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leur rang distingué me mettoient en droit d'en attendre. J'y comptai: j'avois affaire à des Hollandois.

J'étois impatient de connoître ce pays nouveau, où je me voyois transporté comme en songe. Tout se présentoit à mes regards sous un aspect imposant, et déjà je mesurois de l'œil les déserts immenses où j'allois m'enfoncer.

La ville du Cap est située sur le penchant des montagnes de la Table et du Lion. Elle forme un amphithéâtre qui s'alonge jusques sur les bords de la mer. Les rues, quoique larges, ne sont point commodes, parce qu'elles sont mal pavées. Les maisons, presque toutes d'une bâtisse uniforme, sont belles et spacieuses : on les couvre de roseaux, pour prévenir les accidens que pourroient occasionner des couvertures plus lourdes, lorsque les gros vents se font sentir; l'intérieur de ces maisons n'annonce point un luxe frivole; les meubles sont d'un goût simple et noble. Jamais on n'y voit de tapisseries, quelques peintures et des glaces en font le principal ornement.

L'entrée de la Ville, par la place du château,

offre un superbe coup d'œil. C'est là que sont assemblés, en partie, les plus beaux édifices. On y découvre, d'un côté, le jardin de la Compagnie dans toute sa longueur; de l'autre, les fontaines dont les eaux descendent de la Table par une crevasse qu'on aperçoit de la Ville et de toute la rade. Ces eaux sont excellentes et fournissent avec abondance à la consommation des Habitans, ainsi qu'à l'approvisionnement des Navires qui sont en relâche.

En général, les hommes me parûrent bien faits, et les femmes charmantes. J'étois surpris de voir celles-ci se parer, avec la recherche la plus minutieuse de l'élégance de nos dames Françoises; mais elles n'ont ni leur ton ni leurs graces; comme ce sont toujours les Esclaves qui donnent le sein aux enfans du Maître, la grande familiarité qui règne entr'eux influe beaucoup sur les Mœurs et l'Education. Celle des hommes est plus négligée encore, si l'on excepte les enfans des riches qu'on envoie en Europe pour les faire instruire; car on ne voit au Cap d'autres instituteurs que des Maîtres d'Ecriture.

Les femmes touchent presque toutes du clavecin ;

clavecin ; c'est leur unique talent. Elles aiment à chanter, et sont folles de la danse aussi est-il rare qu'il n'y ait pas plusieurs bals par semaine. Les Officiers des Navires en relâche, qui sont en rade, leur procurent souvent ce plaisir. A mon arrivée, le Gouverneur s'étoit mis dans l'usage de donner, tous les mois un bal public, et les personnes distinguées de la Ville suivoient son exemple.

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J'étois étonné qu'il n'y eût ni café ni auberge dans une Colonie où il arrive tant d'Etrangers; mais il est vrai qu'on trouve à peu près à se loger chez tous les Particuliers. Le prix ordinaire, pour la chambre et la table, est une piastre par jour; ce qui est assez cher quand on songe à la valeur modique des denrées du Pays lors de mon séjour, la viande de boucherie étoit à très-bas prix. J'ai vu donner treize livres de mouton pour un Escalin ( douze sous de France); un bœuf pour douze à quinze Rixdaalers (quatre liv. dix sous le Rixdaaler); dix quartes de bled pour quatorze à quinze Rixdaalers; ainsi du reste. A la vérité, pendant la guerre, tout étoit extraordinairement renchéri; et, dans les derniers temps, on payoit Tome I.

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quarante-cinq Rixdaalers (deux cents deux liv. de France) un misérable sac de pommes-deterre, et cinquante sous un petit chou-pomme. Cependant le prix des pensions n'étoit point, pour cela, augmenté.

Le poisson est très-abondant au Cap; parmi les espèces les plus estimées, on distingue le Rooman, poisson rouge de la baie Falso, le Klepvis, qui n'a point d'écailles. Celui-ci se prend dans les rochers qui bordent la mer; le -Steenbraasen, le Stompneus et quelques autres. ¿Ces poissons excellens figurent exclusivement sur les bonnes tables. Les huîtres sont trèsrares; on n'en trouve que dans la baie Falso; mais l'anguille est plus rare encore; jamais je n'y ai vu d'écrevisses; on y mange des -oreilles de mer, nommées Klepkousen. :~

Il faut s'éloigner de plusieurs lieues du Cap, pour se procurer du gibier; le plus commun sont le Steenbock, le Duyker, le Reebock, le Grysbock, le Bontebock, toutes différentes espèces de Gazelles dont je parlerai plus amplement dans ma Description des quadrupedes; le Liévre, sur-tout la petite espèce qu'on nomme le Liévre de dune, est assez abondant; mais il n'a pas le fumet du nôtre.

On rencontre aussi des Perdrix de diverses espèces plus ou moins grosses, plus ou moins délicieuses que dans nos Contrées; mais la Caille et la Bécassine ne diffèrent point de celles d'Europe. On ne les voit qu'à leur passage.

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Quoi que puissent dire les enthousiastes du Cap, il me semble que nos fruits y ont bien dégénéré. Le raisin seul m'y parut délicieux; les cerises sont rares et mauvaises ; les poires et les pommes ne valent pas mieux, et ne se conservent point. En revanche, les citrons et les oranges, de l'espèce sur-tout appelée Naretyes, sont excellens; les figues délicates et saines; mais la petite banane, autrement le pisan, est de mauvais goût. Ne faut-il pas s'étonner que, dans un aussi beau Pays, sous un ciel aussi pur, si l'on excepte quelques baies assez fades, il ne se trouve aucun fruit indigène ? L'asperge et l'artichaut ne croissent point au Cap; mais tous les autres légumes d'Europe y semblent naturalisés : on en jouiroit toute l'année, si le vent de Sud-Est, qui règne pendant trois mois, ne desséchoit la terre au point de la rendre incapable de toute espèce

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