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N. D. bonne. Ainfi fans s'embaraffer de ce DE VILLE qu'il répondroit aux Lettres qu'il lui avoit écrites, il n'affifta prefque plus au prêche depuis la fin de May.

GAIGNON,

De Leri remarque qu'il fe laiffa alors aller à une feverité exceffive à l'égard des François, mais encore plus à l'égard des Sauvages. Il changeoit tous les jours d'habits, & on jugeoit le matin par leur couleur de quelle humeur il feroit pendant le jour. Quand on lui en voyoit un jaune ou un verd, on pouvoit s'affu rer qu'il ne faifoit pas bon à fe jouer à lui, mais il y avoit principalement à craindre, quand il portoit une Robe de Camelot jaune avec des bandes de velours noir.

Enfin les François venus de Gene ve fe voyant fruftrés de leurs efperances, lui déclarerent, par leur Capitaine Philippe de Corguilleray, Sieur du Pont, que puifqu'il avoit rejetté ce qu'ils appelloient l'Evangile, ils ne vouloient plus lui obéir ni travailler à fon Fort. Sur cette déclaration, il leur refufa les vivres qu'on leur avoit donné jufques-là. Mais ils s'en embarafferent peu, parce

qu'ils en avoient plus des Sauvages N. D. pour une ferpe, ou deux couteaux, DE VILLE. qu'on ne leur en donnoit en fix GAIGNON.

mois.

Pendant ces brouilleries il arriva un Navire François du Havre de Grace, qui fournit aux Mécontens une occafion de revenir en France. Ils s'accorderent donc avec le Capitaine du Vaiffeau, nommé Martin Baudoin, Breton, & lui promirent fix cent livres pour leur tranfport.

Villegagnon mécontent de leur refolution, leur refufa d'abord la permiffion de fe retirer; mais fur ce qu'ils luid clarerent qu'ils partiroient bien fans cela, il permit au Capitaine de les tranfporter en France, & les chaffa de fon Fort en attendant le départ.

Ils s'embarquerent au nombre de quinze ou feize le 4 Janvier 1558. Cinq d'entre eux rétournerent prefque auffitôt au Brefil, & Villegagnon en fit noyer trois, comme feditieux; pour les autres, ils arriverent en France le 26 Mai fuivant, après avoir fouffert une famine horrible & avoir eu les plus triftes avantures, comme

N. D. on peut le voir dans la Rélation que DE VILLE-de Leri en a donnée.

GAIGNON.

Beze dans fon Hiftoire Ecclefiaftique, & Jurieu dans fon Apologie pour la Reformation prétendent que Villegaignon fut la caufe de la famine qu'ils fouffrirent, en faifant en forte que le Maître de leur Vaiffeau n'eût le pas quart des vivres neceffaires pour leur voyage; mais de Leri, qui étoit mieux inftruit qu'eux, puifqu'il étoit de ce voyage, & qui n'étoit pas homme à ménager Fillegai gnon, ne dit rien de ce fait, qui doit par confequent paffer pour faux.

Mais s'il n'eut point de part à cet te difgrace, il braffa à ceux qui l'abandonnoient une trahison, dont ils échapperent heureufement. Il leur avoit fait leur procès à leur infçû, & l'avoit mis dans un petit coffret enveloppé de toile cirée avec plufieurs Lettres, dont il avoit chargé le Maître du Vaiffeau. Il y enjoignoit au premier Juge de France auquel il feroit donné, de les arrêter & de les faire brûler comme héretiques. Mais heureufement le coffret fut remis à des perfonnes de la Religion

P. Reformée, qui rendirent l'artifice N. D. de Villegaignon inutile.

DE VILLELes nouvelles que ces nouveaux GAIGNON. venus donnerent en France de la conduite de Villegaignon, furent cause qu'on ne lui envoya aucun fecours. Dans ces entrefaites les Portugais inftruits de fa foibleffe, & du peu d'attachement que la Colonie avoit pour lui, refolurent de lui enlever fon Fort. Il prevint la perte que cela auroit pu lui caufer, en l'abandonnant lui-même, & en s'en retournant en France avec fes meilleurs effets.

Il y laiffa pourtant quelques Soldats, à qui il promit de leur amener du fecours dans deux mois ; mais ils le livrerent bientôt aux Portugais, foit par la trahison de Cointat, comme quelques-uns l'ont prétendu, foit parce qu'ils étoient trop foibles pour fe défendre, comme il paroît vraisemblable.

Villegagnon étant de retour en France, apprit que Calvin fe déchaînoit contre lui, & l'accufoit d'Athéifme, que le fieur Du-Pont vouloit le voir l'épée à la main, & que Dd iiij

N. D. le Connetable Anne de Montmorenci DE VILLE ajoutoit foi aux mauvais bruits qu'on QAIGNON. répandoit à fon fujet, & le regar

doit comme hérctique. On ne fait comment il fe tira d'affaire avec ces deux derniers. Pour ce qui eft de Calvin, il fe défendit contre lui par plufieurs Ouvrages de Controverse qu'il publia, & dont je parlerai plus bas.

Il fut choifi en 1568. pour être 'Ambaffadeur de Malthe à la Cour de France, & il s'acquita de cet emploi jufqu'à l'an 15 70. que fes indifpofitions lui firent demander d'en être déchargé.

Il mourut le 9 Janvier 1571. (& ୨ non pas au mois de Decembre, comme le dit de Leri, dans fa Commanderie de Beauvais à une demie lieue de Nemours, où l'on voit fon Epitaphe.

,

Les Auteurs Proreftans ont dit bien du mal de lui; Beze dans fon Hiftoire Ecclefiaftique dit qu'il étoit présomptueux jufques au bout, & fantaftique, s'il en fut oncques, ce qu'il tenoit de race. La Popeliniere dans fon "Hiftoire des Hiftoires prétend qu'ik

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