Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Parvenu au point de mon Voyage, où n'ayant plus de relation avec les premiers que je laisse derrière moi, j'arrive et me trouve au milieu des seconds; il n'est pas nécessaire que j'approfondisse et détaille ici toutes les différences qui les distinguent; pour donner une idée du caractère de ces derniers, et de ce que je dois attendre d'eux, il suffit d'une remarque, d'une seule vérité d'expérience : par-tout où les Sauvages sont absolument séparés des Blancs et vivent isolés, leurs mœurs sont douces ; elles s'altèrent et se corrompent, à mesure qu'ils les approchent; il est bien rare que les Hottentots qui vivent avec eux, ne deviennent des monstres. Cette assertion, toute affligeante qu'elle soit, n'en est pas moins une vérité de principe qui souffre à peine une exception; lorsqu'au Nord du Cap je me suis trouvé sous le tropique, parmi des Nations très-éloignées, quand je voyois des Hordes entières m'entourer avec les signes de la surprise, de la curiosité la plus enfantine, m'approcher avec confiance, ́passer la main sur ma barbe, mes cheveux, mon visage : « je n'ai rien à craindre de ces gens, me

[ocr errors]

>> disois-je tout bas; c'est pour la première >> fois qu'ils envisagent un blanc. >>

Je me suis livré à cette digression d'autant plus volontiers qu'il étoit intéressant de fixer les regards sur cette partie plus sérieuse de mes excursions et de mon histoire. J'y reviens avec empressement et j'éprouve sans cesse un: nouveau plaisir à conter ces simples mais délicieuses aventures.

7

Toute la Horde qui avoit eu de la peine à se séparer de moi, m'accompagna jusqu'à la rivière Louri, à quatre lieues du Gamtoos. Nous arrêtâmes pour prendre congé de nos bons amis, les régaler de quelques verres d'eaude-vie, et de quelques pipes de tabac. Les femmes qui, pendant mon séjour dans les environs de leurs Kraals, s'étoient attachées à mes Hottentots, et qui peut-être aussi regrettoient un peu ma cuisine, vouloient absolument nous suivre ; mais plusieurs fois je m'étois aperçu, quoique j'eusse feint de ne le pas remarquer, qu'il s'étoit élevé quelques démêlés entre mes gens; il s'en étoit suivi un peu de relâchement dans le service; ainsi je refusai nettement à ces femmes la permission de

[ocr errors]

1

LA HOTTENTOTE.

m'accompagner et de rester avec moi. Une seule m'avoit paru fort agissante ; j'avois remarqué qu'elle avoit grand soin de mes vaches et de mes chèvres; qu'elle savonnoit et blanchissoit mon linge fort proprement; ces raisons intéressoient assez ma personne; mais un autre motif plaidoit plus fortement sa cause. Elle étoit devenue la maîtresse tendrement aimée de mon fidèle Klaas; les séparer, c'eût été déchirer deux cœurs à la fois, sans nul profit que de me montrer sévère et dur envers un être qui m'auroit, en toute rencontre, sacrifié sa vie. Par une politique contraire à celle qu'eût adoptée tout autre, je résolus de la garder; cette marque de préférence faisoit voir à quel point je distinguois Klaas de ses camarades. Que ce soit injustice ou foiblesse, je me livrai au désir de faire au moins un heureux, puisque tous ne pouvoient l'être, et je n'eus point dans la suite, à m'en repentir. Je donnai à cette femme le nom de Ragel, elle fut chargée du même service qu'elle avoit toujours fait; elle m'a suivi par-tout jusqu'à la fin de ce Voyage.

Après le départ de la horde, nous conti

« AnteriorContinuar »