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ma part, un hommage bien sincère et bien pur. Puisse cette vérité qui m'échappe répandre autant le souvenir de son nom, qu'elle affligera sa modestie!

DÉPART

pour la Baie de SALDANHA.

Les nouvelles de la rupture entre l'Angleterre LES et la Hollande répandues avant notre arrivée, celles plus positives encore que nous apportions, que l'ennemi ne s'endormoit pas, firent craindre qu'on ne le vît incessamment arriver. En conséquence, le Gouvernement jugea qu'il n'y avoit point de temps à perdre, et que les Navires en rade dans la baie de la Table, devoient se réfugier à l'instant dans celle de Saldanha, où ils pourroient échapper plus sûrement aux recherches des Anglois : l'ordre en fut donné à tous les Capitaines. Cet événement sembloit favoriser mes desseins, et je me proposai de partir avec la flotte. M. Vangenep, qui commandoit le Mildelbourg, eut la bonté de m'offrir un très-agréable logement sur son Bord, et toutes les facilités pour m'occuper

fructueusement des recherches que je méditois lorsque nous serions dans la Baie ; j'acceptai ses services avec autant d'empressement que de reconnoissance; je fis embarquer mes effets; le dix du mois de Mai nous mîmes à la voile, accompagnés de quatre autres vaisseaux; et, le lendemain, nous mouillâmes à Saldanha.

Ce Golfe s'enfonce diagonalement, sur la droite de son embouchure, d'environ sept à huit lieues; à gauche, en entrant, on trouve une petite Anse, nommée Hoetjes-Bay; dix ou douze Vaisseaux de guerre peuvent y ancrer sur un bon fond; il est facile à des bâtimens plus foibles de pénétrer plus avant, même jusqu'à la petite isle de Schaapen-Eyland, qui met à l'abri de toute intempérie. On y trouve, à la vérité, de l'eau inférieure à celle du Cap; mais, dans les mauvaises moussons, elle change de nature, et devient excellente. Les Paysans des environs apportent aux navires qui séjournent dans cette Baie des provisions de toute espèce, à beaucoup meilleur marché qu'à la Ville, de telle sorte enfin qu'un Navire venant d'Europe, contrarié par le vent Sud-Est qui l'empêche d'arriver à la baie de la Table, peut

gagner celle de Saldanha, certain d'y trouver des rafraîchissemens en abondance. La compagnie entretient, près de là, un poste de quelques hommes, sous les ordres d'un Capo ral-Commandant qui, dès qu'il aperçoit un Navire à l'embouchure de la Baie, envoie par terre un Exprès pour en donner avis au Gou

verneur.

Les Cachalots, espèce de Baleine que les Hollandois appellent Noord-Kaaper, abondentet jouent continuellement dans ce bassin. Je leur ai souvent envoyé des balles, lorsqu'ils se levoit droit au-dessus de la mer; il ne m'a jamais paru que cela leur fit le moindre effet. Nous trouvâmes une prodigieuse quantité de lapins dans la petite isle de Schaapen-Eyland. Elle devint notre garenne. C'étoit une bonne ressource pour nos équipages.

Le gibier de toute espèce fourmille dans les environs. On y trouve principalement des petites Gazelles, nommées Steenbock, et toutes celles dont j'ai parlé. On y voit aussi des Perdrix et du Liévre ; l'embarras de monter ou de des cendre continuellement dans les sables qui bor dent toute cette plage, en rend la chasse très

pénible et très-fatigante. Les Panthères y sont communes, mais moins féroces que dans d'autres parties de l'Afrique, parce que le gibier leur procurant une nourriture facile, elles ne sont jamais tourmentées par la faim.

Quelques jours après mon arrivée, le Commandant du poste me proposa de chasser avec lui. Le lendemain, nous nous mîmes effecti yement en route. Nous voyons beaucoup de gibier, et nous ne pûmes jamais parvenir à en joindre une seule pièce; vers le déclin du jour, le hasard nous ayant séparés, comme si le sort eut voulu me familiariser tout d'un coup avec les dangers que j'étois venu chercher de si loin, je reçus une leçon à laquelle je ne m'attendois guères, et je fis, pour la première fois, une épreuve un peu rude, et qui fera frissonner plus d'un brave Citadin. Les coups de fusil que je tirois çà et là éveillèrent une petite Gazelle; mon chien se mit à la poursuivre ; et, s'arrêtant à un très-gros buisson, il commença ses aboyemens, tournant sans cesse autour du buisson. J'imaginai que la Gazelle s'y étoit retirée ; j'accourus, dans l'espérance de la tuer; ma présence et ma voix excitoient

merveilleusement mon chien. J'attendois, à chaque instant, que la Gazelle parût; mais, lassé de ne rien voir sortir, j'entrai moi-même dans l'épaisseur du buisson, frappant de côtés et d'autres avec mon fusil pour écarter les branches qui me coupoient le passage. Je n'exprimerai jamais, comme je l'ai senti, la stupeur et l'effroi qui me glacèrent, lorsque, parvenu jusqu'au centre du fourré, je me vis face à face d'une énorme et furieuse Panthère. Son

geste, dès qu'elle m'aperçut, ses prunelles ardentes et fixées sur moi, son cou tendu, sa gueule à demi béante, et le sourd hurlement qu'elle laissoit échapper,.sembloient trop annoncer ma destruction : je me crus dévoré. La tranquillité courageuse de mon chien me sauva. Il tint l'animal en arrêt, et le fit balancer entre sa fureur et sa crainte. Je reculai doucement jusqu'aux bords du buisson; mon admirable chien imitoit tous mes mouvemens, serrant de près son maître, et résolu sans doute de périr avec lui. Je regagnai la plaine, et repris, au plus vite, le chemin du poste, regardant de temps en temps derrière moi. Cependant j'entendois, dans l'éloignement, des coups de fusil

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tirés

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