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Lib. XXXVI. cap. 7.

monument de cette matière pour la décrire avec certi-
tude; non-seulement dans la vûe de rassembler, le plus
qu'il me feroit poffible, les matières que les Anciens ont
employées, mais encore pour avertir de l'abus que les
Curieux, & principalement ceux d'Italie, font fouvent
du nom de Bafalte; car ils le donnent à des pierres du-
res, à la vérité, & dont le grain eft fin, mais qui n'ont
pas
la couleur du fer; cependant cette qualité diftingue
particuliérement l'efpèce de cette pierre. Nous fommes
fi éloignés de connoître toutes les matières que les Egy-
ptiens employoient, & plus encore de fçavoir les noms
par lefquels ils les défignoient, que nous devons, ce me
femble, être attentifs à ne pas confondre les efpèces que
nous pouvons diftinguer.

Pline nous dit à l'occafion du Bafalte: Invenit eadem Ægyptus in Ethiopia quem vocant Bafalten, fer+ rei coloris atque duritia: unde & nomen ei dedit. Numquam hic major repertus eft quàm in templo Pacis, ab Imperatore Vefpafiano Augufto dicatus, argumento Nili, XVI. liberis circa ludentibus, per quos totidem cubiti fummi incrementi augentis fe amnis intelliguntur. Non abfimilis illi narratur in Thebis delubro Serapis, ut putant, Memnonis Statuæ dicatus, quem quotidiano folis ortu contactum radiis crepare dicunt.

Les mêmes Egyptiens ont découvert en Ethiopie le bafalte, qu'ils nomment ainfi parce qu'il a la couleur & la dureté du Fer.

Ce paffage nous apprend que le mot bafalte eft Egyptien. On n'en a jamais trouvé de plus grand morceau, continue Pline, que celui qui a été confacré dans le temple de la Paix par l'Empereur Vefpafien. Il repréfente le Nil avec feize enfans qui jouent autour de lui, & indiquent la plus grande crue du Fleuve à ce même

nombre de coudées.

J'avoue que je ne puis me perfuader qu'une pierre d'une dureté pareille à celle du bafalte, ne fourniffe pas

'des blocs de la plus grande étendue à ceux qui ne feront pas retenus par la dépense. Je crois feulement qu'on n'en avoit point vû de plus grand morceau à Rome dans le tems que Pline écrivoit; car on doit avoir la même idée de cette pierre, que de celle dont parle Strabon, & XVII. p. 818, que l'on tiroit des rochers que l'on voyoit à droite & à gauche, en allant de Syène à Philé. Ils font, dit-il, d'une pierre noire & dure, de laquelle on fait des mortiers.

a

Un autre ouvrage (de bafalte, ajoute Pline) que l'on dit auffi confidérable que celui-ci, (le Nil) a été confacré dans le temple de Serapis à Thèbes : on affure qu'il repréfente la ftatue de Memnon, qui rend des fons tous les jours quand les rayons du Soleil levant viennent la frapper.

Il ne faut pas confondre la ftatue de Memnon dont parle Pline, avec celle qui fubfifte, & qui a infpiré une fi grande curiofité aux Voyageurs anciens & modernes ; non-feulement cette dernière eft coloffale, mais elle est de granite: d'ailleurs elle étoit antique à l'égard de Pline, puifqu'elle étoit placée de fon tems dans l'endroit qu'elle occupe aujourd'hui, c'est-à-dire, hors de la ville de Thèbes, affez près des tombeaux des anciens Rois d'Egypte, & qu'elle avoit été élevée avant la conquête que les Perfes firent de ce pays; tandis que la Statue de bafalte que Pline préfente comme un objet beaucoup moins confidérable, étoit confacrée dans un temple de Sérapis, dont le culte n'a été introduit en Egypte que fous les Ptolémées. D'un autre côté, on ne peut rien conclure, du moins avec certitude, du rapport de Pline au fujet de la ftatue du Nil. On ignore à Rome la fituation du temple de la Paix, & l'on n'y connoît point ce monument du Nil; celui qui fubfifte dans cette ancienne Capitale du monde, eft de marbre blanc. On pourroit le regarder comme une très-belle copie de l'ouvrage exécuté en bafalte du moins l'un & l'autre représentoient exacte, ment le même fujet....

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Si la conjecture eft permife, je dirai que la figure antique du Nil que nous connoiffons, n'a être tirée que d'un bloc de huit à neuf pieds de longueur, fur cinq ou fix de hauteur, & qu'il eft vraisemblable qu'une Statue placée dans un temple de Rome & par un Empereur ait eu des proportions capables d'en impofer; par conféquent je fuis perfuadé que la Statue de bafalte, que Pline a citée, devoit être à-peu-près de ce volume. Un bloc d'une pareille dimension autorise encore ce que les raisons naturelles m'ont fait dire plus haut fur la poffibilité d'avoir des blocs confidérables d'une matière que Pline n'a peutêtre regardée comme médiocre dans fon volume, qu'en la comparant au granite, dont les blocs n'ont point de grandeur limitée, & que l'on voyoit fréquemment avoir 30 pieds, & plus, de longueur, avec une largeur très-considérable; en ce cas, le raifonnement de Pline feroit très-conféquent & très-digne de lui. Je le crois d'autant plus que les Statues Egyptiennes & de bafalte, que j'ai vûes, n'étoient pas plus grandes que le naturel : les Auteurs même ne font mention d'aucun Coloffe de cette matière, quoiqu'il eût été facile de les compofer de plufieurs morceaux. Ce n'eft point ici le lieu de difcuter plus au long ces points de critique: je paffe à l'examen détaillé que mérite ce mo

nument.

