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qu'il faudroit, s'il étoit poffible, examiner féparément toutes les parties de leur gouvernement, & qu'en raffemblant toutes ces piéces féparées, & remontant des effets aux caufes, on pourroit retrouver leurs principes, & former un fyftême très-approchant de la vérité.

Je ne puis confidérer les Egyptiens que du côté des 'Arts; mes forces ne me permettant pas de m'élever plus haut: je vais donc préfenter quelques réflexions auxquel. les ces mêmes Arts m'ont conduit.

Les bâtimens nous donnent des témoignages certains du fçavoir & des connoiffances que les Egyptiens avoient des forces mouvantes; mais ces témoignages ne conduifent qu'à l'étonnement, & ne peuvent inftruire fur les moyens d'une pareille exécution. L'imagination eft frappée de la quantité & du volume des blocs de matières les plus dures, coupés dans les carrières ; mais la réflexion met en état d'expliquer le premier travail : la patience, la pratique & l'exécution confiée à un grand nombre d'hommes, fuffifent pour fe rendre compte de cette opé ration, d'autant qu'elle étoit devenue nationale, c'est-àdire, que la néceffité de travailler pour la postérité étoit infpirée à toute la Nation. Cette conjecture eft prouvée par une réflexion bien simple. S'il eft vrai, comme on ne peut en douter, que le pays leur fourniffoit les matières les plus convenables à ce projet, la grandeur énorme de chaque pierre, loin d'être pour eux un obftacle s'accordoit avec leurs idées particulières; ou, pour mieux dire, ils la regardoient comme un moyen encore plus affuré de parvenir à cette même poftérité, & de la contraindre à les admirer, ou du moins à s'occuper d'eux & de leur éxiftence. Je conviens que les blocs confidérables, coupés dans le milieu d'une montagne, étoient conduits par des pentes jufqu'aux canaux que l'on avoit foin de creufer à ce deffein, quand il ne s'en trouvoit aucun à portée de rendre ce fervice; je n'ignore pas non plus que l'eau pouvoit être employée non-feulement à conduire

ces pierres énormes, mais qu'il étoit poffible de s'en fervir comme d'un agent principal pour les élever fur le terrein, c'est-à-dire, fur le plan de l'édifice. Sans appuyer fur ces premieres opérations qui demandent des manoeuvres & des pratiques liées à plufieurs autres connoiffances, je confens qu'on les regarde comme le fruit de la patience & de la quantité des hommes, ainsi qu'on a dû faire par rapport aux premiers travaux de la carrière. Mais je n'aurai pas la même condefcendance pour la fuite des opérations ; & je demanderai quelle eft l'impreffion que l'on reffent quand on penfe aux moyens néceffaires pour élever ces mêmes blocs, je ne dis pas fur le haut des pyramides, mais feulement fur les temples & les palais les moins exhauffés. Quelque prévenu que l'on puiffe être contre les Anciens, il faut accorder aux Egyptiens une fupériorité de pratique & de connoiffances dans le mouvement des forces, & convenir que nous en fommes bien éloignés.

pro

Je m'expoferai d'autant moins à parler des moyens qu'ils ont employés, que je fuis perfuadé qu'il feroit impoffible au fçavoir & à l'induftrie de l'Europe entière, (en la fuppofant réunie pour cette opération) de répéter de pareils efforts, ou plutôt de produire ces prodiges de méchanique; en un mot, de conftruire une pyramide absolument dans les mêmes circonftances de bâtiffe & de portion, que la plus confidérable de celles qui fubfiftent auprès du Caire, & que l'on connoît pour la plus grande que les Egyptiens aient élevée. Nous pouvons donc nous appliquer encore à cet égard ce que les Prêtres Egyptiens difoient aux Grecs, avec autant de fimplicité que de raison: Vous n'êtes que des enfans. En effet, fans parler des pyramides, les temples & les bâtimens de la Grèce devoient leur paroître des châteaux de carte chargés de colifichets, en les comparant à leurs masses énormes dénuées de toute efpèce d'ornement, & très-médiocrement percées d'ouver

zures.

J'ai fait fentir dans un Mémoire lû à l'Académie des Belles-Lettres,la connoiffance que les Egyptiens devoient avoir de la Chymie. J'en ai même fait mention dans ce Volume à l'occafion des ouvrages de porcelaine; je me contente d'y renvoyer, & je prends le même parti à l'égard des Monumens dont je vais parler, &, dont la matière, la forme, ou le travail méritent d'être obfervés. On pourra toujours les vérifier dans le Cabinet des Antiquités du Roi, où ils font dépofés, comme je l'ai dit au commencement de cet Ouvrage.

La perfection de la Fonte, & tout ce qui concerne fon Pl. VIII. & IX. & exécution, eft prouvé par les Monumens mêmes; on peut Pl.XX.de ce Vol. en dire autant de leur Sculpture & de leur Peinture.

Pl. XXX. de ce
Volume.

