Sainte-Catherine qu'il combla d'amitié & de préfens, & dont plufieurs voulurent l'accompagner

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