Je crois que cette Figure eft celle d'une Prêtreffe : ce que le tems a refpecté de fa coëffure me perfuade qu'elle étoit fimple. Elle a deux colliers gravés; l'un fous le menton eft marqué par un double trait, l'autre formé par un trait fimple & placé à la racine du col, soutient un ornement d'une forme fingulière; il eft long & creux, & fe trouve au milieu de ce qu'on appelle en France un efclavage, qui pend avec négligence, & dont les deux branches fe réuniffent fous la gorge. Ce monument déja diftingué par des parures peu communes, (du moins à nos yeux) à l'égard de cette Nation, préfente quelques autres fingularités, dont je vais rendre compte.

Cette Figure foutient, ou plutôt elle porte un bufte d'Horus: du moins la plante Perfea le perfuade,quoique fa coëffure foit abfolument femblable à celle de la Prêtreffe; fa tête eft tenue d'une proportion fort diminuée; elle eft furmontée d'un difque, au bas duquel la tête du Serpent Agathodémon eft fort apparente, ainsi que la gravûre de fon collier & la parure de fes épaules. Je n'avois jamais vu de Bufte Egyptien en pierre, & porté par une figure. Celui-ci eft foutenu par un corps quarré d'un affez médiocre volume & chargé d'hieroglyphes: il prouve que c'eft ainfi que l'on portoit les Simulacres dans les proceffions, & confirme la forme des Monumens de bronze auxquels j'ai affigné cette destination. En conféquence je croirois que cette Figure étoit représentée debout; c'eft une des raifons qui m'engage à la regarder comme une Prêtreffe. Non-feulement Ifis eft prefque toujours représentée affife; mais il ne feroit ni vraifemblable, ni naturel que la Déeffe elle-même parût dans une fonction de fon propre culte, ou de celui d'une autre Divinité.

Le No. II, préfente le derrière du Fragment, & fait voir les caractères dont les deux Figures font encore chargées: je crois cependant que la table qui portoit ceux qui font placés derrière la figure d'Horus, étant appuyée fur Tépaule de la Prêtreffe,n'occupoit pas un plus grand efpace, conféquent ils font confervés dans leur entier.

& que par

Le travail & les caractères certifient la grande antiquité de ce Monument: il étoit néceffaire de le rapporter fous les deux principaux afpects, pour faire fentir la difpofition des places occupées par les hiéroglyphes : je les ai fait graver exactement fur les deux faces, & développer plus en grand fur les N°. III, & IV, Le N°. V, préfente ceux que la figure d'Horus porte devant elle. La Prêtreffe pouvoit avoir vingt-cinq pouces de proportion.

Hauteur du Fragment huit pouces quatre lignes : largeur avec la faillie du Bufte fix pouces trois lignes.

Voyez Pl. VI. de ce Volume.

PLANCHE V.

N. I.

CES Groupes ifolés font très-rares dans les Monumens Egyptiens. Quoique l'on puiffe les regarder comme des découpures, on ne peut s'empêcher de défigner par le mot de groupe l'affemblage de plufieurs figures fur le même plan. Elles n'auront aucun des contraftes que préfente la Nature, & dont l'Art fçait heureusement profiter : elles peuvent mal grouper, ou ne point grouper du tout; cependant on ne fçauroit leur donner d'autre nom. Quoi qu'il en foit, ce Monument présente une Figure droite, à tête de lion, & fans aucun mouvement : elle est placée à côté d'une autre, dont l'action eft plus animée, & qu'on auroit pu regarder comme la représentation d'un Soldat prêt à défendre la première, fi elle n'avoit la plante Perfea au menton: fa coëffure pyramidale n'est point ordinaire; elle eft même pofée fur une calotte qui paroît d'une étoffe plus épaiffe qu'aucune de celles que j'aie vûes jusqu'ici fur les monumens Egyptiens. Les deux corps que cette Figure tient dans chacune de fes mains, me feroient inconnus, quand le bronze feroit plus confervé & d'un travail moins groffier. L'affemblage de deux Figures est donc le plus grand, & peut-être le feul mérite de cette antiquité.

Plus grande hauteur quatre pouces deux lignes : longueur de la plinthe deux pouces : largeur de la plinthe un pouce deux lignes.

No. II. III. & IV.

J'AI rapporté plufieurs Monumens du genre de celui que préfente ce Numéro, c'est-à-dire, des Prêtres à tête de lion. Ainfi je me ferois dispensé de faire graver celuici, malgré la bonté de fon travail & l'avantage de fa confervation; mais la remarque que fa coëffure m'a

donné

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