Le Tour leur étoit si bien connu, qu'ils fçavoient s'en fervir fur les matières les plus dures; on peut voir, pour en être affuré, l'autel rond formé en espèce de baluftre, PI. XIX.No. I. & & que j'ai rapporté dans le premier Volume. Quand nous ferions privés de cette preuve convaincante, nous voyons que le Touret ne leur étoit pas inconnu; & non-feulement il eft le Tour lui-même, mais avec des augmentations ou des furplus de méchanique, qui méritent quelques obfervations. J'ignore le tems auquel il a été mis en usage pour les pierres gravées; mais on trouve tous les jours des basreliefs en'creux, fur-tout des hiéroglyphes, qui n'ont pu être exécutés que par cet agent, & auxquels on ne peut refuser la plus haute antiquité.

Après avoir confidéré les Egyptiens du côté de leurs opérations, fans m'être attaché à aucun détail de deffein, de trait, d'allignement, de coupe des pierres, de nivellement pour les eaux, & de matières recherchées pour la liaison de leurs différentes bâtiffes, &c, toutes parties néceffaires, mais trop faciles à fuppofer pour être difcutées; je vais les préfenter du côté de la magnificence particuliere & de l'induftrie pour les petits objets. On ne les a point encore confidérés fous ce point de vue qui fuppofe cependant des recherches, des connoiffances & un très-grand

ufage dans plufieurs efpèces de pratiques ; je ne tirerai les exemples de ces différens travaux que du feul affemblage que j'ai pu faire, & dont la plus grande partie fe trouve gravée dans ces Recueils.

Une petite Figure affife fert de cul-de-lampe à la claffe Egyptienne du premier Volume, elle eft d'or. Je ne doute pas que les Egyptiens n'aient fouvent employé ce métal, mais les Arabes en font fort curieux, & ne négligent rien depuis plufieurs fiécles pour s'emparer de celui que l'on découvre; ainsi nous ne devons pas être étonnés de la rareté de ces morceaux, toujours moins communs dans tous les tems.

J'ai rapporté dans le troisieme Volume la figure d'un Singe, dont les yeux font de verre imitant l'agathe-onyx dans la plus grande perfection. Cette imitation prouve la connoiffance, la recherche & l'ufage répété des agathes; elle donne conftamment plus d'étendue à leurs pratiques dans les Arts, que l'onyx elle-même n'auroit pu nous en faire concevoir.

Je poffede plufieurs chats & fouris de bronze, dont les yeux font de grenats ou de rubis. Il eft vrai que ces pierres font taillées en cabochon, car les Anciens n'ont point connu d'autre manière de tailler les pierres fines, & cet ufage eft encore aujourd'hui celui des Indes; mais ces morceaux précieux traités à leur avantage, indiquent la recherche de ces matières, ainsi que les moyens de les faire valoir & de les travailler. La perfection de leurs fertiffures & de leurs enchâffemens prouve auffi le fréquent fage de cette magnificence.

On voit dans le quatrième Volume un Horus, dont les yeux font de nacre de perle.

Un Harpocrate nud, fort fimple dans fa difpofition, & dont le travail eft très-groffier, porte à l'oreille qui n'est point chargée du flocon de cheveux, un grain de corail rond & mobile. Je conviens qu'il pourroit avoir été facilement ajouté, mais il eft conftant que cette oreille a

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Planche XVIII. N°. IV. & V.

toujours été la feule qui fût percée, & j'ai vû plusieurs Harpocrates dans le même cas; cette remarque peut faire regarder cette fingularité comme authentique.

Les métaux incruftés pour former les yeux, ou pour indiquer des parures, entraînent plufieurs pratiques fines & délicates pour leur exécution. Indépendamment de la magnificence prouvée par ces incruftations, l'exactitude du creux, celle du métal ou de la matière incrustée font des opérations, à la perfection defquelles on eft long-tems fans pouvoir arriver, principalement quand aucun exem> ple étranger ne conduit à l'imitation. A l'égard de ces travaux délicats & recherchés, je ne citerai dans le nom bre de ceux que je poffede, qu'un Taureau Apis dont la fonte eft admirable: mais quoique fa taille, ou plutôt fa proportion foit affez confidérable, je ne l'ai point fait graver, par la raifon que fes quatre jambes font rompues, & qu'il ne présente aucune autre fingularité que les incruftations d'or & d'argent mêlés ensemble pour enrichir la parure du col, & le triangle qu'il porte fur le front.

foit

La premiere Planche du quatrième Volume préfente un Prêtre fort chargé d'incruftations, foit pour fa parure, pour les caractères dont il eft orné. Elles ne font exécutées qu'en argent, mais la fineffe des hiéroglyphes au gmente le mérite du travail & de la précision.

Le Volume cinquième fait voir un autre Prêtre qui porte des braffelets formés par une incruftation en or. Ce monument prouve que cette parure, qu'on ne trouve pas communément fur les figures qui font parvenues jufqu'à nous, étoit en ufage chez les Egyptiens: & l'on peur préfumer qu'elle les engageoit à de grandes dépenfes.

On trouve les incruftations plus fréquemment em ployées pour former le globe des yeux: cette prétendue parure adoptée par des Nations plus éclairées dans les parties du goût, eft donc venue des Egyptiens; mais ce Peuple fage, non plus que les Grecs, n'a point fait, généralement parlant, le contre-fens d'y marquer des

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