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auquel cette entreprise étoit réservée; je prêtai l'oreille à ses séductions et de ce moment je me dévouai. Ni les liens de l'amour, ni ceux de l'amitié ne furent capables de m'ébranler; je ne communiquai mes projets à personne. Inéxorable, et fermant les yeux sur tous les obstacles, je quittai Paris le 17 Juillet 1780.

VOYAGE

VOYAGE

DANS L'INTÉRIEUR

DE L'AFRIQUE.

VOYAGE

AU CAP DE BONNE-ESPÉRANCE.

IMPATIENT de réaliser mes projets, je me rendis en Hollande. Je visitai les principales villes de la Republique, et leurs curiosités; Amsterdam enfin m'offrit des trésors dont je n'avois nulle idée. Tous les Savans daignèrent me recevoir; tous les cabinets me furent ouverts entr'autres, je ne pouvois me lasser d'admirer celui de M. Temminck, trésorier de la Compagnie des Indes, et la brillante collection qu'il renferme. J'y remarquai une foule Tome I.

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d'objets précieux que je n'avois jamais vus en France. Tout m'y parut extrêmement rare, et de la conservation la plus pure. Sa superbe volière aussi me présenta, dans une suite admirable, le double aspect de l'Art et de la Nature réunis pour tromper les climats. C'est là qu'il est permis à l'œil enchanté d'admirer, vivans, les individus les plus beaux et les moins connus; c'est là qu'on voit, par les soins assidus qu'on jeur prodigue, les oiseaux les plus éloignés, les plus étrangers l'un à l'autre, multipliant, se propageant, comme s'ils vivoient dans leur pays natal. Ce spectacle, je l'avouerai, servit encore à redoubler mon ardeur, et me raffermit pour jamais contre tous les obstacles et tous les périls que j'avois résolus d'affronter.

Je ne tardai point à me lier particulièrement avec M. Temminck. Cet Amateur me combloit d'honnêtetés; il pouvoit, plus qu'aucun autre, favoriser mes desseins. Je n'hésitai point à les lui confier. Il m'approuva, et me mit bientôt au fait des moyens que je devois employer pour réussir; il n'épargna lui-même ni soins ni démarches; je fus assez heureux pour obtenir la permission de passer au Cap sur un vaisseau de la Compagnie. Mon départ fut arrêté. J'obtins

de mon respectable ami ces recommandations si puissantes et si généreuses, sans lesquelles, par une fatalité singulière, comme on le verra bientôt, je serois infailliblement tombé dans les plus cruels embarras.

Je m'occupois sans relâche des préparatifs nécessaires pour ce grand Voyage. Lorsque je me fus procuré tout ce que je prévoyois devoir m'être utile dans l'intérieur de l'Afrique, je pris congé de mes amis, et de l'Europe. Une chaloupe vint me recueillir, et me conduisit au Texel, à bord du Held-Woltemaade, vaisseau destiné pour Ceylan, mais qui devoit relâcher au Cap de Bonne-Espérance. Notre Capitaine se nommoit S** V**. Le vent n'étant point favorable pour sortir du Texel, nous l'attendîmes pendant huit jours. Dans cet intervalle, j'appris que notre navire étoit un ex-voto de la Compagnie des Indes, en mémoire d'une belle action d'un Habitant du Cap, nommé Woltemaade, lequel, pendant une tempête affreuse, avec le sécours de son cheval, étoit parvenu à sauver quatorze Matelots d'un navire naufragé dans la Baie de la Table, mais qui lui-même, victime de ses généreux efforts,

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avoit péri dans une dernière tentative, accablé par sa propre fatigue, par celle de son cheval, et le poids des malheureux qui s'étoient jetés en foule sur lui, dans la crainte qu'il ne retournât plus au vaisseau avant qu'il fût éntièrement submergé. On peut voir une description très-détaillée et très-attendrissante de cette catastrophe, dans le Voyage au Cap, du docteur Sparmann.

Enfin, le vent s'étant déclaré favorable, nous levâmes l'ancre le 19 Décembre 1781, à onze heures du matin, veille précise de la déclaration de guerre de la part des Anglois à la Hollande. Vingt-quatre heures plus tard, la Compagnie ne nous auroit pas permis de partir; ce qui seroit venu, fort mal-à-propos, me contrarier et renverser peut-être toutes mes résolutions, et plus encore mes espérances. Un très-gros temps, et une brume fort épaisse nous permirent de traverser la Manche sans être aperçus des Anglois; nous gagnâmes la Pleine-mer, fendant les flots en toute sécurité, et ne soupçonnant pas que le feu de la guerre se fût embrasé de toutes parts. Nous allions tantôt bien, tantôt mal, et suivions le Mercure, autre

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